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Les baux de longue durée, au sens légal de l’expression

Les baux de longue durée reçoivent une réglementation juridique particulière. Durée, délai de préavis, prolongation du bail à l’échéance de la première période d’exploitation ou encore majoration du fermage, autant de spécificités à cerner.

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L’intitulé du titre de la présente parution est clair : l’expression « longue durée » s’entend ici au sens légal. En effet, et en tant que tel, pour tout un chacun, un bail d’une première période de 9 ans ou de 18 ans (voire précédences parutions à ce sujet) présente une longue durée, si on entend les termes « longue durée » au sens du Petit Larousse…

Les baux dont il est question à l’occasion de la présente parution sont ceux de longue durée mais au sens de la loi, singulièrement de l’article 8 §2 de la loi sur le bail à ferme.

Ces baux ont la particularité de recevoir une règlementation juridique propre à eux, réglementation reprise audit article 8 §2 de la loi sur le bail à ferme. Cette règlementation particulière implique ainsi un régime spécifique qui les distingue des autres types de baux. Examinons ce régime spécifique, sous chacun de ces angles.

Une première période de 27 ans

La durée, d’abord. La loi prévoit qu’elle est, a minima, de 27 années pour la première période d’occupation. 27 années constituent un minimum, sans que la loi ne prévoie de façon expresse un maximum. Il s’entend que la première période de 27 années ne constitue pas l’addition de 3 périodes d’occupation : on ne peut ainsi donner congé pour motif d’exploitation personnelle, par exemple, que pour l’échéance de la première période (27 années par ex.), non dès que 9 ou 18 années d’occupation s’achèvent.

De quatre ans au plus à trois ans au mois

Le délai de préavis, ensuite, en cas de congé. Pour l’échéance de la première période, la loi prévoit que le délai de préavis sera de quatre ans au plus et trois ans au mois, contrairement aux baux ordinaires de 9 ou 18 années au moins qui, eux, prévoient un délai de préavis de quatre ans au plus et deux ans au moins. Attention  : on ne parle ici que des préavis pour les congés notifiables pour l’échéance de la période d’occupation, et non des préavis pour les congés envoyables à tout moment (par ex. terrains à bâtir, usage familial, etc.).

La loi envisage de façon expresse les congés pour le motif d’exploitation personnelle mais aussi un congé bien particulier autorisant le bailleur à mettre un terme au bail en vue d’aliéner les biens. Autrement dit, il est possible de notifier congé au preneur, pour l’échéance de la première période de 27 années au moins, dans l’optique de mettre fin au bail pour pouvoir vendre les biens loués : «   Au terme du bail, le bailleur peut également mettre fin à tout ou partie du bail en vue d’aliéner les biens ».

L’unique prolongation

En troisième ordre, depuis la réforme législative de 2020, il n’y aura plus, à l’échéance de la première période d’occupation, qu’une seule prolongation de 9 années, et non trois prolongations comme dans le cadre de tout bail dont la première période d’occupation est inférieure à 27 ans (on ne parle ici pas des baux de courte durée, de fin de carrière ou encore de carrière). Imaginons un bail de longue durée qui prend cours le 1er  janvier 2020. À l’échéance de la première période, recommencera une seconde et dernière période d’occupation de 9 ans : le bail s’achèvera donc, de sa belle mort, le 31 décembre 2055, à savoir 2020 + 27 + 9 !

Cette particularité en lien avec une seule prolongation appelle elle-même plusieurs remarques. La première tient au fait que la loi limite, en présence d’un bail de longue durée, les facultés de cession privilégiée… L’article 8§2 al.4 précise en effet que « La sous-location et la cession de bail sont possibles conformément aux articles 30, 31, 32, 34 et 34bis sans que la période fixe ne puisse toutefois être dépassée ».

Une incertitude clarifiée

La seconde remarque concerne les dispositions transitoires suite à la réforme législative de 2020. On s’est longtemps demandé ce qu’il en était d’un bail de longue durée conclu avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit au 1er  janvier 2020 : est-il soumis à la loi ancienne, avec autant de prolongations que nécessaire en vertu de la loi ancienne, ou est-il soumis à la loi nouvelle, avec une seule et unique prolongation.

Le décret du 2 mai 2019 n’était pas d’une clarté limpide à ce sujet si bien que le décret second du 12 octobre 2023 a corrigé le tir et apporté la clarification utile. Il est maintenant dit ceci : « les baux conclus sur base de l’article 8, § 2 (…) en cours au jour de l’entrée en vigueur du présent décret sont considérés comme des baux qui commencent la période de neuf ans prévue à l’alinéa 6 dudit paragraphe, tel que modifié par l’article 8 du présent décret, à la date d’entrée en vigueur du présent décret (…). S’il est apporté la preuve que le bail n’a pas atteint la fin de la période fixe visée à l’article 8, § 2, alinéa 1  er, de la section 3 du livre III, titre VIII, chapitre II, de l’ancien Code civil, les durées prévues audit paragraphe, tel que modifié par l’article 8 du présent décret, sont d’application immédiate » Traduction  : Un bail de longue durée dont la première période fixe est déjà terminée au 1er  janvier 2020 est considéré comme commençant, au 1er  janvier 2020, sa seconde et dernière période d’occupation. Un bail de longue durée dont la première période fixe n’est pas encore terminée au 1er  janvier 2020 aura droit d’achever cette première période et à vivre encore une seconde et dernière période d’occupation de 9 ans prenant cours à l’échéance de la première.

La majoration seulement par voie authentique

En quatrième ordre, l’article 3 §3 nouveau de la loi prévoit que le bail de longue durée doit être constaté par voie authentique, donc par acte notarié. La loi ne prévoit toutefois pas de ‘sanction’ s’il ne s’agit que d’un acte sous seing-privé. Il apparaît que la voie authentique implique surtout, comme en matière de baux de 18 ans au moins (voire précédent parution), une majoration du fermage : 50 % pour les terres et 25 % pour les bâtiments. Il faut donc un bail de longue durée, constaté par voie authentique, pour envisager la majoration du fermage… Le taux normal et ordinaire du fermage est toutefois retrouvé à l’échéance de la première période fixe de longue durée, donc à l’entame de la seconde et dernière période de 9 ans. Les mêmes avantages fiscaux que ceux évoqués pour le bail de 18 ans au moins sont de mise (voire précédente parution à ce sujet).

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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