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Dans les vignes du Domaine de la Bouhouille : Nicolas Ferrara, le vigneron qui assemblait le soleil dans ses crus wallons

Saint-Remy, sur la commune de Blegny, sa longue rue, ouverte à tout vent, comme si l’on avait cassé les vitres, l’air s’y engouffre, le glacé, le brûlant, et toutes sortes de clartés. Partout cette langueur de l’exil et cette faim d’une vraie demeure. Le chant des vignes s’égarait dans cette lumière inusable et un grain de silence. Loin, le tourbillon de des soucis et des peines échappe à la ferveur de l’attente.

Temps de lecture : 4 min

C’est dans ce petit royaume paisible que Nicolas Ferrara, ingénieur de formation qui travaille dans la marbrerie familiale, s’est un jour pris de passion pour la vigne après que son grand-père arrivé d’Italie en Belgique en 1968, lui ait offert, en 2001, quelques pieds de Schuyler, un cépage résistant canadien, qu’il plante dans son jardin.

Un grand-père bienveillant venu d’Italie

Bien qu’amateur de vins, comme tout italien qui se respecte, celui que Nicolas Ferrara appelle affectueusement « Nonno » considérait quant à lui la vigne pour le fruit qu’elle lui offrait sans jamais s’intéresser à la vinification.

« Pour ma part, je ne pouvais envisager toutes ces grappes juste pour ma consommation de raisin » développe M. Ferrara qui décide, en 2006, de franchir le pas en devenant vigneron amateur.

Il commencera dans son jardin dont l’univers le relaxe après une journée de travail. Pourquoi donc, se dit-il, ne pas s’essayer au vin…

L’apprenti vigneron ne suit aucune formation classique, mais multiplie les rencontres, notamment au sein de diverses confréries « où il y a beaucoup de savoir à aller chercher ». Il suscite les échanges avec des professionnels et des amateurs, et récupère du matériel d’occasion comme, par exemple, une grande presse datant de 1988 qui vient de Cognac.

Il s’est enfin lancé dans une longue série d’essais, rencontrant quelques succès mais aussi des échecs, n’hésitant pas à avouer qu’il a transformé pas mal de raisins en piquette.

S’il en a déjà planté en 2017, « en théorie, il faut compter trois ans pour qu’une vigne soit productive et obtenir des grappes de qualité, de la charge et du raisin qui arrive à maturité » précise le vigneron en embrassant son vignoble du regard.

Et d’ajouter « il faut que la vigne se sente bien dans la parcelle, dans le cas contraire les sarments seront peu costauds, les grappes moins denses, ce qui constitue les signes avant coureurs d’une récolte qui n’ira pas à terme, ou qui sera faible en qualité et en quantité ».

Un sol typé, favorable au travail de la vigne

Tout le contraire du Domaine de la Bouhouille où les terres sont particulièrement favorables au travail de la vigne. Nous sommes sur le territoire du charbonnage de Blegny-Mines fortement drainé et rempli de petits bouts de charbon qui font l’unicité de ce sol.

Les vignes s’y épanouissent ici autour de son domicile, sur le bassin de la basse-Meuse avec un sol bien typé, limoneux à plus de 50 % et constitué pour le reste de sables grossiers, d’argile, de houille et de galets.

« Nous sommes sur des cépages interspécifiques qui ne requièrent aucun traitement systémique mais seulement foliaire avec du soufre (avant et après floraison) et du cuivre » précise M. Ferrara.

Ses vins sont élevés en cuves inox et en fûts, plus spécifiquement en barriques signées « Barwal », un projet devenu une société créée par deux passionnés de vin afin d’offrir une alternative locale et qualitative aux fûts en chêne français utilisés par les vignerons belges.

Coopérative et table d’hôtes

Il crée une petite coopérative viticole qui compte 250 membres qui viennent d’un peu partout en Wallonie mais aussi de Bruxelles.

« Le projet est à taille humaine, on pourrait planter plus, mais cela impliquerait des bâtiments, de la main-d’œuvre et je devrais le gérer comme un financier alors que moi, j’aime m’occuper du dégorgement, poser les étiquettes, faire les vendanges ».

Afin de faire connaître ses cuvées, notamment son excellent crémant, un Schuyler brut et nature qu’il a baptisé « L’inattendu », il a initié, avec son épouse Valérie, un concept de table d’hôtes, lequel rencontre un franc succès auprès des touristes d’un jour amateurs de gastronomie locale.

Marie-France Vienne

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