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V’la l’bon vent, v’la l’joli vent

Notre commune est détentrice d’un curieux record, en ce printemps sec et venteux : 16 projets de parcs éoliens ! Excusez du peu ! Elicio, Aspiravi & Storm, WPD Belgium, Luminus, et d’autres bientôt sans doute, sont tombés amoureux des Hauts Plateaux centraux de la crête ardennaise, où le vent souffle mieux semble-t-il, et davantage que partout ailleurs en Wallonie…

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Neuf éoliennes tournoient déjà élégamment parmi les 13.500 ha de champs et de forêts de notre entité. Quatre autres viendront bientôt se dresser à leurs côtés et joindront leurs gracieux moulinets aux gesticulations des immenses marguerites plantées dans nos paysages. Trente-neuf autres vous avez bien lu : 39 !- sont en instance d’acceptation… ou plutôt de refus ! Un jeu rigolo de ping-pong s’est mis en place : il oppose les sociétés éoliennes à nos édiles communaux. Ceux-ci relaient en toute logique les réticences avérées des citoyens et repoussent systématiquement les propositions des promoteurs. Soirées de présentation, recours, refus, adaptations et retours, puis refus répétés. Puis nouveaux tours de piste. Les éoliens n’ont cure des avis de la grande majorité des gens de notre commune ! Ils reviennent sans se décourager à la charge, sourire aux lèvres, forts de leur puissance financière et des soutiens politiques de la Région wallonne. Et ça finit par passer, tôt ou tard !

Ainsi, autour de nous, les douces courbes ondoyantes de nos verts horizons se griffent de pylônes méga-gigantesques où tournoient voluptueusement de longues ailes blanches, sans se presser, au gré des vents. Personnellement, je trouve cela joli et non dénué de poésie ; et puis on voit toujours d’où vient le vent, selon leur orientation. Mais je dois être une des rares personnes à apprécier ce que d’aucuns chez nous appellent des « coups de poing dans le paysage ». Certains affirment même : « On revit l’encerclement de Bastogne par des éoliennes. Et ce sont surtout les villages alentour qui trinquent, comme en décembre 1944 ! ».

Celles-ci sont tout de même un rien plus pacifiques que les hordes nazies de la Bataille des Ardennes ! De plus, elles fournissent de l’électricité renouvelable et exploitent une source d’énergie bien présente sur nos hauteurs. Nous pouvons nous targuer -cocorico !- de participer activement à la décarbonation de l’économie wallonne et de notre vie sociale ! À l’insu de notre plein gré, sur notre commune souffle un vent d’écologie force 4 qui tend à se renforcer, vu le nombre impressionnant de projets déposés chez nous par les énergéticiens.

Mais c’est pas tout, mais c’est pas tout ! Si le vent souffle souvent, le soleil luit aussi… parfois. Au fil des ans, la plupart des toits des habitations se sont garnis de panneaux photovoltaïques, au point d’ennuyer les opérateurs Ores et Elia, lesquels doivent renforcer les réseaux électriques un peu partout sur notre verte province.

Une autre énergie dite « verte » est exploitée chez nous : le maïs destiné à la bio-méthanisation. Là, j’aimerais qu’on m’explique ! Labourer des prairies permanentes brûle leur humus et libère des quantités désastreuses de CO2. Cultiver et récolter le maïs, puis le transporter à des dizaines de kilomètres, induisent une consommation affolante de carburant fossile et une émission scandaleuse de gaz à effet de serre. Ils sont fous, ces biométhaniseurs… De plus, ils nous piquent de bonnes terres nourricières ! Une forme de crime ?

Et pourtant, pourtant, je n’aime que toi, électricité chérie ! D’une manière ou d’une autre, il faut bien la produire. Pas le choix, faut y aller ! Tout fonctionne, ou presque, à l’électricité. La péninsule ibérique a subi un black-out ce 29 avril. Un vent de panique a soufflé sur l’Espagne et le Portugal, dépendants de ses énergies éoliennes et photovoltaïques, capricieuses et indisciplinées. Leur mésaventure rappelle à quel point nos riches sociétés modernes sont soumises à ce vecteur magique d’énergie. Sans électricité, tout s’arrête : nos appareils ménagers, les connexions informatiques, les usines, les hôpitaux, les transports ferroviaires… et nos fermes ! Impossible de traire, de refroidir le lait, de réaliser mille autres activités où la fée électrique joue de sa baguette enchantée !

Nos exploitations lui sont très attachées, et les panneaux photovoltaïques installés sur les toits des étables permettent de réduire les frais en énergie, dramatiquement élevés depuis les hausses de ces trois dernières années. Mais l’électricité des vents qui balaient nos prairies ? Pourquoi n’est-elle pas rétrocédée en partie aux occupants de la région ? Seuls les propriétaires et locataires des sites d’érigement -et non « d’érection », petits plaisantins !- d’éoliennes, bénéficient de dédommagements financiers, conséquents paraît-il.

Discussions, demandes de permis, débats d’idées, jalousies, levées de boucliers, controverses, recours, jugements, décrets, exaspérations… : l’énergie dépensée en formalités et polémiques autour de l’éolien est démentielle ! Si on pouvait la récupérer, elle aussi, ça nous ferait des économies !

Les riches du vent s’en vont chassant, avec leur grand fusil l’argent. V’la l’bon vent, v’la l’joli vent…

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