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Un métier aux mille dangers

L’agriculture est une activité à risques au-dessus de laquelle plane sans cesse le danger, prêt à fondre sur nous comme un rapace, et nous voler notre santé ou notre intégrité physique ! Les incidents et accidents sont légion dans les fermes et dans les champs, et les risques le plus graves ne sont pas spécialement les plus évidents ni les plus spectaculaires…

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En regardant mes doigts ce matin, je me suis fait cette réflexion : pas un seul parmi eux n’est resté intact et exempt de toute cicatrice. Du pouce à l’auriculaire, à gauche et à droite, ils ont reçu chacun leur petite blessure de guerre : cicatrices, ongles déformés, articulations gonflées, tendon sectionné… Quel maladroit ! Et encore, les mains, ce n’est rien ! Mes vertèbres lombaires dessinent un S latéral fort curieux, souvenir d’un coup de rein violent donné lors d’un vêlage, qui me coûte régulièrement des crises de « sciatique ». Les pieds et les jambes, n’en parlons pas ! Entorses, hématomes, fracture du péroné, hanches abîmées. Mais comparé à d’autres fermiers, ce ne sont là que des broutilles, d’aimables petites mésaventures qui n’ont guère impacté au final mes capacités physiques !

Certains agriculteurs ont perdu largement davantage : l’un des doigts, l’autre une main ou un pied, et les plus malchanceux se sont vu ôter carrément la vie ! Les taureaux ont à leur tableau de chasse un nombre impressionnant d’éleveurs malchanceux, qui se sont trouvés au mauvais endroit, aux mauvais moments, quand ces messieurs cornus (ou pas) ont été pris subitement de folie meurtrière. Les accidents de la route ont causé également bien des drames, de même que des engins retournés, des freins oubliés, des têtes écrasées…

D’autres dangers moins spectaculaires guettent les agriculteurs désinvoltes, ou mal renseignés. Ils sont invisibles et provoquent de graves maladies : spores d’aspergillus (poumon fermier), bactéries nécrosantes des avortons, zoonoses (comme la brucellose), virus (grippe aviaire), mycoses cutanées et mycoplasmes pulmonaires, staphylocoques dorés, etc. De même, les molécules chimiques produites en agriculture sont extrêmement dommageables pour la santé ! L’ammoniac des fosses à purin et lisier a déjà causé de nombreux décès, ou des brûlures sévères aux poumons. Le benzène des carburants et des lubrifiants, le monoxyde de carbone, les composés organiques volatiles et les microparticules des fumées d’échappement des moteurs diesel, dégradent fortement la qualité de l’air respiré, dans les espaces confinés ou dans les cabines des vieux tracteurs.

Mais il y a pire, sous des dehors innocents ! Les produits chimiques employés pour soigner les animaux et les plantes, pour désherber, raccourcir, protéger, nettoyer des cultures, représentent un danger mortel pour les utilisateurs. On les nomme « pesticides » ou « biocides » : vous voyez de quoi je parle… Fongicides, insecticides et herbicides constituent la Satanique Trinité tant décriée par les écologistes et les défenseurs de l’environnement. Avant d’empoisonner la nature et Monsieur Toulemonde, les pesticides représentent en premier un danger pour les agriculteurs, ne nous voilons pas la face. Nombreux sont les cas avérés de cancers provoqués par ces molécules chimiques manipulées par nous, avec plus ou moins de précautions -plutôt moins que plus !-. Cancers de la prostate, des poumons, du pancréas, lymphomes, maladies neurologiques, dépressions et suicides…

Des voix scientifiques de plus en plus insistantes apportent la démonstration de ces vérités, mais le lobby agro-industriel impose une toute autre lecture aux agriculteurs : séduisante, rassurante, lénifiante… Même nos « défenseurs » -défonceurs- agricoles affirment l’innocuité de ces substances, tels le glyphosate et d’autres, devenus absolument indispensables dans notre agriculture moderne, assurent-ils. Tous ces gens prennent une sacrée responsabilité, et jouent avec la santé de milliers de fermiers et de leurs familles ! Bien au chaud derrière leurs ordinateurs, nos conseillers et dirigeants ne respirent pas les vapeurs des pesticides et leurs adjuvants, n’ingèrent pas ces molécules qui se collent sur nos habits et nos cheveux, qui rentrent dans nos organismes de manière insidieuse et continue, année après année.

En Afrique, au Bénin, en Éthiopie ou en Tanzanie, par exemple dans les cultures d’oignons et de fleurs, les paysans se « protègent » avec des sacs-poubelles percés de trous pour y glisser les bras et pulvériser manuellement. Les enfants jouent et travaillent dans les champs avec eux, et les bidons vides de Roundup servent ensuite de récipients pour charrier de l’eau, stocker du lait, de la nourriture. Les produits phyto sont rangés dans la cuisine, sous la table ou sous le lit, dans la maison d’habitation. C’est hallucinant, là-bas ! Ils n’ont pas de Vegaplan, Codiplan, ni aucun contrôle de quoi que ce soit ! On n’a jamais autant vendu de pesticides sans contrôle qu’en 2023 ! Des produits interdits en UE sont vendus sans vergogne par des firmes européennes et utilisés sans grande précaution en Amérique du Sud ; ils y provoquent des ravages inimaginables dans les populations et les écosystèmes.

Est-ce réellement mieux chez nous ? Oui, bien entendu, si l’on considère la myriade d’officines censées veiller sur nous. Mais encore une fois, peut-on réellement faire confiance à tous ces gens des administrations, qui jouent à pile ou PFAS avec nos vies et nos santés, sans avoir jamais mis les pieds -ou très peu- dans une exploitation agricole ? Les ministres, et autres sinistres acteurs politiques et commerciaux, affirmeraient-ils de manière aussi péremptoire l’innocuité de tous ces produits, s’ils étaient eux-mêmes agriculteurs et seraient à la merci des mille et un dangers qui nous guettent quotidiennement ? Poser la question, c’est déjà y répondre…

Prenez bien garde à vous, surtout ! Et que Dieu nous garde.

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