Accueil Voix de la terre

Cas d’eau

En guise d’étrenne en janvier, un lecteur assidu du Sillon Belge a déposé chez moi un cadeau fort à-propos et plein d’humour : un pluviomètre tout simple, à planter dans le gazon d’une prairie pour mesurer la générosité des nuages en constant défilé dans le ciel. Quel blagueur ! Ce monsieur, sans aucun doute, avait pressenti l’utilité de cet accessoire au cours des premiers mois de 2024. Depuis huit mois en effet, la pluie s’est amourachée de nos régions et s’invite chez nous à toutes les heures des jours et des nuits. Ceux qui voient volontiers les verres à moitié pleins lui trouveront de multiples qualités. Quant aux autres…

Temps de lecture : 4 min

Soyons positifs ! Nous ne risquons guère de subir une sécheresse estivale, à moins que la météo ne nous gratifie d’une de ces volte-face dont elle a le secret. Les nappes phréatiques sont en tout cas bien alimentées depuis plus de deux cents jours, et j’imagine qu’elles approchent leur point de saturation, vu le débit des ruisseaux, des rivières, et partant des grands fleuves. Les prairies basses sont terriblement humides dans le fond des vallées ardennaises : il pleut ça mouille, c’est la fête aux grenouilles !

De plus, cette abondance d’eau permet à la végétation de croître de façon exponentielle. Car, comme le rappelle souvent JMP, il faut de l’eau H2O pour que nos plantes puissent activer leur photosynthèse et fixer ce voyou de CO2 qui transforme peu à peu notre Terre en cocotte-minute ! L’équation est simple : une molécule H20 (une môle = 18 g) fixe une molécule CO2 (une môle = 44,01 g). 18 grammes d’eau fixent 44,01 grammes de gaz carbonique par photosynthèse. Pas mal, n’est-ce pas ? Dès lors, si l’eau ne manque pas, les végétaux fixent à foison du gaz carbonique lors des longues journées. De fait, les arbres font des pousses démentielles ces dernières semaines, et les prairies ressemblent à d’épaisses toisons de moutons, vertes de chlorophylle. Les céréales d’hiver, semées dans des conditions déplorables en novembre, affichent une étonnante belle santé. Trop belle peut-être ? Gare à la verse d’ici la récolte, s’il continue à pleuvoir !

Oui, évidemment, ce serait trop beau, si cette abondance de précipitations n’avait que des répercussions positives. Ainsi, il faut bien avouer que le temps gris n’améliore guère le moral des troupes ! Il n’encourage pas la sécrétion de sérotonine, cette hormone du bonheur indispensable à notre équilibre nerveux… et à celui des animaux. Eux comme nous apprécient les moments ensoleillés où la lumière chasse les coins d’ombre qui font leurs nids dans nos âmes de pauvres petites choses sensibles quoi qu’on en dise à notre environnement. Les rhumes, pharyngites et autres bronchites et rhumatismes se plaisent à venir nous torturer, portés par l’humidité, sublimés par les baisses d’immunités inhérentes à ces fins d’hiver trop arrosés. Les animaux de nos élevages subissent les mêmes lois, et souffrent de verminoses, de maux divers. Si les vaches pouvaient parler, elles diraient « Vivement le soleil ! Qué mâssî tîmps ! », quand elles rentrent pour la traite, crottées jusqu’au ventre.

Les pluies trop abondantes ont mille et un désagréments, et en numéro UN, d’aucuns citeront les inondations ! Les mêmes images de désolation reviennent sans fin à la télévision, au rythme des orages : des pluies diluviennes qui dégringolent du ciel et se rassemblent sur les champs en cuvette pour se précipiter vers les villages en contrebas. Si les champs en question sont en terre nue, fraîchement semés, finement hersés, la boue dévale les pentes et se retrouve dans les habitations. Les gens sinistrés vouent alors les cultivateurs aux gémonies, et on peut les comprendre. On l’aurait mauvaise également, si un torrent bourbeux issu d’un champ de pommes de terre, de betteraves ou de maïs venait saloper notre coquet intérieur, notre garage ou notre buanderie…

À qui la faute ? Aux changements climatiques, et à « pas de chance » bien entendu ! Mais certaines voix s’élèvent, qui dénoncent les façons culturales qui affinent trop la terre, la disparition des haies vives et des barrières naturelles, les labours trop proches de la voie routière sans laisser de bordure enherbée, l’absence ou le non-entretien des fossés, l’aménagement du territoire qui pourrait tenir compte des nécessités des uns et des risques encourus par les autres. Bref, les pluies ennuient tout le monde, et exacerbent les malentendus entre le monde agricole et les habitants impactés par ce genre d’inondation.

Ces événements déplorables reviennent hélas chaque année à la même époque, et gagnent à chaque fois en intensité. Le réchauffement climatique est pointé du doigt, avec raison, mais pour contrer celui-ci, personne ne veut réellement, sérieusement, factuellement, faire des efforts de sobriété pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Alors, comment agir ? Imaginer des solutions, des tas de solutions pour contrer les effets dévastateurs du dérèglement climatique ; patienter et attendre le retour du beau temps ; prendre ses maux en patience…

L’an prochain, j’espère que mon généreux donateur de pluviomètre songera plutôt à m’apporter des lunettes de soleil ! Ou un parasol, un chapeau de paille, une casquette, de la crème solaire ? Mais pas de parapluie ni de pluviomètre, non merci !

A lire aussi en Voix de la terre

Voir plus d'articles