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Quelles mentions insérer dans un congé pour motif d’exploitation personnelle?

En matière de congé, la loi sur le bail à ferme est stricte et le congé pour motif d’exploitation personnelle ne fait pas exception. Celle-ci renseigne toutes les mentions obligatoires que doit contenir l’écrit transmis au preneur, sous peine de nullité.

Temps de lecture : 6 min

On l’a écrit lors d’une précédente parution : l’envoi d’un congé, quel qu’en soit le motif, suppose le scrupuleux respect de règles de forme bien précises. Parmi elles, figure notamment celle en lien avec les mentions à insérer dans le congé. Il est renvoyé à la lecture de la précédente parution (Le Sillon Belge du 18 juillet) pour « se rafraîchir la mémoire » …

Des mentions définies par la loi

Qu’il soit simplement rappelé, à ce stade, que le congé se manifeste généralement sous la forme d’un envoi écrit recommandé signé (lire à ce sujet Le Sillon Belge du 18 juillet, détaillant les formes de l’envoi) et que celui-ci doit contenir certaines mentions définies par la loi. On s’attachera, à l’occasion de la présente parution, à celles dont la présence est légalement obligatoire dans un congé pour le motif d’exploitation personnelle.

La loi précise que l’obligation d’insérer dans le congé certaines mentions est prescrite à peine de nullité, ce qui suppose que le défaut d’insérer, dans le congé, une ou plusieurs mentions légalement imposée(s), induit la nullité du congé, autrement dit son inexistence. Traduction : c’est comme s’il n’avait jamais existé ou n’avait jamais été envoyé !

Lorsque l’envoi d’un congé n’est pas soumis à un délai particulier (lorsque le bail se trouve en période indéterminée, par exemple), il est parfois possible de « récupérer la sauce », moyennant le respect d’un délai prévu à l’article 12§8 al.1er de la loi (un an à dater de l’envoi du congé déclaré irrégulier en la forme)… Mais lorsque l’envoi du congé est soumis à un délai bien strict (par exemple : 2 ans au moins et 4 ans au plus avant la fin de la première ou de la seconde période d’occupation), il peut arriver, voire arrive souvent, que le bail « soit reparti » pour 9 ans parce que le congé, défaillant qu’il est, est considéré comme nul ou inexistant et qu’il ne soit ainsi plus possible d’en envoyer un pour l’échéance de la période en cours. Attention : il faut donc veiller à bien respecter les formes !

Divers renseignements, au-delà d’un nom ou prénom

Pour ce qui concerne notre sujet, les mentions imposées dans tout congé pour le motif d’exploitation personnelle sont à trouver à l’article 12 §1er de la loi sur le bail à ferme.

En premier ordre, faut-il indiquer dans le congé le (ou les) motif(s) pour le(s)quel(s) il est donné : ainsi, il convient d’indiquer clairement que celui-ci est donné pour le motif d’exploitation personnelle.

Il convient également de mentionner les informations utiles au sujet des parcelles concernées par le congé.

En second ordre, faut-il indiquer l’identité du ou des bénéficiaires du congé, soit, pour reprendre l’expression légale, « l’identité des personnes indiquées comme devant assurer l’exploitation » … Il arrive que le bénéficiaire du congé ne soit pas l’émetteur du congé (un père donne congé au preneur au profit de son fils, par exemple). Cette identité ne se borne pas à un nom ou un prénom. La loi fait la distinction selon que le congé est notifié au profit d’une personne physique (un être humain) ou une personne morale (une société, entre autres).

L’article 12 §1er 2° est rédigé comme suit :

À peine de nullité, le congé, à l’exception de celui visé à l’article 11, 3/1, est transmis suivant les formes prévues à l’article 57 et indique clairement :

(…)

2° en cas de reprise pour exploitation personnelle, l’identité des personnes indiquées comme devant assurer l’exploitation, à savoir :

a) pour les personnes physiques, leurs nom, prénom, domicile, date et lieu de naissance, état civil, leur numéro d’identification dans le registre national ou dans le registre bis de la Banque-Carrefour de la sécurité sociale et, s’ils sont connus, le numéro de producteur et le numéro d’entreprise visé à l’article III.17 du Code de droit économique ;

b) pour les personnes morales, s’ils sont connus, leur dénomination sociale, leur siège social, leur numéro de producteur et leur numéro d’entreprise visé à l’article III.17 du Code de droit économique, ainsi que l’identité des personnes habilitées à les représenter.

Enfin, comme indiqué lors de la précédente parution, il convient, selon les termes de l’article 12 §1er 3°, d’indiquer « une mention relative à la procédure à suivre pour contester le congé dans l’envoi notifiant ce dernier ». Cette mention permet en effet au destinataire du congé, le preneur donc, d’être mis au courant qu’il peut contester le congé s’il le souhaite et des délais utiles pour le faire le cas échéant. L’information est à retrouver à l’article 12§4 de la loi sur le bail à ferme.

La durée du délai de préavis, pour davantage de clarté

La loi ne dit pas expressément qu’il faut indiquer la durée du délai de préavis (ou la date prévue de libération des biens loués) mais il va sans dire qu’il convient d’insérer l’information au corps du congé, et ce de façon à en assurer une plus grande clarté.

De même, la loi n’impose pas, expressis verbis, d’indiquer la base légale du congé, c’est-à-dire l’article contenu dans la loi sur base duquel le congé est envoyé. Il s’agit d’une question de choix mais si l’émetteur du congé décide d’en faire état, il ne s’agira pas de se tromper… On se rappellera, en effet, que le congé pour le motif d’exploitation personnelle est visé à plusieurs reprises par la loi sur le bail à ferme, selon l’époque ou la date à laquelle le congé doit être notifié…

Un congé irrégulier mais validé par un juge ?

Une dernière remarque. Dernière, mais importante malgré tout. L’article 12§8 al.2 de la loi sur le bail à ferme contient que :

Le congé qui devrait être déclaré irrégulier en la forme peut néanmoins être validé par le juge si l’irrégularité constatée ne peut pas mettre en cause la nature ni le sérieux du congé ni l’identité de la personne en faveur de laquelle le congé est donné.

Concrètement, cette disposition légale donne au juge, à qui serait demandée la charge de dire si un congé est nul ou ne l’est pas pour défaut de mention, une marge d’appréciation pour prononcer ou pas la nullité du congé. Si le juge estime que le fait, par exemple, d’avoir oublié telle ou telle mention ne préjudicie pas au sérieux du congé et n’atteint l’obligation d’information maximale au preneur, il pourra s’abstenir de prononcer la nullité du congé et « faire comme si » aucune mention ne manquait.

On rappellera enfin que le congé doit impérativement être signé…

Rappelons encore que la matière est complexe et que la question des délais est toujours épineuse : mieux vaut donc être conseillé que d’agir tout seul « dans son coin »…

Henry Van Malleghem

avocat au barreau de Tournai

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