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Législations pesticides et restauration de la nature : «la commission ne fera pas d’autres propositions!»

Venu, lors d’une audition publique, s’exprimer devant les eurodéputés, le vice-président de la commission Frans Timmermans, en charge du Pacte Vert, s’est montré extrêmement ferme sur les propositions de l’Exécutif sur l’utilisation durable des pesticides et la restauration de la nature qu’il ne compte ni retoquer ni affaiblir.

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Ce fut une véritable passe d’armesla semaine passée, entre le Néerlandais et les élus.

À commencer par le président de la commission de l’Agriculture, le démocrate-chrétien Norbert Lins, lequel s’est mué en porte-parole de son parti, le puissant PPE, hostile aux stratégies vertes de la commission (voir notre édition du 18 mai).

« Angoisses existentielles des agriculteurs »

M. Lins a fait part de ses craintes de voir les agriculteurs « débordés » par le nombre de propositions et le rythme auquel elles se succèdent. Il a notamment pointé le paquet de textes relatifs à la restauration de la nature qui entraînent des démarches supplémentaires.

« On ressent des angoisses existentielles et, à tout le moins, de la perplexité chez les agriculteurs » a-t-il illustré en demandant que la commission apporte des réponses aux acteurs du monde rural.

Des propos qui n’ont pas impressionné le moins du monde Frans Timmermans, bien décidé à défendre, une nouvelle fois, le bien-fondé des propositions de la commission, « toutes basées sur des éléments scientifiques soutenus par de solides évaluations d’impacts ».

Pour le socialiste néerlandais, ce sont les crises climatique et de la biodiversité qui constituent la plus grande menace pour la sécurité alimentaire et non les stratégies vertes de la commission.

« Non, ces propositions ne sont pas tournées contre les agriculteurs, elles existent au contraire pour les aider » a-t-il développé en évoquant la chute du nombre de pollinisateurs dont dépendent leurs cultures.

Mais aussi l’état dégradé de plus de 60 % des sols européens. « Il est important d’inverser ces tendances négatives ». C’est la raison pour laquelle « la commission propose un projet portant sur leur restauration, objet d’une législation en la matière ».

 

« Les agriculteurs ne paieront pas le prix de la transition »

F. Timmermans a fait part de son incompréhension devant la frilosité, voire carrément l’hostilité de certains eurodéputés.

« Comment la rétention de l’eau dans les sols, la lutte contre la sécheresse, les glissements de terrain, les inondations, l’accroissement des populations des pollinisateurs pourraient-ils être négatifs pour les agriculteurs » s’est-il d’ailleurs interrogé.

Il a une nouvelle fois rappelé que notre production alimentaire européenne ne pourrait être garantie sans amélioration de la biodiversité, de la résilience de l’agriculture, sans écosystèmes agricoles solides.

On ne peut pas restaurer la nature tout en la tuant par ailleurs avec des produits chimiques. C’est pour cela que les agriculteurs doivent en remplacer la moitié de manière intelligente par des produits alternatifs avec des substances organiques tout en développant de meilleures pratiques.

« Ceux qui veulent rejeter ces propositions ne peuvent en même temps soutenir le Pacte Vert, dont la loi sur la restauration de la nature est l’un des piliers, et le protocole de Montréal. On ne peut soutenir les résultats de la COP15 et refuser de la mettre en œuvre » a encore déroulé M. Timmermans.

Menace de moratoire sur les NBT

Le vice-président de la commission a passé la vitesse supérieure en ciblant la proposition sur les NBT, très attendue par l’aile droite du parlement.

Pour qu’elle soit présentée en juillet, il est indispensable d’avancer sur les propositions de restauration de la nature et le règlement sur l’utilisation durable des pesticides, a-t-il ainsi menacé.

« Soit vous restez sur votre position et dites non à tout, soit vous tendez la main et nous essayons de faire cela ensemble ».

Il faut dire que les incessantes attaques contre le Pacte Vert ne passent plus auprès de celui qui est en charge de sa mise en œuvre au sein de la commission.

Pour lui, on ne peut atteindre la neutralité climatique et garantir la production alimentaire, le bien-être des agriculteurs et leur prospérité économique si on ne restaure pas la nature. On ne peut assurer de revenu décent à l’agriculteur s’il ne peut travailler des sols sains dans un environnement protégé.

« La commission ne fera pas d’autre proposition. Que cela soit clair pour tous » a-t-il martelé en indiquant dans la foulée que ses services étaient prêts à discuter pour essayer de trouver des solutions sur les points les plus difficiles.

« Nous sommes prêts à entendre les inquiétudes qui existent » a-t-il nuancé.

 

Financement des objectifs en matière de biodiversité

Face aux craintes des d’agriculteurs, dans l’incertitude quant à leurs récoltes, au renouvellement générationnel et au coût de la transition verte, le vice-président de la commission s’est voulu tout à la fois rassurant et à l’offensive pour contrer les arguments des contempteurs des stratégies de l’Exécutif, notamment en termes de financement.

« Nous ne voulons pas que les agriculteurs paient le prix de la transition » a-t-il ainsi assuré.

Et Frans Timmermans n’a pas tort car la commission, le parlement et le conseil ont décidé, dans un accord interinstitutionnel, que la biodiversité devait être intégrée dans les programmes de l’UE, avec l’ambition de consacrer 7,5 % en 2024 et 10 % en 2026 et en 2027 des dépenses annuelles au titre du cadre financier pluriannuel aux objectifs en matière de biodiversité.

Les budgets nationaux mobilisent quant à eux déjà chaque 40 millions € pour la biodiversité.

Pour le vice-président de la commission, il existe par ailleurs un potentiel pour créer de nouveaux modèles d’activités qui soient bénéfiques pour les agriculteurs. C’est le cas du captage de carbone dans les sols qui peut générer de nouveaux revenus pour les agriculteurs.

« Pour autant que les sols soient en bonne santé » a-t-il malicieusement glissé.

Marie-France Vienne

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