Les influenceurs des temps modernes
Sans être « accro » des réseaux sociaux, je sais que les « influenceurs » sont dans l’air du temps. Mais ne l’ont-ils pas toujours été, en changeant de forme sans beaucoup modifier les motivations : l’intérêt financier, le pouvoir et, plus souvent qu’on ne l’imagine, la force des convictions. L’usage de la peur est souvent le ressort de l’argumentation.

Avant l’existence des réseaux sociaux, nous avons connu les « chaires de vérité » actives tous les dimanches. La peur de l’enfer n’était jamais loin.
Dans le temps, on parlait volontiers de « réclame » quand nous disons « pub » et « marketing » aujourd’hui. Je me souviens des campagnes de dénigrement du beurre au profit de la margarine, sous prétexte de cholestérol. Curieusement, quand le marché du beurre fut bien entamé, les études et leurs relais dans le monde médical ont disparu. Affaire classée, fini le cholestérol, même pour ceux qui restent fidèles au beurre de ferme.
Aujourd’hui, ce sont les Pfas qui ont du succès dans les médias. De l’eau en bouteilles à l’eau du robinet, on ne sait plus à quel saint se vouer. L’investigation est bienvenue mais on sait aussi que c’est le métier, pour certains, de se nourrir de nos peurs. Alors, ces micropolluants éternels émis depuis 50 ans et qu’on ne détectait pas jusqu’il y a peu, faut-il en rire ou en pleurer ? « Wait and see » se dit le citoyen lambda que je suis.
De même, ce qui fait l’unanimité en termes de méfiance, c’est la phytopharmacie. En agriculture, on a désormais deux mots pour parler de médecine pour les plantes : pesticides quand on ne les aime pas, PPP pour produits de protection des plantes quand on sait qu’il en faut, « aussi peu que possible, autant que nécessaire ».
La perplexité n’empêche pas les petits calculs de coin de table. Ainsi « l’anthropo-pharmacie » qui rassure notre espèce développe en Belgique un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros. Par comparaison, la protection de nos cultures pèse 125 millions d’euros, soit vingt fois moins.
Comparaison n’est pas raison mais il s’agit d’un côté comme de l’autre de matières organiques. On peut donc extrapoler à partir de la matière sèche. En agriculture, on produit chaque saison entre 10 et 20 t de matières sèches/ha dans nos régions.
À la louche, 650.000 ha en cultures, 15 t de MS/ha, cela fait 10 milliards de tonnes de matière organique sèche à protéger. On dépense donc 0,0125 € soit 12,5 centimes par tonne pour la santé des plantes.
Nous sommes plus de 11 millions de Belges avec un poids moyen de 70 kg dosant 35 % de matière sèche et 65 % d’eau. Bref, la matière sèche ambulante que nous incarnons fait au total 250.000 t. On refait le même calcul et on s’aperçoit que c’est 20.000 €/t de matière organique anthropique qui est investie dans la santé… soit 1.600.000 fois plus.
OK, nous, c’est nous et ce sont des chiffres d’affaires, pas des matières actives.
Ceci dit, en termes de matières actives, l’activité biologique des sols digère ce qui est pulvérisé et arrive en terre. Il y a 7 à 8 t d’organismes vivants pour dégrader quelques centaines de gr /ha de molécules étrangères à la nature. Je fais confiance à l’Afsca pour le contrôle de l’écotoxicité de ces molécules, d’autant que 25 % d’entre elles ont été éliminées depuis 25 ans.
Et pour celles que nos matières fécales (nos effluents) éliminent dans le tout-à-l’égout ? Il faut faire confiance aux bactéries des stations d’épuration. Elles ont du boulot avant qu’on envoie tout cela à la mer.
Et les influenceurs ne disent rien. Ils changent d’ailleurs régulièrement de nom et de nature. On les a souvent appelés « lobbies ». Ceux de l’économie sont devenus très discrets, ce qui ne veut pas dire inefficaces. Par contre, les lobbies sociologiques sont de plus en plus bruyants. Aujourd’hui, ils se dénomment ONG et défendent chacun leur part d’idéologisme.
Cette semaine par exemple, j’ai appris que les activistes de Greenpeace avaient déménagé la statue de cire de Macron du musée Grévin et ceux d’Extinction-Rébellion avaient crié au loup dans les journaux et les réseaux sociaux parce que le concours musical Reine Elisabeth avait BNP Paribas Fortis et TotalEnergie comme sponsors. Quel bénéfice environnemental, si ce n’est faire parler de soi ?
Ciel, j’oubliais un influenceur… La voix de la terre dans