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La colère de la terre

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Depuis plusieurs semaines, un sentiment de colère couve dans le monde agricole. Surcharges administratives, surcouches législatives, revenus en berne, non-renouvellement des générations, accès au foncier… les raisons de se faire entendre sont nombreuses. Ces problèmes ne sont toutefois pas propres à la Belgique. Ils sont également rencontrés dans de nombreux pays européens dont la France et l’Allemagne où les gouvernements ont également souhaité revoir à la hausse les prix du diesel. Ce qui n’a pas manqué de mettre le feu aux poudres !

En Allemagne, des manifestations massives sont organisées depuis le début de l’année. En outre, plusieurs actions ponctuelles (perturbation du trafic, blocage de ports…) visent à maintenir la pression sur le gouvernement. Dans l’Hexagone, en témoignent les images relayées ces derniers jours par les télévisions belges et françaises, le mouvement revêt une ampleur rarement vue. Outre les nombreuses actions menées ou en cours, les éleveurs, viticulteurs, cultivateurs… n’ont qu’une idée en tête : rejoindre Paris et ce, malgré les annonces – jugées insuffisantes par les syndicats – faites par le Premier ministre, Gabriel Attal.

De l’aveu même de certains agriculteurs belges, c’est la mobilisation de leurs voisins qui leur a fait comprendre que la résignation devait céder sa place à la mobilisation. Et quelle mobilisation ! Jugez plutôt : panneaux routiers retournés, sensibilisation des consommateurs, barrages filtrants, blocages d’importants nœuds autoroutiers (de jamais vu !)… La mobilisation est totale et ce, malgré les tergiversations des syndicats qui peinent à organiser des actions communes. Sur le terrain, drapeaux de la Fja, vestes de la Fugea et banderoles de la Fwa s’entremêlent, signe que les agriculteurs eux-mêmes ont décidé d’avancer main dans la main, sans attendre les consignes de leurs représentants.

Ces actions, si elles embrasent actuellement l’Europe et devraient connaître leur point d’orgue ce jeudi, à l’occasion du conseil européen des ministres de l’Agriculture, cachent en réalité un mal plus profond. Depuis combien d’années clamez-vous vos revendications ? Depuis quand réclamez-vous des prix plutôt que des primes ? Quel autre secteur que le vôtre accepterait de connaître le prix d’achat de ses produits après les avoir livrés ? Combien êtes-vous à rappeler que les traités de libre-échange sont source de concurrence déloyale ? Et pourtant, l’Europe reste sourde à vos revendications, multipliant les discussions avec de nouveaux partenaires commerciaux, complexifiant davantage la politique agricole commune, réfrénant l’envie des jeunes de succéder à leurs parents…

Les rencontres avec les ministres régionaux Céline Tellier et Willy Borsus se multiplient. À l’heure d’écrire ces lignes, une délégation syndicale est reçue par le Premier ministre, Alexander De Croo, et le ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval. Alors que la Belgique occupe la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, ceux-ci se doivent d’écouter les revendications des agriculteurs et de les porter haut et fort devant leurs homologues. Car c’est aujourd’hui qu’il faut répondre à la détresse du monde agricole. Demain, lorsque votre noble profession aura disparu de nos contrées, il sera trop tard pour revenir en arrière et regretter une inaction dénoncée depuis plusieurs années par des hommes et des femmes qui se battent pour leur survie.

Jérémy Vandegoor

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