Accueil Droit rural

Le bail de carrière : une longue durée d’occupation bien cadenassée

À l’occasion des précédentes parutions, il nous a été donné d’examiner les baux ordinaires, les baux dont la première période est supérieure à 9 ans mais inférieure à 18 ans, les baux de longue durée, les baux de courte durée et les baux de fin de carrière… Reste à parcourir les baux de carrière.

Temps de lecture : 6 min

Les baux de carrière ne sont pas une nouveauté consécutive à la réforme de 2020. Ils sont en fait le fruit de la réforme législative de 1988 : c’est dire si, à l’heure de ces lignes, les baux de carrière sont ancrés dans le droit rural et, surtout, dans la pratique rurale…

La définition du bail

Il n’est pas vain, avant d’expliquer, de citer l’article 8§3 de la loi sur le bail à ferme, base légale du bail de carrière :

§ 3.

Par dérogation à l’article 4, les parties peuvent conclure un bail de carrière.

Le bail de carrière est conclu pour une période déterminée égale à la différence entre le moment où le preneur aura atteint l’âge légal de la pension et son âge à la date d’entrée en vigueur du contrat. Cette période déterminée comporte au minimum vingt-sept ans. Au cas où il y a plusieurs preneurs, la période déterminée est calculée sur base de l’âge du copreneur le moins âgé.

Au terme d’un bail de carrière, le bailleur retrouve automatiquement la libre disposition de son bien sans que le preneur ne puisse s’y opposer.

La sous-location et la cession de bail sont possibles conformément aux articles 30, 31, 32, 34 et 34bis sans que la période déterminée ne puisse toutefois être dépassée.

Si le preneur est laissé en possession du bien après l’expiration du bail de carrière, le bail de carrière se poursuit tacitement d’année en année. Aucune cession ou cession privilégiée ne peut intervenir durant cette tacite reconduction. Par dérogation à l’article 43, le bail est résilié au jour du décès du preneur ou à une date ultérieure permettant le complet enlèvement de la récolte croissante par ses héritiers ou ayants droit.

Sous réserve des alinéas précédents, les dispositions de cette loi sont entièrement applicables au bail de carrière.

Sujet à certaines règles

Les règles du bail de carrière sont les suivantes.

Il est conclu pour une période qui court du jour de sa prise de cours jusqu’au jour de l’atteinte de l’âge légal de la pension par le preneur, sachant que sa durée ne peut être inférieure à 27 ans. L’âge légal de la pension est une donnée objective et ne s’entend pas du jour où tout un chacun décide, dans un choix personnel de prendre sa pension.

Pour les personnes nées avant le 1er  janvier 1960, l’âge légal de la pension est de 65 ans. Pour les personnes nées entre le 1er  janvier 1960 et le 31 décembre 1963, l’âge légal de la pension est de 66 ans. Pour les personnes nées à partir du 1er  janvier 1964, il est de 67 ans. Autant dire, donc, que le bail de carrière ne peut être souscrit par qui le veut. Il faut que le candidat preneur puisse bénéficier d’une durée d’occupation de 27 ans entre le jour de la prise de cours du bail et le jour où il aura atteint l’âge légal de la pension.

Deux précisions d’importance :

(1) lorsqu’il y a plusieurs preneurs, c’est l’âge du preneur le plus jeune dont il est tenu compte ;

(2) en cas de décès du preneur, le bail prend également fin de plein droit, même s’il n’a pas duré ses 27 ans par exemple.

Au jour où le preneur a atteint l’âge légal de la pension, le bail de carrière prend fin de plein droit, c’est-à-dire automatiquement, sans que le bailleur ne doive justifier d’un quelconque motif. En d’autres mots, il n’a pas à indiquer ce qu’il entend faire des biens loués : ces biens redeviennent libres d’occupation.

La loi précise d’ailleurs que le preneur ne peut s’opposer à cette fin de bail de plein droit. La loi ne prévoit pas que le bailleur ait charge de s’adresser, dans un délai déterminé, au preneur pour lui préciser que le bail prend fin à telle date. Ceci étant, il est vivement conseillé d’en aviser le preneur, plusieurs mois à l’avance raisonnablement.

De fait, la loi précise aussi que, si le preneur est laissé en possession du bien après la fin du bail de carrière, son droit d’occupation se reproduit an pour an… Si le preneur refuse de quitte les lieux, malgré une notification du bailleur, il reviendra à ce dernier d’agir devant le juge de paix, en expulsion, considérant que le preneur occupe les biens sans titre ni droit (c.-à-d. qu’il squatte) après le jour où il a atteint l’âge légal de la pension.

Le droit de sous-louer et de céder

La sous-location et la cession de bail sont possibles, aux conditions suivantes. En premier lieu, toute forme de sous-location ou de cession interdite dans le cadre des baux autres que les baux de carrière est interdite, aussi, dans le cadre d’un bail de carrière. Traduction : sous-location ou cession autorisée au profit d’un tiers moyennant accord écrit et préalable du bailleur ou au profit d’un parent légalement éligible sans autorisation du bailleur mais moyennant notification à celui-ci.

À noter, et c’est important, que le sous-locataire ou le cessionnaire ne pourra occuper plus longtemps que la durée du bail de carrière du preneur de départ : lorsque le bail arrive à son terme, la sous-location prend fin aussi, tout comme le droit d’occupation du cessionnaire prend fin. Précisément, en matière de cession, cela signifie que la cession privilégiée est interdite en cours de bail de carrière, ce dans la mesure où elle aurait pour effet de créer des droits locatifs potentiellement plus longs que la durée convenue du bail de carrière… La loi le prévoit expressément.

Les plus et les moins du bail de carrière

Pour le reste, le bail de carrière doit être constaté par acte notarié et peut amener, au niveau fermage, une majoration de 50 % pour les terres et de 25 % pour les bâtiments. Il permet aussi, vu sa durée, des aménagements fiscaux au profit du bailleur, ce depuis la réforme de 2020. En conclusions, le bail de carrière est intéressant pour le preneur en ce que sa période fixe est longue, voire très longue. Le bail ne peut par contre faire l’objet de cessions que dans des conditions bien déterminées. Il prend du reste fin de plein droit, sans aucun renouvellement. Le bailleur, lui, devra subir la longue durée de la période fixe mais se voit garanti, juridiquement, de recouvrir un jour la liberté d’occupation de son bien. Le fermage peut du reste être majoré…

A lire aussi en Droit rural

Le sort du bail «ordinaire» de 9 ans

Droit rural Un bail « ordinaire » aura une durée minimale de 9 ans et inférieur à 18 ans. Il peut être renouvelé à trois reprises pour atteindre un maximum de quatre périodes d’occupation. La rupture de ce bail peut s’effectuer de différentes manières. Attardons-nous sur les suivantes : à l’amiable, par notification d’un congé et en cas de faute grave.
Voir plus d'articles