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«Nous avons besoin de pommes de terre et de main-d’œuvre pour répondre à la demande»

Il n’y a rien de plus belge que les frites. Malgré de nombreux défis, le secteur connaît une belle croissance. Les nouveaux chiffres de production et d’exportation pour 2023 le prouvent. Christophe Vermeulen, CEO de Belgapom, l’association du commerce et de la transformation des pommes de terre en Belgique, entrevoit un bel avenir. « Pour ce faire, une bonne entente entre les producteurs et les transformateurs est plus importante que jamais, car nous sommes confrontés aux mêmes défis. »

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Le directeur de Belgapom a un parcours intéressant. D’étudiant en droit à parlementaire aux niveaux flamand, fédéral et européen : il a tout vu. En 2020, on lui propose de succéder à Romain Cools en tant que CEO de Belgapom et de FVPHouse, l’organisation coupole des associations belges du commerce de gros et transformation de pommes de terre, fruits et légumes. Nous avons discuté avec lui de la croissance, des défis et des opportunités du secteur.

Une attention accrue pour le producteur

Belgapom est là pour les transformateurs et les commerçants. Dans quelle mesure vos intérêts sont-ils alignés sur ceux des producteurs de pommes de terre ?

L’association n’a pas pour but de représenter les agriculteurs dans son travail de lobbying, mais il y a bien sûr un lien indirect, car nous dépendons les uns des autres. Il y a une quinzaine d’années, l’écart entre la culture et la transformation était beaucoup plus important, mais il diminue chaque année.

Alors que Belgapom se concentrait autrefois sur l’exploitation de nouveaux marchés et la promotion de la frite belge, l’approvisionnement et la culture de la pomme de terre sont devenus des préoccupations beaucoup plus importantes. Les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés aujourd’hui – je pense aux exigences en matière de durabilité, à l’incertitude juridique, à la pression sur les terres agricoles, à la diminution des produits phytosanitaires… – ont tous un impact sur la motivation des producteurs et sur la taille et la qualité de la production. Cela impacte donc aussi nos activités. Le temps où les transformateurs de pommes de terre pouvaient imposer unilatéralement leurs exigences aux agriculteurs est révolu. Aujourd’hui nous défendons les mêmes intérêts.

Comment cette collaboration se traduit-elle dans la pratique ?

Le meilleur exemple est le plan d’action lisier en Flandre (mestactieplan-MAP), où l’agriculture, la nature et l’ensemble de la chaîne ont réussi à trouver un compromis. C’était une des premières fois que nous nous impliquions autant dans ce domaine. Nous regrettons qu’il y ait eu des jeux politiques par la suite, ce qui fait que le plan ne fonctionne pas toujours, mais cela prouve qu’on peut arriver à des solutions concrètes en collaborant. Même sans nouveau MAP, nous travaillons sur les bonnes pratiques du plan et les mettons en avant auprès de nos membres.

Le prix des pommes de terre est aussi un exemple du rapprochement entre les transformateurs et les producteurs. Ces prix ont augmenté pour couvrir les coûts de production, mais aussi parce que nous avons plus que jamais besoin de nos producteurs.

Y a-t-il néanmoins des points de désaccord entre Belgapom et les organisations agricoles ?

Oui et non. Les différents éventuels résident plutôt dans la vitesse à laquelle nous souhaitons aborder ou changer les choses. Nos membres ont une vision parfaite de la vitesse à laquelle la situation du marché évolue dans le monde entier et veulent voir le reste de la chaîne évoluer à la même vitesse. Ce sentiment d’urgence est naturellement moins fort pour les organisations agricoles, qui doivent fonder leurs opinions sur celles de 20.000 agriculteurs. Je le respecte, bien sûr, mais chez nous, les décisions peuvent être prises plus rapidement. L’histoire des nitrates et de la qualité de l’eau en est un bon exemple. En ce qui nous concerne, ces exigences en matière de durabilité peuvent immédiatement être intégrées dans un cahier des charges, de sorte que nous soyons certains que la qualité de l’eau soit effectivement fortement améliorée d’ici 2027.

Un marché en expansion

Les produits à base de pommes de terre représentent-ils toujours un marché en expansion ?

Absolument. Les frites et autres produits à base de pommes de terre font partie intégrante de chaque repas dans de nombreux pays. C’est plus populaire que jamais, car c’est bon marché, facile et en plus, on ne s’en lasse pas rapidement. Personnellement, je pense qu’on pourrait manger des frites tous les jours. Remplacez cela par des patates douces et vous obtenez quelque chose de complètement différent.

L’offre est également très variée. De la simple pomme de terre cuite aux purées fraîches, en passant par les frites surgelées ou les pommes de terre rissolées américaines, tout est possible. Nous constatons également que la restauration rapide gagne en popularité, surtout dans les pays où la prospérité augmente. La classe moyenne s’enrichit et les gens vont de plus en plus souvent au fast-food. Il y a encore beaucoup de potentiel inexploité. Nous traitons environ 7 millions de tonnes de pommes de terre dans notre pays, dont 4 millions de tonnes proviennent de la production belge.

Un besoin accru en pommes de terre pour la transformation

Agristo, Claerebout et Eco-frost construisent des nouvelles usines dans le nord de la France. Mais d’où viendront toutes ces pommes de terre ?

En effet, les transformateurs belges investissent massivement, en Belgique et à l’étranger. Le nord de la France est une région intéressante à plus d’un titre. La région est proche d’un grand port d’exportation, les marchés de vente de France et d’Europe du Sud y sont facilement accessibles, et le gouvernement français mène une politique favorable aux investissements des entreprises. Cela attire non seulement la transformation des pommes de terre, mais aussi d’autres entreprises, comme la société belge Umicore.

En Belgique, il est aussi beaucoup plus difficile de trouver suffisamment de main-d’œuvre pour ces usines. On doit également faire attention à ce que les travailleurs du nord de la France, qui travaillent dans nos usines en Hainaut et en Flandre-Occidentale, ne retournent pas travailler dans leur propre pays, car nous serons alors confrontés à une grave pénurie de main-d’œuvre. Et puis, il y a bien sûr la superficie potentielle de pommes de terre frites dans cette région. En Belgique, nous en sommes à environ 100.000 ha et nous approchons la limite.

En France, il faudra convaincre suffisamment de producteurs de pommes de terre de table de passer à des variétés de pommes de terre frites. Ce n’est pas évident non plus, car c’est une autre façon de cultiver et de conclure des contrats. Quoi qu’il en soit, en période de forte demande, les gens vont même jusqu’à Bordeaux pour des pommes de terre frites.

90 % de nos produits à base de pommes de terre sont destinés à l’étranger. Comprenez-vous que le secteur soit parfois critiqué à ce sujet ?

Notre pays a des atouts uniques qui nous permettent de produire et d’exporter des produits à base de pommes de terre : de bonnes terres agricoles, des connaissances et des recherches, une forte collaboration au sein de la chaîne… sans oublier notre position centrale. Transporter nos frites sur la côte est des États-Unis est souvent moins cher que de les transporter depuis la côte ouest. Notre produit est donc un produit de qualité, tout en étant abordable. De plus, ce n’est pas nouveau, nous faisons cela depuis des décennies et nous le faisons très bien.

Je comprends que dans ce pays densément peuplé, nous devons viser un meilleur équilibre entre toutes les activités, mais nous ne devrions pas pour autant renoncer la fierté de ce secteur fort ?

Durabilité et santé

Dans quelle mesure le secteur de la transformation des pommes de terre intègre-t-il des pratiques durables ?

Notre secteur se développe et cela nous amène à travailler avec des entreprises de haute technologie qui sont presque entièrement circulaires. Nous faisons tout notre possible pour réduire au maximum les nuisances environnementales. Nous pouvons par exemple presque totalement éviter les nuisances olfactives. Créer une harmonie avec l’environnement est extrêmement important, et c’est le seul moyen de progresser. Le dialogue doit être maintenu, car si vous le perdez, vous restez bloqué dans votre propre vérité. Je crois vraiment que c’est possible : un secteur agroalimentaire durable qui exporte vers 160 pays en harmonie avec la nature et l’environnement.

La santé devient également de plus en plus importante. Les frites peuvent-elles s’intégrer à une alimentation saine ?

Ce n’est pas un secret, vous ne perdrez pas de poids en mangeant des frites trempées deux fois dans de la graisse de bœuf. Cependant, le produit de base – la pomme de terre – est une source extrêmement nutritive de vitamines, de minéraux et de fibres. Nous avons le droit et l’obligation de revendiquer ces bienfaits pour la santé. Les règles strictes en Europe rendent toutefois la chose plus difficile qu’aux États-Unis, où l’on mise depuis longtemps sur les pommes de terre comme produit alimentaire sain. Là-bas, la pomme de terre est même de plus en plus considérée comme un aliment pour sportifs. Nous collaborons également étroitement avec des agences de promotion afin d’améliorer l’image de la pomme de terre et des produits transformés à base de pommes de terre. Le mythe de la pomme de terre qui fait grossir est faux, mais nous avons du mal à nous en débarrasser.

D’après Nele Kempeneers

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