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La fumure de fond en maraîchage de plein air se raisonne le plus souvent dans une perspective de rotation complète

La fumure de fond concerne en premier lieu les éléments aux faibles risques de pertes par lessivage ou autres. Nous pouvons compter sur le pouvoir tampon du sol et sa capacité d’échanges. Nous pouvons aussi compter sur les réserves du sol liées à sa roche-mère et aux fertilisations apportées antérieurement.

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Le phosphore et le calcium subissent très peu de pertes. Dans une large majorité des sols wallons, les apports peuvent se raisonner dans une perspective d’une rotation complète. Les sols sablonneux ou à faible capacité d’échange seront de préférence fumés chaque année ou les deux ou trois ans. La cartographie des sols est disponible sur https ://geoportail.wallonie.be/. Les laboratoires d’analyses de sol peuvent aider par les conseils et les analyses.

Le potassium et le magnésium subissent un certain lessivage, et peuvent aussi faire l’objet d’une certaine consommation de luxe en cas de teneurs très élevées du sol. Les apports se raisonnent par année ou par groupe de 2 ou 3 années, selon la capacité d’échange du sol déterminée par le labo.

La fumure de fond comprend aussi les apports des amendements de maintien des teneurs en humus et du pH.

L’azote et le soufre ne sont pas gérés comme la fumure de fond. Ils sont facilement lessivés et seront apportés année après année, pour équilibrer le plus précisément les bilans suivant les besoins des cultures d’une part et d’autre part suivant les réserves du sol, les restitutions par les résidus des cultures précédentes et la minéralisation des matières organiques du sol. Notons que les ouvrages techniques sur le maraîchage de référence doivent être réactualisés quant à la question du soufre pour tenir compte de la réduction très significative des retombées atmosphériques en notre région wallonne depuis 30 ans.

La fertilisation des parcelles sous tunnels maraîchers est particulière. Les apports d’eau par irrigation déterminent les mouvements verticaux des éléments minéraux solubles. Si les apports sont plus faibles que les besoins cumulés des plantes et de l’évaporation, les sels tendent à s’accumuler en surface. Les éléments qui s’accumulent comprennent des bases (sodium, potassium, etc.) et le pH remonte, parfois en excès. Cette remontée intervient aussi dans le niveau de salinité du sol de surface.

La fertilité du sol, ce n’est pas que la fumure

N’oublions pas qu’avant de fertiliser ses parcelles, nous devons nous assurer de la bonne fertilité du sol en général, notamment l’état des drainages, le maintien de l’équilibre du pH et la teneur en matières organiques du sol.

Le travail du sol répété en cours de saison tend à favoriser la minéralisation des matières organiques, en faveur d’une mise à disposition des plantes mais aussi allant vers une réduction générale de la fertilité si nous ne prenons pas la peine d’apports suffisants. Les productions d’engrais verts en culture dérodée ou principale ont tout leur sens, qu’il y ait ou non des apports réguliers de fumier.

L’état du drainage et de semelles de labour, de pseudo-labour et les ornières de passages fréquents en périodes humides sont des éléments fondamentaux de la fertilité. Dans les petites fermes maraîchères, nous ne disposons souvent pas des engins capables de réduire ces zones de compression aux structures dégradées. C’est important de pouvoir planifier les interventions d’entrepreneurs agricoles de manière rationnelle. Vu la taille réduite des chantiers, les travaux seront commandés sur base du temps passé plutôt que sur base des surfaces comme les barèmes classiques le prévoient.

La fertilité des parcelles maraîchères ne dépend pas que de la richesse en éléments minéraux du sol. La structure du sol, le drainage, l’irrigation, la rotation, les façons culturales sont tout aussi, voire plus, importantes. Avant d’entrer dans les détails, il faut d’abord régler les fondamentaux agronomiques tels que ceux qui viennent d’être cités.

Pour différentes raisons déjà évoquées ici, nous sommes tentés d’apporter de grandes quantités de fumure de fond, notamment sous forme organique (fumier, compost), lorsque nous en disposons. Mais nous devons prendre garde de ne pas tomber dans des excès. Pour décomposer ces matières, la flore et la faune du sol auront besoin d’oxygène et l’enfouissement devra rester superficiel. De forts apports signifient aussi de fortes mises à disposition d’éléments minéraux, après décomposition. Il faut donc que les cultures en place puissent les valoriser. Durant la phase de décomposition, l’acidité du sol peut augmenter temporairement. Il faut donc s’assurer avant ces apports que le pH du sol soit suffisamment élevé pour que le sol puisse temporiser en suffisance cette acidification. Il peut être intéressant d’apporter un amendement calcaire, calcaro-magnésien ou sulfo-calcaro-magnésien avant (c’est-à-dire plusieurs semaines avant) les apports organiques massifs. Si les apports organiques proviennent de fumiers de ferme, soyons attentifs aux compositions attendues (idéalement après analyse, si non d’après des normes) pour choisir l’amendement calcaire le mieux adapté. En effet, beaucoup de fumiers sont riches en potassium et en azote, mais assez peu pourvus en magnésium et soufre.

Les composts de déchets verts sont disponibles partout en Wallonie et sont des sources de matières humifiables dans le sol et d’éléments minéraux.

Il est difficile de calculer les besoins pour chaque culture, d’ailleurs cela n’a pas beaucoup d’intérêt pour les petites fermes maraîchères aux tailles modestes de parcelles. Les apports globaux en éléments de fond dans la ferme doivent correspondre aux exportations par les légumes vendus auxquels on ajoute ce qui est nécessaire aux corrections mises en lumière par les analyses de sol.

Ce sera la différence entre la fumure azotée et la fumure de fond. La fumure azotée est ajustée culture par culture, la fumure de fond est réglée dans une logique de rotation. Le soufre et le magnésium ont une sensibilité au lessivage intermédiaire et seront ajustés partiellement par la fumure de fond, notamment via les amendements sulfo-calcaro-magnésiens.

Il est possible de calculer les besoins de chaque culture maraîchère, en y distinguant les exportations nettes et les mobilisations totales. Mais ce n’est vraiment pratique que dans le cas de grandes fermes maraîchères, avec des surfaces suffisamment grandes pour que les échantillons de sol puissent y être raisonnablement prélevés et surtout que la fumure puisse pratiquement être apportée parcelle par parcelle.

Les particularités en maraîchage diversifié

Une des difficultés en maraîchage diversifié est d’apporter une fumure, minérale ou organique, calculée au plus juste pour la culture en place. C’est lié à la taille souvent modeste des parcelles et à l’agenda des applications des fumures réparti sur toute l’année.

Avec un assolement et une rotation diversifiés, les exportations et les restitutions s’envisagent de manière globale. Dans certaines fermes maraîchères spécialisées, les restitutions sont relativement faibles. La fertilisation doit en tenir compte.

Des cultures aux forts enracinements valorisent particulièrement bien les apports organiques, comme les cucurbitacées par exemple.

Les cultures maraîchères ont d’importants besoins en soufre (en particulier les Brassicacées) et en magnésium.

Beaucoup de cultures maraîchères plantées ont un enracinement peu profond. Leurs racines ne captent pas les éléments descendus bas dans le profil de sol. D’où l’importance de mettre en place une rotation comprenant des cultures à enracinement profond et des engrais verts.

La limite de profondeur de l’enracinement des cultures maraîchères et l’irrigation fréquente peuvent augmenter le risque de lessivage du potassium. On peut donc considérer qu’en Wallonie, le potassium sera souvent apporté pour une année seulement si la rotation est essentiellement maraîchère. Cet élément pourra être apporté pour plusieurs années si la rotation inclut des céréales (enracinement profond) et des cultures maraîchères.

Les cultures exigeantes

Les choux, les courgettes, les céleris, la betterave potagère sont exigeantes en fumure de fond. Ces cultures mobilisent 100 unités de P2O5, 300 unités de potasse et une cinquantaine d’unités de magnésie, avec des nuances suivant les variétés et le rendement espéré. Les éléments mobilisés sont ceux nécessaires à la constitution de la charpente végétale y compris la partie exportée lors de la récolte. Une part importante de la charpente végétale retourne au sol directement après broyage ou via le compostage des résidus d’épluchage.

Les cultures moyennement exigeantes

Les poireaux, oignons, pommes de terre primeurs, ails, échalotes, laitues sont des cultures moyennement exigeantes et mobilisent des quantités moitiés de celles évoquées ce dessus.

Les cultures peu exigeantes

Les carottes, chicorées witloof, radis, haricots, mobilisent des quantités du niveau du tiers de celles des légumes exigeants. Les quantités d’azote à mettre à disposition sont dépendantes des besoins des cultures, mais aussi des disponibilités apportées par le sol. Cette dernière donnée peut être analysée par les labos du sol sur base d’analyses de profil. Les besoins en éléments minéraux peuvent être comblés, totalement ou partiellement par les apports organiques de la ferme, des composts de déchets verts entre autres.

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La vie du sol

Une activité biologique intense du sol intervient directement dans la fertilité du sol et la mise à disposition d’éléments minéraux déjà présents. C’est le cas notamment pour ceux dont les réserves sont importantes, mais sous une forme indisponible dans les sols compactés ou asphyxiés, comme le phosphore ou le fer, par exemple, mais aussi pour d’autres comme le potassium et le magnésium.

La fertirrigation

Pour les cultures irriguées en goutte à goutte, des pompes doseuses peuvent permettre l’incorporation d’engrais solubles dans l’eau au moment de l’irrigation. Cela concerne la fumure d’entretien et non la fumure de redressement. Ce sont donc des recettes toutes faites en fonction de la culture plus qu’un raisonnement au départ d’une analyse de terre. Les analyses foliaires des plantes peuvent aussi aider à piloter les fertirrigations. Ce sera d’application dans les fermes spécialisées en un ou peu de légumes. C’est difficile à mettre en œuvre dans les petites fermes maraîchères diversifiées.

F.

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