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Un congé pour le motif d’exploitation personnelle : la suite des critères à examiner

Dans cette nouvelle parution, une seconde série de critères qui conditionnent la validité du congé pour le motif d’exploitation personnelle seront abordés.

Temps de lecture : 4 min

Poursuivons l’examen des conditions légales de validité à vérifier en cas de notification d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle. Il est conseillé de « se rafraichir la mémoire » en relisant la précédente parution mais, pour rappel, étaient évoqués : l’activité professionnelle du bénéficiaire du congé, l’adéquation légale du bénéficiaire du congé (le bailleur ou un parent éligible), la sincérité et le sérieux du projet agricole du bénéficiaire du congé, l’âge du bénéficiaire du congé et les antécédents du bénéficiaire du congé.

Un démembrement de propriété

Vient ensuite l’implication éventuelle du démembrement de propriété, soit la « scission » du droit de propriété en usufruit et nue-propriété. Le cas visé est le suivant.

Le bailleur ne peut notifier un congé pour le motif d’exploitation personnelle, soit parce qu’il ne remplit pas les conditions lui-même, soit parce qu’aucun de ses parents éligibles ne les remplit. Pour, malgré tout, récupérer les terres via un tel congé, il cède son usufruit à un tiers (c’est le « démembrement du droit de propriété ») qui, lui, remplit lesdites conditions. L’usufruitier nouvellement constitué se retrouve bailleur et notifie un congé…

Le procédé présente une toile de fond frauduleuse si bien que la loi l’exclut de toute possibilité de voir un tel congé validé.

Attester de ses compétences

La question des aptitudes ensuite. L’idée est que le bénéficiaire du congé présente les capacités intellectuelles et techniques agricoles nécessaires à la bonne exploitation du bien loué objet du congé. De près ou de loin, cette condition va de pair avec le caractère sincère et sérieux du congé.

Présente les conditions d’aptitude le bénéficiaire du congé qui :

1) est porteur d'un certificat d'études ou d'un diplôme délivré après avoir suivi avec fruit un cours agricole ou des études à une école d'agriculture ou d'horticulture ou

2) est exploitant agricole ou l'a été pendant au moins un an au cours des cinq dernières années ou

3) a participé effectivement pendant au moins un an à une exploitation agricole.

Il s’agit de conditions non cumulatives. Traduction : il ne faut pas remplir les trois mais, au moins, une des trois. La condition d’aptitude est à remplir au jour de la notification du congé.

Prépondérance de l’activité agricole ?

Parlons dès après de la notion de prépondérance. Ce critère de validité ne sera à examiner que si le preneur, à qui le congé est notifié, est exploitant agricole à titre principal. Dans ce cas, l’activité agricole du bénéficiaire du congé devra, elle aussi, présenter un caractère prépondérant par rapport à toute autre activité professionnelle éventuelle.

On « regarde donc dans l’assiette » du preneur et, selon ce qui s’y trouve, on examine la situation du bénéficiaire du congé. Si le preneur n’est pas exploitant à titre principal, peu importe que l’activité agricole du bénéficiaire du congé soit, ou pas, prépondérante.

Deux remarques encore :

Primo, la prépondérance, au niveau du bénéficiaire du congé, est à examiner à l’échéance du délai de préavis, et non au jour de la notification du congé. La loi utilise en effet le futur simple en son texte légal.

Secundo, la loi ne définit pas la notion de prépondérance mais la jurisprudence s’y est attelée.

Le fait d’être, ou pas, prépondérant dépend d’un nombre non exhaustif de critères que le juge examine : le temps consacré à l’activité, les rentrées financières, les bénéfices, les charges, les investissements, l’intérêt consacré, etc … C’est en fait au juge, en charge du dossier, de dire si, en son appréciation, le bénéficiaire du congé est ou pas prépondérant.

Une superficie maximale et minimale fixée par arrêté quinquennal

Viennent ensuite les notifions de superficie maximales et minimales d’occupation. Ce critère ne sera, lui aussi, regardé que si le preneur à qui le congé est notifié est exploitant agricole à titre principal. L’idée est d’éviter de créer des « méga » structures agricoles au détriment d’exploitations plus petites. C’est donc une question d’équilibre. Si le congé a pour effet de porter la superficie totale exploitée de l’entreprise agricole du bénéficiaire du congé au-delà de la superficie maximale fixée par arrêté et de porter la superficie totale exploitation de l’entreprise agricole du preneur en-deçà de la superficie minimale fixée par arrêté, le juge PEUT, mais ne doit pas nécessairement, refuser la validité du congé, même si TOUTES les autres conditions sont remplies. Le même raisonnement est applicable si lesdites superficies sont déjà dépassées. Les arrêtés sont publiés par le Gouvernement Wallon tous les 5 ans selon des critères précis…

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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