Froment d’hiver: raisonner sa fumure afin de garantir des rendements économiques satisfaisants
Les traditionnelles réunions de sortie d’hiver du Livre Blanc ont eu lieu la semaine passée. Les céréaliculteurs de Wallonie ont pu découvrir les analyses et recommandations des experts lors de deux séances d’informations. Durant celle-ci et afin de bien préparer la saison à venir, une mise au point sur la réserve des sols en azote et ainsi que quelques recommandations pour les fumures étaient proposées.
Avant de faire le point sur les réserves en azote minéral des sols, il est utile de s’intéresser aux conditions climatiques observées ces derniers mois.
On connaît en effet l’influence que peuvent avoir la pluviométrie et la température sur l’ampleur de ces reliquats.
Un automne doux
Après un mois d’août particulièrement chaud, les températures ont commencé à légèrement baisser tout en restant au-dessus des normales saisonnières. Malgré l’arrivé de l’automne, cette douceur s’est maintenue durant tout le mois d’octobre (anormalement chaud cette année) et en novembre. Il a fallu attendre la deuxième décade de décembre pour que le froid fasse son grand retour et mette fin à cette douceur persistante. Plusieurs jours de gel successifs ont alors permis de ramener la température moyenne mesurée en décembre proche de la normale (tableau 01).
Une fin d’année pluvieuse
Peu présente durant le mois d’août, la pluie fait son grand retour début septembre. En effet, les précipitations deviennent à nouveau plus fréquentes en cette fin d’été comme en témoigne le cumul pluviométrique mesuré en septembre, qui est largement supérieur aux valeurs normales (tableau 01). Mais cette instabilité cède rapidement sa place à un temps plus calme en octobre, mois durant lequel les précipitations se font à nouveau plus rares. À partir de la mi-novembre, nos régions sont régulièrement traversées par des précipitations. Si on observe une petite accalmie début décembre, elle est de courte durée puisque les pluies sont à nouveau abondantes durant la dernière décade de l’année.
État des cultures en sortie hiver
Dans les semis de la plateforme expérimentale de Lonzée, à la date du 07 février 2023, les stades de développement du froment observés dans les essais sont au plein tallage pour les semis de mi-octobre et début tallage pour les semis de mi-novembre.
Dans la majorité des emblavements, les cultures sont en bon état.
Le profil en azote minéral du sol au 3 février
Pas moins de 308 parcelles de froment d’hiver ont été échantillonnées, entre le 19 janvier et le 3 février 2023, par le Carah, le CRA-W (Unité Fertilité des sols et Protection des eaux), les laboratoires de la Province de Liège, le CePiCOP et par Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège (GRENeRA et l’Unité de Phytotechnie). Ces prélèvements ont été réalisés dans les différentes régions agricoles de Wallonie sur des parcelles présentant des situations culturales contrastées, notamment au niveau des précédents culturaux. Cette diversité et le nombre de prélèvements réalisés permettent d’être le plus représentatif possible de la réalité du terrain. L’échantillonnage de ces profils a été réalisé sur 90 cm de profondeur.
Le tableau 02 révèle que le profil moyen en sortie d’hiver est cette année semblable à celui mesuré en 2022. D’après les données récoltées jusqu’au 3 février 2023, le niveau d’azote présent dans le sol sur une profondeur de 90 cm est en moyenne de 45 kg Nmin /ha. Il est également inférieur à la teneur moyenne en azote minéral de ces dix dernières années (54 kg Nmin /ha).
Migration vers le fond du profil
Il est intéressant de s’attarder sur la distribution de cet azote dans le sol. La couche supérieure du profil (de 0 à 30 cm) est la plus pauvre. Elle ne contient que 10 kg Nmin /ha soit un peu plus de 22 % de l’azote présent dans le profil azoté. La zone intermédiaire située entre 30 et 60 cm, comprend 13 kg Nmin /ha. Enfin, le dernier horizon, compris entre 60 et 90 cm de profondeur, est la partie la plus riche (22 kg Nmin /ha). La pluviométrie importante de ces derniers mois a favorisé la migration de l’azote vers le fond du profil et a ainsi contribué à enrichir cet horizon.
Des disparités liées aux précédents culturaux
De fortes disparités existent également entre les différents précédents culturaux (tableau 03). Les profils les plus riches sont observés lorsque le froment suit une légumineuse ou une pomme de terre. Ces parcelles présentent respectivement un reliquat moyen de 63 kg Nmin /ha et de 49 kg Nmin /ha. Dans une moindre mesure, d’autres précédents comme le colza, le maïs offrent également un reliquat conséquent avec une teneur moyenne inférieure à 50 kg Nmin /ha. Cette affirmation se vérifie également pour la betterave et la chicorée qui laissent cette année des profils un peu plus fournis qu’en 2022.
Il est important de remarquer que pour un même précédent, il existe une forte variabilité entre les différents profils. Cette variabilité illustre les contextes pédo-climatiques variés rencontrés en Wallonie mais également les différences de pratiques en matière de fertilisation.
Les fumures de référence pour la nouvelle saison
La fumure de référence pour 2023 est basée sur les résultats d’une analyse pluriannuelle des essais « fumure », ainsi que sur base des observations de ce début de saison.
Cette année, l’azote est majoritairement présent dans le deuxième et le troisième horizon et peu dans l’horizon superficiel, à cause de la lixiviation. La fraction de tallage est donc, pour ces raisons, maintenue à 60 kg N/ha. Les fractions de redressement et de dernière feuille sont fixées par rapport à une année normale.
La fumure en deux fractions sera réservée aux situations les plus favorables. Une fumure totale de 170 kg N/ha est donc conseillée pour l’année culturale 2022-2023. La dernière fraction est réduite par rapport aux années précédentes afin de garantir la bonne valorisation de cet azote, mais aussi pour éviter tout excès de fertilisation en fin de cycle.
Les deux fumures de référence proposées en 2023 sont :
– Fraction du tallage (1ière fraction) : 60 N
– Fraction du redressement (2e fraction) : 60 N
– Fraction de la dernière feuille (3e fraction) : 65 N
– Fraction de la dernière feuille : 75 N
Ces fumures de référence doivent toujours être adaptées en fonction du contexte de la parcelle et de l’état de la culture. Avant chaque apport, il est impératif d’ajuster les doses préconisées par la fumure de référence en tenant compte des différents facteurs correctifs.
Le conseil pourra évoluer en cours de saison en fonction des conditions de développement et de croissance des cultures.
Dans un contexte où le prix des engrais azotés est particulièrement élevé, il est plus que probable qu’un excès de fertilisation génère d’importants surcoûts. Cette année encore, raisonner sa fumure est une démarche nécessaire afin de garantir des rendements économiques satisfaisants.
, février 2023
