Crédits en agriculture : une croissance de 35% entre 2020 et 2024
Alors que le monde agricole est confronté à des tensions multiformes (dérèglement climatique, inflation des intrants, incertitudes réglementaires et transformation des attentes sociétales), le rôle des acteurs bancaires se trouve plus que jamais interrogé. La banque Crelan a profité de l’Assemblée générale de l’Association belge des journalistes agricoles (Abja), le 23 mai dernier à Bruxelles, pour dévoiler un état des lieux de son activité en matière de financement agricole.

L’intégration d’Axa Banque, achevée en juin 2024, a mécaniquement dilué la part des crédits agricoles dans le portefeuille professionnel de Crelan. Pourtant, l’agriculture représente toujours 26 % des crédits professionnels octroyés en date du 15 mai. « Même après la migration avec Axa Banque, l’agriculture reste l’un de nos moteurs d’activité professionnelle. C’est une conviction, pas un héritage passif », a déclaré Philippe Voisin, CEO de la banque.
Une reprise nette des investissements depuis 2023
L’évolution annuelle des crédits agricoles entre 2020 et 2024 révèle une reprise progressive après une contraction liée à la volatilité des marchés et à l’incertitude post-Covid. Tous les investissements ont poursuivi leur tendance à la hausse avec une excellente année 2022, où chaque destination a augmenté d'au moins 30 % par rapport à 2020. Le début de cette année 2025 confirme cette tendance. À la fin avril, la production de crédits agricoles au niveau national est en hausse de 9,5 %.
En Flandre, cette progression atteint même 55,6% par rapport à la même période en 2024, portée notamment par une forte demande sur l’achat de matériel agricole et sur les acquisitions foncières. En Wallonie, la progression est plus modérée et plus diversifiée. Les crédits s’y répartissent entre matériel, construction, rénovation et achat d’immeubles.
Équipement, foncier, bâtiment : les priorités du financement
Le détail des crédits par type d’investissement montre que l’achat de matériel agricole a connu une croissance quasi continue de 2020 à 2024. L’acquisition de terres est la principale destination des financements. Ces achats demeurent stratégiques. Ils ont connu une augmentation de 300 % en 2024 par rapport à 2020.
Les investissements dans la construction et la rénovation connaissent un regain depuis 2023, portés par les normes environnementales et les besoins en modernisation des infrastructures d’élevage. Les crédits pour la première installation restent à la hausse. Cette hausse représente 50 % en 2024 par rapport à 2020.
L’élevage laitier reste au cœur du modèle belge
La ventilation des crédits selon les codes NACE, à savoir la nomenclature d’activités économiques utilisée pour les statistiques, confirme par ailleurs la centralité des filières animales dans le modèle agricole de notre pays. En 2024, le secteur laitier est le secteur animal qui investit le plus, représentant 12% de la production de crédits totale. Les autres secteurs animaux (porcs, volailles, bovins) représentent 6% de la production.
En revanche, les grandes cultures, tout comme les productions maraîchères et fruitières, affichent des niveaux de financement nettement inférieurs, un paradoxe alors que ces secteurs sont souvent mis en avant dans les discours sur la transition agroécologique.
Une banque qui investit aussi dans la recherche agricole
En parallèle de ses activités financières, la banque investit également dans la production et la diffusion de savoirs scientifiques. Elle finance des chaires universitaires à l’Université de Gand et à Gembloux Agro-Bio Tech, entièrement consacrées aux enjeux de durabilité dans l’agriculture. Elle soutient également l’Ilvo, l’Institut flamand de recherche sur l’agriculture, à travers l’organisation d’un colloque climatique annuel et la publication d’une lettre d’information dédiée à la vulgarisation scientifique.
Cette démarche vise à combler le fossé entre la recherche académique et les réalités de terrain. « Nous croyons à une banque qui produit et partage de la connaissance, pas seulement du crédit », a indiqué un cadre de la direction.
Un attentisme prudent dans un climat incertain
Malgré ces signaux positifs sur l’investissement à moyen terme, un indicateur attire l’attention : les lignes de trésorerie à court terme sont actuellement sous-utilisées, leur mobilisation étant à son niveau le plus bas depuis 2020. Cette situation pourrait traduire une amélioration temporaire de la solvabilité des exploitations, mais elle pourrait également signaler un attentisme accru des agriculteurs, face aux incertitudes économiques, climatiques et fiscales qui pèsent sur leur avenir.