L’agriculture face à la menace des droits de douane américains
Les tensions commerciales entre l’UE et les États-Unis semblent atteindre un nouveau sommet. En cause, les velléités tarifaires de l’administration Trump, qui mettent en péril les exportations agricoles européennes. Vins, produits laitiers, aliments transformés : plusieurs filières agricoles redoutent des hausses de droits de douane susceptibles de déstabiliser leurs marchés. La commission s’efforce dès lors de rassurer les eurodéputés tout en affirmant sa volonté de défendre les intérêts du Vieux Continent.

C’est devant la commission de l’Agriculture du parlement (Comagri), qu’Elisabetta Siracusa, directrice des affaires internationales à la DG Agri de la commission a tout récemment pris la parole pour défendre la stratégie de l’UE face à la menace américaine.
Prioriser le dialogue, mais se préparer à la riposte
En dépit de la gravité de la situation, la fonctionnaire a souligné l’importance d’un règlement négocié, tout en assurant que la commission était prête à agir si nécessaire. « Nous voulons donner une chance à la négociation, mais nous sommes prêts à agir », a-t-elle affirmé, précisant que des contre-mesures étaient déjà en préparation.
Il faut dire que la tension monte depuis plusieurs mois, notamment après l’annonce d’une possible augmentation des droits de douane américains sur des produits européens clefs, incluant l’acier, l’aluminium, mais aussi des produits agricoles comme les vins ou les produits laitiers. En avril, une première proposition d’augmentation de 10 à 20 % des tarifs a été suspendue, mais une nouvelle échéance est désormais fixée au 9 juillet. Les producteurs européens craignent que ces hausses tarifaires, si elles sont mises en œuvre, nuisent gravement à leurs exportations.
L’ombre des taxes douanières
Les inquiétudes sont renforcées par des déclarations récurrentes de l’administration Trump, qui envisage de frapper de plein fouet l’agriculture européenne. Les taxes sur les produits agricoles européens pourraient être doublées, et des mesures punitives contre l’aluminium et l’acier pourraient atteindre des niveaux inédits, faisant dire à la représentante de la commission que « ces mesures seraient économiquement dommageables des deux côtés de l’Atlantique ». L’Exécutif redoute plus que jamais les conséquences de telles décisions pour les producteurs européens.
Mais au-delà des annonces américaines, des éléments juridiques viennent perturber encore davantage le dossier. Deux arrêts récents des tribunaux américains mettent en cause la légalité des droits de douane envisagés en avril, bien que l’administration américaine ait fait appel. Mme Siracusa a souligné « le flou juridique qui alimente l’instabilité » et assure que l’UE se prépare « à toutes les éventualités ».
La diplomatie commerciale : un impératif pour l’UE
Face à cette incertitude, l’UE mise également sur une diversification des marchés pour limiter les effets des droits de douane. Dix-huit accords commerciaux préférentiels sont actuellement en vigueur, et d’autres sont en négociation ou en cours de modernisation, notamment avec les pays du Mercosur, le Mexique, l’Inde ou encore l’Indonésie. L’UE veut ainsi éviter que les excédents mondiaux ne viennent inonder ses marchés et fragiliser davantage ses producteurs.
C’est pourtant peu dire que tous les eurodéputés ne partagent l’optimisme de la commission. Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme une gestion timide de la situation. « Ce sont des négociations faillies », a dénoncé un député, se montrant sceptique face à l’efficacité des discussions avec l’administration Trump. Selon lui, « nous devons être très prudents concernant la situation des tribunaux, car ce qu’ils nous donneront, les négociations ne nous l’offriront pas ».
Des eurodéputés réclament une position plus offensive
Certains parlementaires, notamment issus du groupe de la droite de la droite, ont fustigé l’approche de l’UE, estimant qu’elle était dépassée par les événements. « Le commerce à tout prix, c’est fini », a lancé l’un d’eux, rejetant l’idée que l’accord avec le Mercosur puisse compenser les pertes face aux États-Unis. Selon lui, un tel accord « affaiblirait encore l’agriculture européenne et française ». Pour certains écologistes, la situation est encore plus grave, « l’UE ne doit pas simplement tendre la main. Elle doit être claire, il faut agir », a insisté un élu vert, appelant à une riposte plus ferme contre l’administration Trump. Les voix dissonantes se sont également multipliées parmi les centristes, qui ont averti la commission contre l’inévitabilité d’une situation de stagnation économique. Ils ont insisté sur la nécessité de garantir « une production alimentaire stable et sécurisée » et de s’assurer que les chaînes d’approvisionnement ne soient pas perturbées davantage.
Une nouvelle fois, l’Europe est divisée…
L’ombre d’un affrontement commercial entre les deux géants transatlantiques plane sur les mois à venir. Alors que le sommet européen du 9 juillet approche, où cette question devrait dominer l’agenda, la commission cherche à maintenir une ligne de fermeté tout en évitant de tomber dans une guerre commerciale à grande échelle. Le commissaire Sefcovic, tout en privilégiant le dialogue, continue de souligner que l’UE est prête à réagir si les négociations échouent.
Le dilemme est désormais posé. Faut-il céder pour préserver les exportateurs européens, ou au contraire contre-attaquer, au risque de précipiter un conflit commercial majeur ? En attendant, l’incertitude plane sur l’avenir des relations commerciales entre l’UE et les États-Unis, alors que les producteurs agricoles européens se trouvent au cœur de ce bras de fer transatlantique.