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La Pac révisée : «le travail n’est pas encore terminé…»

Après de nombreuses semaines de mobilisation des agriculteurs aux quatre coins du vieux-continent, les ministres européens de l’Agriculture ont entériné, la semaine passée, la révision de la Pac proposée par l’Exécutif 15 jours plus tôt. De loin le premier poste de dépense de l’UE avec un tiers de son budget, la Pac est plus que jamais devenue une manne qui ne semble plus satisfaire personne : ni ceux qui en bénéficient, ni, a fortiori, ses détracteurs.

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Après trois ans d’intenses négociations pour la verdir et à peine un an de mise en œuvre, il n’aura finalement fallu que 11 jours aux États membres pour donner le feu vert à ce que les organisations environnementalistes ont qualifié de véritable détricotage environnemental de la Pac.

Satisfaction de la présidence belge

Pour la présidence belge, cette révision constitue une avancée majeure. Le ministre David Clarinval a parlé d’une Europe qui a fait « un pas important pour permettre aux agriculteurs de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la mise en œuvre de la Pac ».

« Ils ont été clairement entendus » s’est encore félicité le président belge du conseil des ministres européens de l’Agriculture pour qui « les États membres, la présidence belge ainsi que la commission se sont engagés à répondre à leurs préoccupations légitimes ».

Lors de son point presse, M. Clarinval a invité la commission à poursuivre sur sa lancée et à trouver des solutions concernant la mise en œuvre des mesures de la Pac liées aux tourbières (BCAE2), et l’adaptation du niveau des aides de minimis. C’est dire que pour lui, « le travail n’est pas encore terminé ».

Quant au cadre temporaire de crise et de transition en matière d’aides d’État, le commissaire Wojciechowski a assuré devant la presse qu’une nouvelle prolongation (qui était demandée par les États membres) ne devrait pas poser problème et ce, même si ce dossier relève de la compétence de sa collègue en charge de la Concurrence.

Vers une prolongation du cadre temporaire de crise

Pour rappel, ce dispositif un temps menacé par un retour à la prudence budgétaire, vise à accorder, dans le cadre du conflit russo-ukrainien, plus de souplesse aux États membres vis-à-vis des règles en matière d’aides d’État.

Le ministre ukrainien de la poltique agraire et de  l’alimentation, Mykola Solskyi (ici avec David Clarinval), était l’invité de la réunion des ministres européens  de l’Agriculture qui ont finalement décidé de modifier partiellement le compromis sur les mesures commerciales pour l’Ukraine, sans inclure le blé et l’orge.
Le ministre ukrainien de la poltique agraire et de l’alimentation, Mykola Solskyi (ici avec David Clarinval), était l’invité de la réunion des ministres européens de l’Agriculture qui ont finalement décidé de modifier partiellement le compromis sur les mesures commerciales pour l’Ukraine, sans inclure le blé et l’orge. - UE.

Il avait finalement été renouvelé pour six mois (jusqu’au 30 juin) en novembre 2023. D’une manière plus générale, M. Wojciechowski s’est déjà exprimé à plusieurs reprises en faveur de ce système qu’il considère comme le dispositif idoine pour permettre aux États membres d’augmenter de 10 % leur enveloppe au titre du premier pilier (sur des fonds nationaux) afin de compenser la baisse mécanique du budget de la Pac liée à l’inflation.

Rappel des mesures entérinées par les ministres européens

Les mesures validées par les États membres en finissent avec les obligations de mise en jachère, alors que la Pac entrée en vigueur début 2023 prévoyait de laisser au moins 4 % des terres arables en jachère.

Seuls les agriculteurs souhaitant le faire pourront en tirer une rémunération supplémentaire. Fini aussi le retour de bâton financier si les agriculteurs ne respectent pas l’obligation de rotation des cultures. La rotation des cultures restera la pratique principale, mais les États membres pourront utiliser la diversification des cultures comme alternative.

En ce qui concerne la couverture des sols pendant les périodes sensibles, qui permet d’en limiter l’érosion, les États membres disposeront d’une plus grande souplesse pour décider quels sols protéger et à quelle saison, en fonction des spécificités nationales et régionales.

La révision qui a été approuvée exempte également les petites exploitations de moins de 10 hectares (65 % des exploitations dans l’UE et 11 % des aides) de tout contrôle et de toute sanction liés au respect des exigences de conditionnalité.

Sur les conditions météorologiques et les catastrophes climatiques imprévues, les ministres ont aussi approuvé une nouvelle disposition permettant aux États d’accorder des dérogations aux agriculteurs ne pouvant plus semer par exemple telle culture à la date prévue.

Observatoire des prix et des marges

Au cours des dernières semaines, la présidence belge a mené des travaux dans les trois directions que sont la réduction de la charge administrative, l’amélioration de la rémunération des agriculteurs et la garantie de la compétitivité du secteur. C’est ce que n’a pas manqué de rappeler David Clarinval.

La Belgique a travaillé en étroite collaboration avec la commission pour présenter des suggestions visant à renforcer la position des agriculteurs face aux grands acteurs de l’industrie à moyen et long terme, et à mieux remplir leur rôle de garants de la sécurité alimentaire. Deux points âprement défendus par le ministre fédéral, tant au niveau national qu’européen.

Qu’en est-il ressorti ? La commission a décidé la mise en place d’un observatoire des prix européens pour plus de transparence ainsi que des mesures liées à la directive relative aux pratiques commerciales déloyales (UTP).

Un train de sénateur pour la directive UTP

La commission a toutefois laissé entendre qu’elle comptait se hâter plutôt lentement… Le commissaire Wojciechowski a signalé que « la directive sur les pratiques commerciales déloyales est encore relativement nouvelle et même si elle est transposée par tous les États membres, ils commencent seulement à l’appliquer ».

« Attendons le rapport que la commission présentera en 2025 pour d’éventuelles propositions législatives » a-t-il encore ajouté devant la presse.

Outre le lancement de l’observatoire, l’Exécutif européen proposera, au cours de ce mois d’avril, des amendements ciblés au règlement OCM, avec l’objectif de renforcer les dispositions au niveau de l’UE sur les contrats impliquant les agriculteurs, renforcer le soutien de la Pac à la coopération entre agriculteurs et avec d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement et définir des conditions minimales pour inclure des critères objectifs pour la dimension sociale des systèmes alimentaires durables. 

Importations ukrainiennes : ni blé, ni orge

En présence Mykola Solskyi, ministre ukrainien de la politique agraire et de l’alimentation, les ministres ont finalement décidé de rouvrir en partie les discussions sur la prolongation des mesures commerciales autonomes pour l’Ukraine jusqu’en juin 2025.

Selon la nouvelle position du conseil, la période de référence pour le déclenchement du dispositif de frein d’urgence automatique devrait dorénavant inclure le second semestre de l’année 2021, en plus des années 2022 et 2023.

Le blé tendre et l’orge ne sont toutefois pas intégrés au dispositif. Ce nouveau compromis s’accompagnera également d’une déclaration dans laquelle la commission apportera des précisions sur le renforcement du mécanisme de sauvegarde.

Pour M. Clarinval, ces modifications doivent permettre de « garantir une approche équilibrée entre le soutien à l’Ukraine et la protection des marchés agricoles de l’UE ».

Cette mise à jour du compromis va à présent devoir être présentée au parlement afin d’obtenir son accord. Mais le temps presse puisque la dernière réunion pour la législature de la commission du Commerce international, compétente au fond sur ce dossier et qui s’était déjà prononcée sur le premier compromis, est prévue le 9 avril.

Marie-France Vienne

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