Accueil Bovins

L’intoxication par le cuivre, un réel danger pour nos bovins

Le cuivre, souvent abrégé en « Cu », constitue un élément essentiel de la ration du bétail. Toute-fois, bien que cet oligo-élément soit indispensable, de graves complications peuvent survenir en cas d’ingestion excessive.

Temps de lecture : 7 min

Si ce sont surtout les moutons, et certaines races en particulier, qui sont sensibles à l’intoxication par le cuivre, on peut aussi voir apparaître ce type de problème chez les bovins. En Belgique, les animaux de race Blanc-Bleu-Belge y montrent une sensibilité accrue.

Les rôles du cuivre dans l’organisme

Le cuivre est important pour la santé de nombreuses espèces animales. Tout d’abord, il joue le rôle de cofacteur pour l’absorption du fer dans les intestins. En outre, il a une influence importante sur la production de cellules sanguines, le système nerveux, la croissance des poils et la croissance et le maintien des os. Pour maintenir tous ces processus, une quantité minimale de cuivre dans la ration est nécessaire, et tant la carence que l’excès ont des effets néfastes sur l’animal.

Toxicité aiguë ou chronique ?

Les intoxications par le cuivre peuvent se produire de manière aiguë ou chronique. Dans les cas aigus, qui ne se produisent que rarement, une grande quantité de cuivre est soudainement ingérée, ce qui entraîne assez rapidement des symptômes cliniques. Du côté des intoxications chroniques, une absorption excessive de cuivre relativement plus légère se produit, mais sur une plus longue période. En pareilles situations, l’excès est stocké dans le foie. De plus, on n’observe que peu, voire pas, de symptômes cliniques.

Lorsque le seuil de toxicité est atteint, les cellules du foie s’endommagent, libérant de grandes quantités de cuivre dans le système sanguin. Les symptômes cliniques commencent alors à apparaître.

Comment expliquer une intoxication par le cuivre ?

Une intoxication par le cuivre peut survenir de diverses manières. Premièrement, la complémentation peut mal se passer. Un ajout trop important de cuivre à la ration, en raison d’une erreur de calcul, peut rapidement avoir des conséquences dramatiques sur le bétail.

La distribution d’un ensilage d’herbe présentant une concentration excessive en cuivre, résultant d’une fertilisation avec du lisier de porc par exemple, constitue un autre facteur explicatif. En effet, l’alimentation des porcs est souvent riche en cet oligo-élément et ceux-ci le tolèrent très bien. Cependant, cela entraîne aussi l’excrétion d’une grande quantité de cuivre, via les matières fécales, qui sera absorbée par les espèces prairiales après l’épandage du lisier.

Sérum sanguin rouge brunâtre, résultant de l'hémolyse et de la formation de méthémoglobine. Les cellules sanguines (en dessous) sont également de couleur foncée.
Sérum sanguin rouge brunâtre, résultant de l'hémolyse et de la formation de méthémoglobine. Les cellules sanguines (en dessous) sont également de couleur foncée. - L.C.

La poudre de lait peut présenter des concentrations élevées en cuivre. Une concentration maximale de 40 mg Cu/kg est fixée par la législation européenne, mais des erreurs de production peuvent entraîner un dépassement de cette limite.

Outre les aliments, l’eau peut être source de problème. La présence de tuyaux en cuivre ou de boilers vétustes contenant ce matériau peut entraîner une contamination de l’eau potable.

Enfin, une carence en molybdène dans la ration peut expliquer certains cas d’intoxication. En effet, il s’agit d’un agent chélateur auquel le cuivre se lie, empêchant ainsi son absorption par l’animal. Lorsque les concentrations en molybdène sont faibles (c’est notamment le cas du trèfle), une plus grande absorption de cuivre est possible, avec les conséquences que l’on imagine.

Identifier les symptômes

Aussi bien en cas d’intoxication aiguë que chronique, le cuivre entraîne la dégradation des globules rouges. Une hémolyse importante provoque une crise dite hémolytique. Les signes cliniques qui peuvent alerter l’éleveur sont la somnolence et la faiblesse de l’animal. Ces symptômes sont accompagnés d’allongements fréquents, d’un manque d’appétit, d’urines foncées et d’une jaunisse. Suite à cette dernière, également appelée ictère, les muqueuses des yeux, de la bouche, de la vulve, des mamelles… prendront un aspect jaunâtre.

Urine de couleur brun foncé, résultant  de la formation de méthémoglobine,  découlant elle-même de la présence excessive de cuivre dans le sang.
Urine de couleur brun foncé, résultant de la formation de méthémoglobine, découlant elle-même de la présence excessive de cuivre dans le sang. - L.C.

Lors d’un examen plus approfondi, le vétérinaire observera que les paramètres hépatiques sont, dans la plupart des cas, élevés. La formation de méthémoglobine dans le sang est également fréquente. Celle-ci résulte d’une altération de l’hémoglobine dans les globules rouges. En conséquence, ces derniers ne sont plus en mesure de transporter l’oxygène dans le corps. De ce fait, le sang prend une coloration très foncée tandis que les animaux présentent souvent des troubles respiratoires. En cas de méthémoglobinémie, les muqueuses peuvent également présenter une couleur brun clair.

Établir avec assurance un diagnostic

Sur base des signes cliniques et du bilan hépatique, un diagnostic présumé d’intoxication par le cuivre peut être posé. Pour établir un diagnostic définitif, en cas d’intoxication chronique, seule une biopsie du foie permet de déterminer avec fiabilité que le cuivre est à l’origine de ce cas spécifique. A contrario, une analyse du sang n’est pas représentative : un résultat normal peut être obtenu alors que l’animal souffre bel et bien d’une intoxication. Un taux de cuivre supérieur à 150 mg/kg de matière humide du foie est considéré comme étant toxique et permet de poser le diagnostic.

Dans le cas d’une intoxication aiguë, aucune accumulation de cuivre n’est observée dans le foie. Une biopsie n’est donc pas recommandée. Généralement, en pareille situation, l’anamnèse (interrogatoire préliminaire à tout examen) et les signes cliniques montrent déjà que l’animal a absorbé une grande quantité de cuivre en très peu de temps. Parfois, des symptômes sont observés, tels que des coliques, une somnolence avec diminution de l’appétit, des muqueuses de couleur jaune ou des urines de couleur foncée. Cependant, dans le cas d’une intoxication aiguë, les animaux meurent souvent subitement sans qu’aucun signe clinique ne soit observé.

D’autres intoxications peuvent provoquer des symptômes similaires. C’est le cas de certaines plantes toxiques, comme le chou et le colza, les oignons et le séneçon de Jacob, ainsi que divers métaux lourds. En ce qui concerne les causes infectieuses, il convient, éventuellement, d’envisager la babésiose (ou piroplasmose bovine), l’anaplasmose, la leptospirose, la clostridiose et l’hémoglobinurie bacillaire, car ces maladies peuvent aussi provoquer une hémolyse.

Les traitements à mettre en œuvre

La première étape du traitement, qui est aussi la plus logique, consiste à réduire immédiatement l’apport en cuivre et à éliminer la source de l’intoxication, si elle est connue. L’eau et l’alimentation doivent être passées au crible pour localiser la cause de l’intoxication. Ainsi, on évitera que d’autres cas se produisent. Mais pour l’animal intoxiqué, cela ne sera guère bénéfique…

Lorsque des signes cliniques sont constatés, une thérapie par perfusion continue est fortement recommandée pour éliminer au mieux le cuivre de l’organisme. Sa présence induisant la formation de méthémoglobine, l’animal touché peut également souffrir de troubles respiratoires. L’oxygénothérapie est donc bénéfique dans ce cas.

Une concentration excessive en cuivre dans l'ensilage d'herbe  peut entraîner une intoxication du bétail.
Une concentration excessive en cuivre dans l'ensilage d'herbe peut entraîner une intoxication du bétail. - LBL

Il existe des agents chélateurs qui lient et éliminent le cuivre accumulé. Le molybdate d’ammonium, associé au sulfate de sodium, peut être utilisé à cet effet. Cependant, on ne peut recourir à ces produits sur les animaux destinés à la consommation.

En raison de l’affaiblissement fréquent des animaux atteints et de la pression exercée sur le système immunitaire, des infections secondaires surviennent souvent au cours du traitement, comme une pneumonie ou une inflammation de la (ou des) veine(s) où se trouve le cathéter. Un traitement antibiotique approprié est alors recommandé.

Enfin, des antioxydants (la vitamine C, par exemple) peuvent être administrés pour limiter les dommages causés par le pouvoir oxydant du cuivre sur les globules rouges.

Malheureusement, le pronostic vital est généralement engagé, tant chez les bovins que chez les autres espèces. Le traitement est souvent infructueux, surtout pour les cas avancés ou très aigus.

Une complémentation maîtrisée

Une complémentation excessive en cuivre est la principale cause d’intoxication chez les animaux. Il s’agit souvent de cas où l’éleveur ne se rend pas immédiatement compte de la situation, car la complémentation se fait par différentes voies : bolus, minéraux, rations…

Avant de procéder à la complémentation, il faut d’abord évaluer le statut en cuivre du troupeau, idéalement via un prélèvement hépatique. Les paramètres hépatiques doivent également être contrôlés régulièrement pendant la période de complémentation. On peut aussi éviter les intoxications en n’intervenant que par une seule voie, ce qui permet de garder le contrôle de la situation à tout moment.

D’après Laurens Chantillon,

Université de Gand

A lire aussi en Bovins

Voir plus d'articles