Des projets GPS, au service de la santé des bovins
Depuis 2007, des projets concrets sont développés chaque année en Wallonie pour améliorer la prévention et la gestion des maladies en élevage. Ces projets, appelés GPS pour Gestion – Prévention – Santé, sont financés par le Fonds sanitaire et réalisés par l’Arsia en Wallonie et par la DGZ en Flandre. Ils ciblent des maladies importantes en pratique de terrain, comme la néosporose, la mycoplasmose, les parasitoses, les diarrhées néonatales ou encore les infections respiratoires.

Chaque projet GPS associe un vétérinaire de terrain et des éleveurs partenaires. L’objectif est toujours de tenter de répondre à une problématique concrète, en testant de nouvelles approches de suivi de la santé animale en élevage.
En 2024, deux projets ont été menés à l’Arsia par le Dr vétérinaire Zoé Blockx. L’un sur la détection des bovins porteurs chroniques de salmonelles. L’autre sur l’exploration des maladies respiratoires du veau avec des outils diagnostiques de terrain.
Détecter les bovins porteurs chroniques de salmonelles
Les salmonelloses bovines, notamment dues à Salmonella Dublin, sont bien connues des éleveurs : diarrhées, fièvre, mortalité chez les veaux, avortements… Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’après la phase aiguë, certaines bêtes restent porteuses silencieuses, hébergeant la bactérie sans montrer de signes. Ces animaux asymptomatiques peuvent excréter la bactérie de façon intermittente, contribuant à entretenir l’infection dans le troupeau.
Ce projet visait à tester en ferme une méthode simple et non douloureuse pour détecter ces porteurs, afin de mieux cibler les animaux à réformer et limiter les récidives.
Des prélèvements par prise de sang et par ponction ganglionnaire
Trois types de bovins ont été choisis : des bovins séropositifs (c’est-à-dire positifs sur la prise de sang) détectés lors du kit achat, un troupeau de 400 vaches avec antécédents de salmonellose, non vacciné ce qui permettait un suivi par prise de sang, et enfin quatre élevages dans lesquels des cas récents de salmonellose avaient été confirmés à l’autopsie.
Chez ces animaux, deux types de prélèvements ont été réalisés : une prise de sang et une ponction ganglionnaire, c’est-à-dire un petit prélèvement dans un ganglion situé près de l’épaule. Cette technique est sans douleur, ne nécessite pas de sédation et peut être réalisée à moindre coût.
Les échantillons ont ensuite été analysés en laboratoire pour rechercher la présence de la bactérie Salmonella (ponction ganglionnaire) ou les anticorps dirigés contre elle (prise de sang).
Plusieurs observations…
Chez les veaux morts de salmonellose, l’analyse des ganglions, après l’autopsie, donne de très bons résultats : près de 90 % de détection, soit mieux que les analyses de fèces. Néanmoins, sur des animaux vivants, aucun résultat positif n’a été obtenu, même chez des bovins très séropositifs ou suivis pendant plusieurs mois. Cela pose question : la charge bactérienne chez les porteurs chroniques est-elle trop faible pour être détectée ? Ou faut-il améliorer la méthode de prélèvement ?
Une base pour envisager des stratégies futures
Même si la ponction de ganglion n’a pas encore démontré son efficacité en ferme, le projet a mis en évidence l’intérêt du suivi répété de la salmonellose sur le sang, comme cela se fait au Danemark ou au Canada. En effet, dans le troupeau suivi pendant 18 mois dans le cadre du projet GPS, 80 % des animaux séropositifs aux deux premiers bilans espacés de 6 mois, le restaient au troisième.
Ces bovins, bien que non confirmés par une culture du germe à partir de matières fécales ou ganglionnaires, représentent probablement un réservoir dans l’élevage.
C’est pourquoi dans les pays nordiques, des plans d’assainissement sont mis en place, reposant sur une analyse sérologique régulière du troupeau et la réforme des animaux à plusieurs reprises positifs.
En Belgique, l’absence de tels programmes structurés, couplée à l’utilisation de la vaccination (qui interfère avec les analyses), rend cette approche encore difficile à appliquer. Mais le projet GPS apporte des bases utiles pour envisager des stratégies ciblées, dans le futur.
Diagnostiquer les maladies respiratoires chez le veau
L’autre projet porte sur l’exploration des maladies respiratoires du veau. En effet, chaque année, l’Arsia reçoit de nombreux échantillons pour des troubles respiratoires. Grâce au kit respiratoire (PCR, cultures), de nombreux germes pathogènes « classiques » sont identifiés. Néanmoins, dans près de 20 % des cas, la cause reste inconnue.
Or, dans le cadre d’un précédent GPS portant sur l’exploration des pathologies respiratoires non élucidées, la technique performante du « séquençage haut débit de l’ARNr 16S », implémentée depuis quelques années à l’Arsia, a permis de mettre en évidence plusieurs bactéries d’intérêt dans les maladies respiratoires des veaux, moins connues pour leur implication dans les pneumonies mais détectées dans leurs poumons. Parmi celles-ci, Ureaplasma diversum, Helcococcus ovis et Mycoplasma dispar.
L’idée du projet était donc d’explorer ces nouveaux agents encore mal connus, d’évaluer différentes méthodes de prélèvement en ferme et de mieux adapter les outils de diagnostic aux réalités wallonnes.
Le déroulement de l’étude
Des vétérinaires formés à l’échographie pulmonaire rapide (méthode qTUS), dont Zoé Blockx, ont examiné des veaux en ferme, pour déterminer s’ils avaient ou non des lésions pulmonaires. Ces veaux ont ensuite été classés en deux groupes : « malades » et « sains ».
Sur chaque jeune, deux types de prélèvements ont été réalisés : des écouvillons nasaux (dans les deux narines) et un lavage broncho-alvéolaire(BAL), c’est-à-dire un prélèvement plus profond, réalisé via la trachée.
Ces échantillons ont été analysés à l’Arsia pour détecter les trois bactéries d’intérêt.
Une meilleure compréhension des co-infections respiratoires
Plusieurs résultats ont pu en ressortir. Tout d’abord, Helcococcus ovis a été retrouvé chez quelques veaux, malades ou non. Sa faible fréquence (4,9 %) et sa répartition homogène ne permettent pas de conclure à un rôle pathogène évident. Cependant, les données suggèrent une concentration des cas dans un nombre limité d’exploitations, ce qui laisse penser que des facteurs propres à l’environnement ou à la gestion de ces fermes pourraient favoriser sa présence.
Ensuite, Ureaplasma diversum a été détecté uniquement chez les veaux avec des lésions pulmonaires. Il était plus abondant dans les prélèvements profonds (lavages broncho-alvéolaires), ce qui suggère une origine systémique, par le sang. Là aussi, la bactérie a été retrouvée sur plusieurs animaux dans un nombre limité d’élevages.
Mycoplasma dispar , en revanche, était omniprésent : plus de 80 % des veaux en étaient porteurs, même sans symptômes. Il s’agirait dès lors d’un
Ces données ouvrent la voie à une meilleure compréhension des co-infections respiratoires chez le veau.
Les impacts sur le terrain
Ce projet montre que le type de prélèvement influence fortement les résultats : les écouvillons sont pratiques et adaptés pour détecter des bactéries comme Pasteurella ou Mannheimia, qui vivent dans les voies respiratoires supérieures. Le lavage broncho-alvéolaire, bien que plus technique, est bien plus utile pour détecter des germes tel Mycoplasma bovis, qui colonise le poumon.
Autre outil prometteur : l’échographie pulmonaire rapide, qui permet d’identifier les veaux réellement atteints, même s’ils paraissent en bonne santé à l’examen clinique. Cela évite de traiter inutilement des animaux sains ou de passer à côté de cas graves.
Enfin, on note une différence marquée en termes d’usage régional : alors que les lavages broncho-alvéolaires sont largement utilisés en Flandre, soit 46 % des échantillons respiratoires, ils ne représentent encore que 7 % des échantillons analysés en Wallonie. Ce prélèvement, bien que plus technique, mérite d’être davantage utilisé, car il améliore significativement la qualité du diagnostic dans les cas complexes.