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Conseil des ministres européens de l’Agriculture : marchés agricoles, emballages et… produits surgelés!

Sans surprise, la réserve de crise agricole et le libre accès des denrées agricoles ukrainiennes sur le marché européen ont une nouvelle fois été, le 30 mai, au cœur des débats. Des thématiques sur lesquelles nous sommes revenus avec le ministre David Clarinval.

Temps de lecture : 5 min

D epuis juin 2022, les importations en produits agroalimentaires ukrainiens des cinq pays d’Europe de l’Est frontaliers de l’Ukraine ont augmenté de 5 milliards €.

Et les agriculteurs de ces États membres avaient accusé les grains ukrainiens de faire baisser les prix sur leurs marchés domestiques, et d’encombrer leurs propres logistiques d’exportation. Une clause de sauvegarde autorisant uniquement le transit de céréales et d’oléagineux sur leur territoire et un paquet d’aide de 100 millions € leur avait été octroyés pour faire face à cette situation.

La commission lâche encore 250 millions €

Pour convaincre (ou amadouer) l’ensemble des ministres d’accepter ces mesures spécifiques, le commissaire Wojciechowski a proposé de solder les 250 millions € restant dans la réserve agricole entre les 22 États membres qui n’en ont pas encore profité.

Mais la pilule a du mal à passer, notamment pour plusieurs États membres, dont la Belgique qui prit la plume avec plusieurs autres pays, pour faire part de son étonnement quant au manque de transparence de la commission dans sa décision d’allouer les fonds uniquement aux pays frontaliers.

Pour David Clarinval, « l’impact des importations se fait ressentir sur l’ensemble du territoire de l’Union, dont la Belgique où les secteurs des pommes et des produits bio sont en souffrance ». Et d’ajouter que « dans ce contexte, nous ne voyons pas pourquoi la réserve serait uniquement dédiée aux cinq pays limitrophes ».

Reste que les 250 millions € devraient dès à présent être alloués selon la clef habituelle de répartition des aides directes mais aussi en fonction des difficultés de certains secteurs confrontés notamment à la sécheresse.

Prolongement de la clause de sauvegarde

Le commissaire à l’Agriculture a par ailleurs souhaité que la clause de sauvegarde dans le cadre de l’accord de libéralisation des échanges entre l’UE et l’Ukraine, qui permet aux pays limitrophes de l’Ukraine d’interdire l’importation de céréales ukrainiennes sur leur territoire (sauf si elles ne font que transiter), soit étendue jusqu’au mois d’octobre.

« Si nous ne pouvons fermer la porte aux importations par solidarité avec les agriculteurs et le peuple ukrainien, il faut en faciliter le transit » précise M. Clarinval.

« Les exportations de céréales ne pouvant plus s’effectuer via la mer Noire, il faut les acheminer par des voies alternatives vers certains pays européens, dont l’Espagne, qui est demandeuse » a développé le ministre, tout en regrettant « les problèmes administratifs et logistiques ainsi que le surcoût lié au transport ferroviaire et routier ».

La question sera désormais de pouvoir organiser de nouvelles voies de pénétration afin de faciliter le transit des céréales pour atteindre les pays qui en ont besoin tout en stabilisant les marchés dans les pays limitrophes.

Les déchets d’emballage occupent le débat

Les ministres ont par ailleurs abordé les aspects agricoles de la proposition de révision de la législation de l’UE sur les déchets d’emballage.

Pour rappel, la commission prévoit d’interdire l’utilisation d’emballages à usage unique pour la commercialisation de produits frais de moins de 1,5 kg. Et le texte fixe des objectifs obligatoires contraignants pour 2030 et 2040 en matière de réutilisation et de recharge pour différents secteurs (comme les boissons et les plats à emporter) avec la possibilité, pour les États membres, de prévoir des exemptions. Les objectifs pour le vin (5 % en 2030 et 15 % en 2040) sont beaucoup plus bas que pour la bière et les sodas.

La proposition de révision de la législation, qui vise à stimuler le recours à la réutilisation des contenants, pose néanmoins la question des coûts pour les opérateurs (en particulier les petites et moyennes entreprises), le risque de dégradation de la qualité, les risques pour la sûreté sanitaire des consommateurs, ou encore le manque de cohérence avec le règlement sur les matériaux de contact avec les aliments (dont la révision est prévue pour 2024).

Pour la Belgique, priorité à la sécurité alimentaire et au recyclage

« La position de la Belgique est claire » explique David Clarinval, « ce sont l’hygiène et la sécurité alimentaire qui priment et il n’est pas envisageable de mettre ces deux aspects en péril au motif d’utiliser, par exemple, un emballage biodégradable qui soit de moindre qualité ».

« Nous nous inscrivons en faveur du recyclage, prioritaire et l’un des points forts de notre pays grâce à certaines entreprises comme Fost Plus, ce qui ne nous empêche pas d’être favorables aux alternatives au plastique dont on souhaite diminuer l’utilisation dans les emballages ».

La Croatie sort les produits surgelés du frigo

Peut-être en raison de l’arrivée de la chaleur en Europe, la Croatie a émis le souhait d’harmoniser et de réglementer la limite maximale de conservation des produits surgelés. Elle a souligné l’importance de mettre en place des solutions numériques nouvelles et innovantes afin de permettre aux consommateurs d’acheter des produits surgelés en toute connaissance de cause.

Plusieurs États membres ont soutenu cette proposition en indiquant, entre autres, qu’elle permettrait de lutter plus efficacement contre la fraude alimentaire tout au long de la chaîne de distribution. En revanche, d’autres délégations ont estimé que les règles actuelles étaient suffisantes et qu’il n’y avait donc pas lieu de procéder à une harmonisation.

C’est le cas de la Belgique « qui va déjà très loin dans la législation en vigueur » indique notre ministre fédéral « et nous ne souhaitons pas davantage de réglementation au niveau de cette politique d’autant que nous avons de bons résultats. Nous sommes par contre ouverts à l’utilisation de QR codes, par exemple, pour une partie de l’étiquetage, ce qui était une autre demande de la Croatie » a synthétisé David Clarinval.

Marie-France Vienne

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