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Des pommes, des poires et… de la matière sèche!

À l’initiative du projet Wal4fruits (Fédération des Parcs Naturels de Wallonie – Eva Velghe ; Centre wallon de recherche agronomique – Marc Lateur ; Diversifruits asbl) et avec la collaboration du Gawi (en la personne de Philippe Thiry) s’est tenu un colloque sur les sols, versus arboriculture, le 11 mai à Gembloux.

Temps de lecture : 4 min

45 professionnels du métier y participaient, croisant hautes tiges et basses tiges, bios et intégrés, belges et français du Nord.

Au menu du jour, le sol, cet allié incontournable avant la photosynthèse et la fructification. Le menu fut bien entendu plus agronomique que gastronomique, sous la houlette de Clémence Mariage, coordinatrice du réseau des laboratoires d’analyses de terre Requasud.

Ce fut un menu multi-services, avec en première entrée, une rétrospective sur la genèse des sols, partant de la roche-mère jusqu’à la vitalité de nos sols actuels. Il est fini le temps où le sol était considéré comme un support inerte avec l’obligation de devoir tout apporter sous forme d’engrais. Le fil rouge du colloque était de comprendre comment les sols fonctionnent, et pas seulement ce qu’ils contiennent.

Il est temps aussi que finissent les diatribes hostiles à l’agriculture, prétendant que nos sols seraient morts, par la faute des agriculteurs. Pour nos régions en tous cas, en langage moderne, cela s’appelle un « fake-news ». Les nouveaux indicateurs d’activité biologique le confirment largement. Ils sont en passe de quitter le domaine de l’expérimentation pour entrer dans celui de l’analyse de terre classique.

Déjà, aujourd’hui, en routine, les laboratoires fournissent de très bons indicateurs chiffrés, complémentaires de l’observation de terrain. Ce fut le thème de la seconde entrée, portant sur trois paramètres essentiels : le pH (statut acido-basique), le taux de carbone (statut organique) et le statut physique, notamment le taux d’argile, avec en prime le fameux complexe argilo-humique, cette salle d’attente où les éléments nutritifs patientent avant de se glisser dans la solution du sol pour être absorbés par les racines des plantes.

Plat suivant : que souhaitent nos arbres fruitiers ? Avant, on aurait dit : « Quels sont leurs besoins ? » et on aurait pensé qu’aux fruits. Nous sommes à l’ère écosystémique, on raisonne l’ensemble du système : eau, chaleur, lumière et bien sûr toujours le sol et les nutriments. On sait que tout passe par la photosynthèse, en l’occurrence la transformation du fameux CO2 atmosphérique en carbone organique, donc en matière sèche. Et voilà que s’ouvre le champ des attentes : il n’y a pas que le sucre des fruits qui compte. Il y a aussi tout ce qui l’accompagne et qui retient le carbone siphonné dans l’atmosphère : les feuilles qui deviendront de l’humus, le bois de taille, le tronc, les branches et l’enracinement qui stockent le carbone sur une longue durée. Ajoutez à cela l’enherbement inter-rangs qui lui aussi, participe au système.

Bref, c’est tout le champ, toute la ferme, qui lutte contre le réchauffement climatique, en sus des tonnes de fruits récoltées pour nourrir l’homme… et le producteur. Raisonner en « matière sèche », cela demande un peu de « matière grise » au début mais au fond, c’est assez simple et cela peut se résumer en une équation : une tonne de matière sèche végétale, c’est une tonne et demie de CO2 en moins dans l’atmosphère, ce que le belge moyen émet sur 2 mois.

Plat suivant : coup d’œil sur les fertilisants, organiques et minéraux. En y regardant bien, ils sont tous d’origine naturelle, avec une transformation industrielle pour ceux qu’on qualifie facilement de chimiques (surtout si on n’aime pas trop l’agriculture) ou une transformation animale (engrais de ferme) ou d’autoproduction (cultures intercalaires – engrais verts) ou de recyclage (composts divers). C’est principalement le rythme de minéralisation qui les différencie : les engrais minéraux sont souvent des sprinters, les organiques plutôt des marathoniens et contribuent à la structure du sol.

De nouveau, il ne s’agit plus de recettes toutes faites du style : Mettez 500 kg/ha de « 3X15 » et tout ira bien. Par contre, un sol ne pourra jamais donner ce qu’il ne contient pas. Et là, on revient aux exportations sur la longue durée et d’autres fondamentaux qu’il ne faudrait pas oublier.

C’est pourquoi, en matière de dessert, il fut question de la présentation et de l’interprétation des analyses. Si le prélèvement de terre est bien réalisé, les chiffres de tous les laboratoires donnent une bonne idée de l’état des lieux. Chaque laboratoire propose une présentation personnalisée, ce qui perturbe parfois les comparaisons mais, globalement, on peut se réjouir de disposer en Wallonie, d’un excellent rapport qualité-prix. Il ne faut pas s’en priver.

Ah, dernière petite suggestion pour les marqueteurs d’engrais : un participant souhaite la mise en marché d’un éco-stimulant (éco comme écologique pour les uns, comme économique pour les autres), c’est-à-dire un produit qui stimule une remontée des prix aux producteurs. Il aurait un grand avenir devant lui !

JMP

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