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Bail à ferme ou bail de droit commun? Un préavis de congé qui diffère selon le cas!

Je suis locataire d’une prairie depuis plus de vingt ans. J’y élève deux ou trois brebis et plusieurs agneaux pour notre consommation familiale. Il y a peu, j’ai reçu un congé par lettre recommandée de la part du propriétaire. Il me demande de libérer sa prairie dans un mois. Est-ce légal ?

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La validité du congé reçu dépend du régime locatif qui est d’application. S’il s’agit d’un bail à ferme, un tel congé ne pourrait être valable, puisque les possibilités pour le bailleur de donner congé sont réglées très restrictivement dans la loi sur le bail à ferme.

Par contre, s’il s’agit d’un bail de droit commun, le congé est légal. L’article 1736 du Code civil dit en effet que le bail conclu pour une durée indéterminée est censé être fait au mois et qu’il ne pourra y être mis fin que moyennant un congé d’un mois.

Nous estimons que cette règle ne peut s’appliquer telle quelle à une location de biens ruraux et qu’il faut toujours partir du principe que les parties ont voulu conclure un bail pour la durée de la saison. Nous pensons également que le préavis doit être plus long en cas de baux de très longue durée, et ce en vertu de la bonne foi requise à l’exécution de toute convention.

Quoi qu’il en soit, il faut encore déterminer la législation applicable.

Un bail à ferme ?

La loi sur le bail à ferme s’applique aux baux de biens immeubles qui, soit dès l’entrée en jouissance du preneur, soit de l’accord des parties en cours de bail, sont affectés principalement à son exploitation agricole. Par exploitation agricole, on entend l’exploitation de biens immeubles en vue de la production de produits agricoles destinés à la vente.

La protection de la loi sur le bail à ferme est désormais expressément réservée à l’agriculteur professionnel, fût-ce à titre de profession accessoire et/ou complémentaire. Tant les travaux préparatoires de la loi que la jurisprudence et la doctrine qu’elle a suscitées confirment l’interprétation extensive de la définition de l’exploitation agricole. La Cour de Cassation retient essentiellement le critère de la production agricole destinée à être vendue sur le marché.

Vous devez donc prouver votre qualité d’agriculteur professionnel. Vous pouvez présenter, entre autres, vos factures de vente ou des bordereaux d’achat avec votre numéro de TVA. Votre déclaration fiscale peut aussi être ajoutée. Selon la jurisprudence et la doctrine, la production des produits agricoles pour sa propre famille n’entraîne pas la protection de la loi sur le bail à ferme. Sur base de votre courrier, il semble donc que la location de la prairie tombe sous l’application du droit commun.

Préavis

Depuis la loi du 20 février 1991, l’article 1736 du Code civil précise que le bail de droit commun conclu pour une durée indéterminée est censé être fait au mois et qu’il ne peut y être mis fin que moyennant un congé d’un mois. Nous restons fermement convaincus, malgré le texte clair de la loi, qu’un tel régime ne se conçoit pas aux baux de biens ruraux, et qu’il faut considérer que les parties ont voulu conclure un bail pour toute une année, lorsque le prix de la location est payé annuellement.

En tout état de cause, il s’ensuit de la disposition légale citée que le propriétaire peut donner congé à tout moment et ce sans devoir invoquer un motif. La durée du préavis est d’un mois ou, si on suit notre interprétation, jusqu’à la fin de la saison de pâture ou de l’année.

Dans la jurisprudence, on a retrouvé un seul jugement du Juge de Paix de Geel, lequel semble suivre notre point de vue. En 2015 le Juge de Paix de Geel décidait que, vu l’objet du bail, à savoir des terres agricoles, et le fait que le loyer était payé au mois, il peut être admis, à défaut d’éléments de preuve, que le bail a été conclu pour une durée indéterminée, à l’année, contrairement au règlement supplétif au mois, stipulé à l’art. 1736 du Code civil concernant les baux oraux conclus à durée indéterminée. Un bail concernant des terres agricoles, courant au mois, rendrait en effet impossible une utilisation des terres pour une exploitation agricole.

Nous vous conseillions de contester le congé que vous avez reçu en disant que le préavis doit être prorogé jusqu’à la fin de l’année.

Jan Opsommer

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