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David et Goldorak

Quand notre fils aîné était tout petiot, il revint un jour de l’école gardienne fort joyeux, avec l’histoire de « David contre Goldorak » racontée par son institutrice. Il avait confondu le Goliath de l’Ancien Testament et le Goldorak de son dessin animé préféré, le « formidable robot des temps nouveaux », en lutte avec Actarus contre l’empire Vega. On avait bien ri ! J’y resonge aujourd’hui en écoutant et en lisant les nombreuses réactions qui n’ont pas manqué de fuser à propos de la « Voix de la Terre », exprimée par cette chère Charlotte à l’aide de ma plume.

Temps de lecture : 4 min

Je m’attendais à une volée de bois vert, et bien non, pas du tout ! J’ai été agréablement surpris par la réponse du ministre Clarinval, pétrie d’empathie et de pédagogie, exempte de masculinités toxiques. Charlotte tient à féliciter sa maman, qui a bien éduqué son David en évitant de lui inculquer les stéréotypes liés aux genres ! On ressent dans sa lettre qu’il se glisse dans la peau de Charlotte, et désirerait en faire davantage pour elle et ses semblables, les grandes oubliées du système. Hélas, à l’image du berger David de la Bible, il est confronté -sans sa fronde !- au géant Goliath de l’administration du ministère des pensions, lequel est bardé de règlements et de lois, équipé d’algorithmes impersonnels qui ne tiennent aucunement compte des situations particulières, du vécu des individus.

« Ils auraient de belle à faire ! », comme on dit chez nous. La bureaucratie raisonne en termes de cohortes, de secteurs d’activité et suit aveuglément les réglementations. Point final ! Circulez, il n’y a rien à demander de plus que vos droits acquis, selon la durée et le montant de vos cotisations. Or donc, et comprenez-le bien, l’annonce enthousiaste de l’accès des conjointes-aidantes à la pension minimale, a soulevé un immense espoir chez ces dames proches de la retraite, l’espoir d’être enfin reconnues. Il ne s’agissait pas tant d’argent que d’estime de soi, de l’expression d’une gratitude de la société et du monde agricole envers elles. Et puis, patatras ! Charlotte va à l’Inasti et on lui explique la vérité. Elle tombe de haut et se sent bête d’y avoir cru, humiliée, triste et fâchée. Sa déception est la mesure de l’espoir suscité, et elle vient me trouver pour que je raconte son histoire, pour que les autres femmes ne tombent pas comme elle dans le panneau. Les syndicats agricoles et le ministère fédéral de l’agriculture auraient dû mieux communiquer et ne pas faire miroiter des perspectives trop belles pour être vraies.

À ce sujet, Charlotte a été déroutée par la réaction de l’UAW dans Voix de la Terre. « On dirait que la lettre du Ministre a été écrite par une femme, et celle de l’UAW par un homme. », m’a-t-elle confié. Où sont les femmes ? Où sont la sororité et la légendaire empathie féminine ? Excédé semble-t-il par Charlotte, le syndicat se réfugie derrière les règlements et les lois ; il se dédouane et suggère qu’il est temps de passer à autre chose, qu’il a bien travaillé pour les agricultrices (on est bien d’accord) et n’est en rien responsable des conditions légales pour le calcul des pensions (ce qui est vrai). Les nouvelles générations de fermières sont mieux reconnues et protégées, Dieu merci, mais il reste du boulot… QUID des autres?? On ne peut oublier toutes ces dames -et elles sont nombreuses ! –, frappées d’invisibilité et qui se sont esquintées dans les étables et dans leur cuisine 12 heures par jour, 365 jours/an, durant 45-50 ans, sans recevoir en fin de carrière un signe de gratitude, si ce n’est cette fausse bonne nouvelle, cet espoir meurtri qui laisse un désespérant goût de trop peu à celles qui n’ont pas bien compris ce qui les attend…

Les « forces du mal de l’empire sidéral » de la bureaucratie auront-elles le dernier mot ? Bon, d’accord, au lieu d’une fronde, David le berger plein de bonne volonté aurait bien besoin d’un missile Javelin ou Stinger pour vaincre l’appareil administratif, cet affreux géant Goliath que mon petit marmot confondait avec le bon robot, sans comprendre qui est qui. À son image, trop de gens non plus ne comprennent pas les règlements, veulent croire aux bonnes nouvelles, et se perdent dans des confusions qui leur donnent des espoirs insensés. La prochaine fois, j’espère que les communicateurs seront mieux inspirés pour expliquer de A à Z les avancées qu’ils ont obtenues « de haute lutte ».

Alors, Goldorak, go ! UAW et David, go ! Et comme l’affirment les héros du dessin animé : « Ici bas, notre faiblesse nous contraint à nous unir, et même les princes n’échappent pas à cette règle. » (Actarus) ; «  Trop de gens raisonnent comme de petits tambours » (Phénicia) ; «  Au festin de l’amitié, chacun peut trouver sa pitance, mais au festin des loups, il n’y a pas de dessert ! » (Procyon)

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