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Lettre à une amie

Chère Bienveillance,

J’ai tourné trente-six fois ma plume dans l’encrier avant de trouver les mots pour t’écrire. Tu représentes une énigme à mes yeux, vois-tu ! Je voudrais tant te trouver, toi si fugace, nulle part où on t’attend, parfois là où on ne t’attend pas. Mes propos sont-ils trop sibyllins ? Pardonne-moi ! Je désirerais simplement, amie Bienveillance, te souhaiter le meilleur du monde en cette veille de Noël, une fête chère à ton cœur, je n’en doute pas !

Temps de lecture : 4 min

Tu t’es faite bien rare, ces derniers temps… Tu ne réponds plus guère à mes appels, à mes désirs de te rencontrer. Toi et ta sœur Bonté, où donc êtes-vous à l’ouvrage ? Aux frontières de l’Enfer, quelque part en Ukraine ou dans la bande de Gaza ? Vous êtes sans doute fort occupées là-bas, au chevet des enfants martyrs dans les hôpitaux bombardés, auprès des otages emprisonnés ou des civils massacrés dans les rues, dans les tranchées et les tunnels où croupissent des jeunes gens armés jusqu’aux dents, autrefois innocents, qui ont perdu toute confiance en vous ?

Chère Bienveillance, il faut que je t’avoue : quand je t’évoque, quand je t’invoque, on rit de moi, on met en doute mon sens des réalités. Être bon ou bienveillant dans ce monde violent, n’est-ce point là un signe de faiblesse, de lâcheté, d’idiotie ? C’est donner au destin les clefs de notre survie. Si les premiers êtres humains avaient été bienveillants, braves, gentils, nous aurions tous disparu, ou serions encore occupés à nous balader d’arbre en arbre, à cueillir des fruits ou déterrer des racines pour manger. Pour (sur)vivre, il faut être fort, savoir dire non, s’imposer, tuer ses concurrents, préparer la guerre pour avoir la paix.

Qui voyons-nous s’agiter et diriger le monde aujourd’hui, en 2023 ? De dominants mâles veillant sur leurs intérêts. Un dictateur à perruque, un autre au crâne rasé, et d’autres en djellaba, en treillis militaire ou costume trois-pièces, apôtres de la puissance brutale sous toutes ses formes. Qu’entendons-nous ces jours-ci, en décembre 2023 ? Des discours de leaders politiques qui prêchent la paix et financent les guerres, qui marchandent l’avenir climatique de nos enfants comme des maquignons. Il se raconte des récits d’affrontements, des manifestations, des catastrophes climatiques, des attentats, des bavures, des féminicides, des actes de racisme, des scandales financiers…

Que ressentons-nous, en ces derniers jours de l’année « de grâce » 2023 ? De l’inquiétude ? De l’indignation ? De la lassitude ? De la fatalité ? Du dégoût ? Du désenchantement ? De l’indifférence surtout ? Nous endurons tous ces sentiments mélangés. Mais encore ? Éprouvons-nous encore un peu de bienveillance ? Je l’espère de tout cœur ! C’est pourquoi, chère Bienveillance, je compte sur toi pour investir nos cœurs en cette période de Noël. Un jour ou deux, une semaine peut-être ? Serait-ce trop demander à notre humanité, de t’apporter enfin un peu de considération, de voir en toi une option crédible autre que la force brutale ? De t’utiliser pour résoudre les crises qui nous accablent et vaincre les forces du mal qui nous maintiennent sous leur joug ?

Chère Bienveillance, laisse-moi rêver… Je voudrais te voir prendre les commandes, devenir le nouveau « paradigme » des sociétés humaines, leur ligne de conduite, le fil rouge de nos pensées, en lieu et place de ce capitalisme ultralibéral qui nous conduit tout droit vers l’abîme, vers les guerres nucléaires ou l’avènement d’une planète invivable pour notre espèce. Chère Bienveillance, tu es mise au secret par nos vieux instincts archaïques, par notre égocentrisme, nos jalousies, nos petites manies quotidiennes, nos certitudes bien-pensantes, notre amour- « propre » qui ne l’est pas tant…

Serons-nous un jour suffisamment « humains » pour te libérer, pour te suivre ? En cette période de Noël, les femmes et hommes de bonne volonté aspirent à se reposer, à oublier la violence du monde. Nous désirons des choses toutes simples : justice, équité, bonheur partagé pour tous, respect, bonté, épanouissement… Alors, chère amie Bienveillance, réponds-moi vite, nous t’attendons. Mais ne tarde pas trop !

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