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Fin de la présidence polonaise sur fond de fermeté agricole

Au terme de six mois de présidence, la Pologne a achevé, le 24 juin dernier, son mandat en présentant un bilan dense, reflétant à la fois la complexité des chantiers en cours et les lignes de fracture qui traversent les débats agricoles européens. Le ministre polonais de l’Agriculture, Czeslaw Siekierski, a profité de cette dernière conférence de presse pour livrer une vision résolument politique de l’avenir du modèle agricole européen, entre transformation écologique, tensions commerciales et revendications de souveraineté.

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Czeslaw Siekierski a dressé un inventaire minutieux des discussions menées sous l’égide de la présidence polonaise, revendiquant un bilan fait de compromis obtenus « par la méthode communautaire » et d’engagements à long terme.

Un secteur agricole sous tension, en quête d’adaptation

Premier point évoqué, le transport des animaux vivants, devenu au fil des années l’un des marqueurs de la sensibilité sociétale croissante à la condition animale. Le règlement européen en vigueur, qui date de 2005, est aujourd’hui unanimement jugé obsolète. « Malgré des améliorations, nos concitoyens considèrent que le niveau de protection demeure insuffisant », a admis le ministre. L’exigence citoyenne, conjuguée à la pression parlementaire, impose une révision en profondeur.

Réduction des durées de transport, valorisation des abattoirs de proximité, développement de voies maritimes : plusieurs pistes sont sur la table, sans consensus à ce jour. « Nous faisons tout notre possible, mais les approches diffèrent entre États membres. Cela exige du temps, du dialogue, et une conscience claire de la sensibilité de cette question dans nos sociétés ».

La génomique végétale, entre innovation et vigilance

À l’horizon 2050, la planète devra nourrir près de 10 milliards d’habitants. L’enjeu est connu, mais les réponses, elles, demeurent âprement discutées. La présidence polonaise a mis l’accent sur la révision du cadre régissant le matériel de reproduction végétale et sur les NGT, présentées comme une solution face aux défis climatiques et sanitaires.

La prudence reste de mise. « Il nous fallait éviter que l’innovation ne se traduise par une captation technologique via des brevets, au détriment des petites exploitations », a expliqué M. Siekierski, qui a salué l’accord politique trouvé entre les États membres sur ce dossier délicat. L’objectif est clair : rendre l’agriculture européenne plus résiliente face aux sécheresses, aux maladies, aux pertes de rendements, tout en assurant un accès équitable à l’innovation génétique.

Le compromis trouvé semble marquer un tournant. Alors que certains États membres freinaient encore récemment sous la pression des ONG et d’une partie de l’opinion publique, la conjoncture climatique, l’effondrement de la biodiversité et la guerre en Ukraine ont précipité les évolutions. La sylviculture, souvent reléguée aux marges des politiques agricoles, a fait l’objet d’échanges approfondis. La Pologne, pays très boisé, a placé la gestion forestière durable au cœur de son mandat, en insistant sur l’importance des forêts dans la régulation du climat et la conservation de la biodiversité.

Mercosur : une ligne rouge que la Pologne ne franchira pas

Sur le dossier explosif de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, la position polonaise reste intransigeante. « Nous sommes contre cet accord en l’état, et nous ne sommes pas les seuls », a tranché M. Siekierski. Reprenant des arguments déjà avancés par la France ou l’Autriche, il a dénoncé un projet « déséquilibré, injuste pour nos producteurs et inacceptable pour l’environnement ».

L’utilisation de pesticides interdits en Europe, la déforestation liée à l’expansion agricole, et le risque de dumping environnemental et social sont pointés du doigt. Au-delà des considérations techniques, c’est une certaine vision de l’Europe que le ministre défend : « Nous ne pouvons pas construire une Europe verte si nous importons massivement des produits issus d’un modèle agricole contraire à nos principes. »

Ukraine : solidarité, mais pas sans limites

Le soutien à l’Ukraine constitue un autre point de friction. En 2022, l’UE a suspendu ses droits de douane sur les produits ukrainiens afin de soutenir Kiev face à l’invasion russe. Mais cette ouverture a fortement affecté les marchés agricoles des pays frontaliers, notamment la Pologne.

« Nous avons agi par solidarité, mais cette solidarité ne peut être illimitée ni déséquilibrée », a estimé M. Siekierski, dénonçant les conséquences d’un afflux de céréales à bas coût provenant d’exploitations ukrainiennes géantes, hautement mécanisées. Il plaide pour un retour à des quotas raisonnables, conditionné à l’adoption progressive des normes européennes. « Si l’Ukraine veut entrer dans le marché intérieur européen, elle doit aussi en respecter les règles. Cela fait partie des conditions de l’intégration. »

Défendre la Pac comme bien commun européen

En conclusion, le ministre a réaffirmé l’importance de la Pac, qu’il qualifie de « pilier de la sécurité alimentaire européenne ». Rappelant qu’elle ne se limite pas à une aide aux agriculteurs, il l’a présentée comme un outil garantissant « l’accès à une alimentation de qualité, abordable, sûre, pour tous les citoyens européens ».

Face à la mondialisation, aux crises géopolitiques, aux dérèglements climatiques, la Pac demeure, selon lui, « un garde-fou essentiel ». Un témoignage d’intégration européenne et de mémoire politique Avant de conclure, Czeslaw Siekierski a offert un moment de réflexion personnelle, ancré dans l’histoire politique européenne. Évoquant ses souvenirs d’étudiant dans les années 1970, il a rappelé combien l’adhésion de la Pologne à l’UE paraissait alors inimaginable. « Grâce au combat du peuple polonais, à Gdansk et ailleurs, nous avons retrouvé notre liberté et notre place en Europe. »

Marie-France Vienne

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