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L’IBR: cette épée de Damoclès qui pèse au-dessus des élevages wallons

Le mois de mars rimait avec les « Rendez-vous de l’Arsia ». L’opportunité pour cette association d’aller à la rencontre des agriculteurs pour parler des « Actualités sanitaires et de l’accompagnement pour un cheptel au top ! ». Au programme ? Chiffres du secteur, portail Cerise, sans oublier les maladies émergentes. Mais une question brûlait les lèvres de tous les éleveurs : qu’en est-il de la problématique IBR ? Une maladie qui inquiète, questionne, et fâche aussi ceux dont le troupeau a été réinfecté.

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En 2027, la Belgique sera dans l’obligation d’obtenir le statut indemne pour la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR). Pour ce faire, il est primordial de donner un coup d’accélérateur avec notamment l’élimination obligatoire des bovins porteurs latents (gE+), lesquels devraient disparaître de notre territoire en novembre 2024. Toujours afin d’arriver au résultat escompté, comme déjà annoncé deux arrêtés vont bientôt voir le jour.

De plus, comme l’a souligné Jean-Yves Houtain, directeur du département épidémiologique et encadrement sanitaire de l’Arsia, la vaccination n’empêche pas le virus de rentrer dans l’exploitation. Si on pense que celle-ci va permettre de « limiter la casse », l’essentiel est plutôt de se concentrer sur les mesures de biosécurité.

Les achats d’animaux, le risque le plus important

En effet, pour beaucoup, le commerce d’animaux reste le maillon faible. Ainsi, l’Arsia a indiqué avoir constaté une recrudescence du nombre de cas d’achats de bovins infectés et une perte de statut indemne liée à l’achat d’un taureau.

« Aucune de ces infections n’a pour origine le troupeau de provenance. Autrement dit, la totalité de ces bovins ont été infectés durant leur période de transit, dans les étables de négoce. Tous les cas recensés, sont d’ailleurs des bêtes ayant de longues périodes de transit dans le commerce », a indiqué l’association. Cette dernière recommande donc d’éviter d’acheter des animaux par le biais de négociant, mais de privilégier l’acquisition directe dans les exploitations d’origine. S’il est inévitable, il est crucial d’isoler les nouveaux arrivants du reste du troupeau (idéalement dans des locaux séparés), de réaliser des tests sanguins rapidement, et de ne pas relâcher les animaux avant la confirmation des résultats.

Une maladie contre laquelle il est difficile de se prémunir

Ces recommandations, beaucoup d’éleveurs les connaissent. Malgré tout, pour certains le mal est fait… Pour ces exploitations, l’IBR n’est pas qu’une simple maladie ou un protocole à mettre en place, c’est avant tout un drame humain. « Une véritable catastrophe », comme en témoigne une agricultrice concernée.

Si elle n’était pas présente au « Rendez-vous de l’Arsia », organisé à Faimes ce 21 mars, elle s’est rendue à une autre réunion il y a quelque temps. Plus de trente personnes y étaient conviées. Des éleveurs avec de gros troupeaux, ou quelques vaches seulement, mais tous avec ce point commun : leurs bovins ont été réinfectés après avoir été indemnes de la maladie. Et dans leur tête, une interrogation : comment l’IBR a-t-elle pu entrer chez eux, au cœur de leur ferme ?

Pour l’agricultrice qui a accepté de nous faire part de son vécu, rien n’avait été laissé au hasard. Elle nous l’affirme, toutes les mesures de biosécurité ont pourtant été suivies à la lettre. Par exemple, les bêtes ne participent pas à des rassemblements, de type foires et concours, il n’y a pas d’échange de matériel, et concernant les achats, il n’y en a pas eu d’origine douteuse. L’exploitation acquiert seulement un à deux taureaux de saillie par an. Ces animaux, certifiés indemnes, sont mis en quarantaine, dans un local séparé. Même chose pour les interventions vétérinaires, lesquelles sont limitées et sécurisées. Quant au pédicure, là encore les consignes sont suivies et il n’a aucun client détenant des bovins positifs.

Alors, comment ? L’agricultrice n’a pas cessé de s’interroger. Aujourd’hui, elle songe qu’une des possibilités de contamination pourrait être due à la présence de chevreuils. Toujours est-il qu’en apprenant cette nouvelle, elle s’est sentie « sidérée ».

Plus de 200 bêtes à l’abattoir

À cette consternation se mêle un sentiment de colère. « Nous participons à un monitoring, à travers la prise d’échantillons de lait. Le 26 novembre, deux d’entre eux ont réagi positivement à l’IBR. Mais personne ne nous a avertis ! C’est seulement le 18 décembre que le vétérinaire est arrivé pour nous le dire… », raconte-t-elle. Un problème de communication qui, d’après elle, a fait perdre un temps précieux. « Les tests ont confirmé que la maladie a commencé au sein des vaches. Si je l’avais su plus tôt, j’aurais pu agir en conséquence, protéger une partie du cheptel et ainsi éviter la propagation ».

À présent, il est trop tard pour revenir en arrière… Elle devra se séparer de plus de 200 bêtes. « Psychologiquement, c’est terrible. D’autant plus lorsqu’on ne se sent pas coupable. Dans mon exploitation, toutes les bêtes ont un nom, je les ai élevées. Ce ne sont pas que des vaches, ce sont mes vaches. J’ai de l’attachement pour elles. Dans l’état actuel des choses, elles doivent partir à l’abattoir en décembre ».

Un coup de massue financier

Face à cette situation, l’éleveuse a un regret : « Lorsque j’ai obtenu le statut indemne, j’ai arrêté de vacciner. J’aurais sans doute dû continuer. Même si, il est vrai, que la vaccination n’empêche pas le virus de rentrer, elle évite sa propagation, selon moi ». Dès lors, après l’annonce, ses jeunes bêtes ont directement reçu leur dose vaccinale. « Pour ces générations, plusieurs tests ont prouvé qu’elles étaient toutes négatives ».

En outre, elle a joué la carte de l’honnêteté et de la transparence. Après avoir été avertie de cette réinfection, les différentes personnes avec lesquelles l’exploitation est en contact en ont été informées.

Au niveau financier, aussi, c’est un coup de massue. Heureusement, elle « s’en sortira », grâce notamment aux autres spéculations, comme les cultures, développées au sein de sa ferme. « Mais je pense à tous les éleveurs qui comptent leurs derniers euros. Quand on prend la calculette, et que l’on se rend compte de toute la production que l’on va perdre, cela donne le tournis ! ».

Malgré tout, cette agricultrice garde espoir. Pour elle, la situation peut encore évoluer. De plus, elle pense que des connaissances scientifiques peuvent encore arriver afin d’en savoir plus sur les différentes facettes de l’IBR. Peut-être qu’alors certains éleveurs pourront enfin affronter l’avenir sans craindre que le couperet ne s’abatte aussi sur eux.

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