À la recherche de l’avenir générationnel
Réunis en conseil informel le 17 juin dernier à Varsovie, les ministres européens de l’Agriculture ont fait du renouvellement générationnel une priorité politique. Alors que les jeunes peinent à s’installer, les responsables européens et les représentants du monde agricole alertent sur l’urgence de mettre en cohérence les ambitions affichées et les instruments concrets de la future Pac.

À mesure que les générations d’agriculteurs vieillissent et que les installations de jeunes stagnent, l’inquiétude monte dans les rangs des décideurs européens.
Un consensus semble émerger, sans action coordonnée à l’échelle européenne, la transmission des exploitations, la sécurité alimentaire et la viabilité des territoires ruraux pourraient être mises en péril. « Qui nourrira nos familles dans vingt ans ? », a interrogé, avant d’entrer en réunion, la ministre Anne-Catherine Dalcq, appelant à un sursaut collectif.
Des moyens en place, mais jugés insuffisants
Pour la commission, le sujet est prioritaire. Le commissaire Christophe Hansen, a rappelé que 8,5 milliards € étaient mobilisés dans les plans stratégiques de la Pac pour soutenir les jeunes agriculteurs, via des aides au revenu et à l’investissement. Objectif, permettre à 377.000 d’entre eux de devenir chefs d’exploitation d’ici 2027.
Mais ce soutien, bien que significatif, est loin de répondre à l’ensemble des freins structurels que rencontrent les jeunes. « Le soutien financier ne suffit pas. Il faut agir sur les conditions de vie, l’accès à la terre, aux services publics, à un équilibre de vie digne », a souligné M. Hansen devant la presse, évoquant le cas d’une éleveuse suédoise contrainte de choisir entre ses enfants et son élevage, faute de crèche à proximité.
Le ministre polonais de l’agriculture, Czesław Siekierski, a abondé dans ce sens, soulignant la nécessité d’« infrastructures sociales et techniques solides » dans les zones rurales, et rappelant les efforts engagés par son pays pour améliorer ces conditions.
L’alerte des jeunes agriculteurs
Le président du Conseil européen des jeunes agriculteurs (Ceja), Peter Meedendorp, a exprimé une vive inquiétude face à l’écart grandissant entre les ambitions politiques de l’UE et les outils concrets mis à disposition.
« Nous saluons la volonté d’une stratégie pour le renouvellement générationnel à l’automne 2025. Mais comment peut-on y croire si la commission présente son principal instrument dès le 16 juillet ? », a-t-il lancé, dénonçant un calendrier mal synchronisé. Dans un document de position élaboré au fil de deux années de travail, le Ceja appelle à allouer 30 milliards € au renouvellement des générations pour la période 2028-2034, soit 10 % du niveau actuel des paiements directs, via une législation autonome. Il plaide également pour un élargissement de la « boîte à outils » de la Pac, allant au-delà des aides à l’installation : accompagnement à la transmission, services de médiation, gestion des risques ciblée ou encore diagnostics climatiques.
« Nous avons des jeunes motivés, porteurs d’innovations, qui veulent faire vivre leurs fermes avec fierté et dans un cadre de vie équilibré », a rappelé M. Meedendorp. Encore faut-il leur en donner les moyens.
Une pression accrue sur le foncier
La question de l’accès à la terre s’impose comme l’un des nœuds du problème. Aux difficultés traditionnelles d’acquisition et à la concurrence entre générations s’ajoutent désormais des dynamiques nouvelles, préoccupantes.
Anne-Catherine Dalcq a alerté sur la montée d’investissements fonciers à visée extra-agricole, notamment dans le cadre de dispositifs de compensation carbone. « Cela crée une situation explosive », a-t-elle averti, pointant une forme de financiarisation du foncier agricole susceptible de marginaliser les jeunes porteurs de projets.
Un appel à la cohérence et à l’ambition
Dans un contexte marqué par l’incertitude sur le futur cadre financier pluriannuel, dont la commission doit présenter les grandes lignes en juillet, les ministres ont unanimement appelé à garantir à la Pac un budget à la hauteur des enjeux. « Nous voulons une Pac forte, autonome, pilier de notre sécurité alimentaire », a martelé le ministre polonais. Son homologue wallonne a insisté, de son côté, pour que le renouvellement générationnel soit intégré de manière transversale dans l’ensemble des textes législatifs à venir.
Si la stratégie annoncée par la commission pour l’automne 2025 constitue un pas en avant, sa portée dépendra étroitement des décisions prises dès cet été. Sans articulation cohérente entre les objectifs affichés et les outils budgétaires, réglementaires et opérationnels, le risque est grand que cette stratégie reste lettre morte.
À Varsovie, les responsables politiques, les institutions et les représentants du monde agricole ont affiché leur volonté de travailler ensemble. Reste à savoir si cette volonté trouvera une traduction concrète dans les négociations de la prochaine Pac.