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Notification d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle : Quels modes d’envoi privilégier?

Notifier un congé, c’est l’envoyer ! Par exploit d’huissier de justice ou par envoi recommandé, plusieurs possibilités s’offrent au bailleur, qui doit rester prudent, veiller aux délais et prouver la réception.

Temps de lecture : 4 min

Terminons ce tour d’horizon des critères légaux de validité d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle. Après les critères de fond et de forme, abordés à l’occasion des précédentes parutions, on s’attardera enfin aux modes d’envoi cette fois-ci et aux délais la prochaine fois. Quiconque pratique la matière sait l’importance que la loi accorde aux formalités d’envoi et au respect des délais. Une erreur peut coûter cher, si bien qu’il est « prudent d’être prudent » … Évidemment, chaque cas présente ses propres spécificités. Certaines règles générales peuvent cependant être ici rappelées.

Signifier au travers d’une lettre

Le mode de notification d’abord, c’est-à-dire la façon d’envoyer le congé. On ne parle pas ici de Whatsapp, Messenger ou autres Snapchat mais de modes d’envoi prévus par la loi. Notifier un congé, c’est l’envoyer. À quoi ressemble un congé ? Simplement à une lettre à travers laquelle un message est passé. En l’occurrence, un message selon lequel le bailleur indique à son preneur qu’il met un terme au bail pour une cause d’exploitation personnelle, par lui ou par un membre de sa famille. Mais comment passer ce message ? Une lettre est écrite et cette lettre doit être envoyée. Si le contenu de la lettre fut abordé lors de la précédente parution, la façon de l’envoyer le sera à travers ces quelques lignes. On a déjà eu l’occasion de voir que la loi sur le bail à ferme n’est pas la plus souple qui soit… On peut même dire qu’elle est « rigide » et qu’elle tient à conserver la maîtrise de tout ! Nos amis du nord du pays diraient : « de wet is streng / star »… Et pour cause puisque pas moins de deux articles sont consacrés aux modes d’envoi. Il est bon de les citer ici.

On commencera par la fin, soit par un des derniers articles de la loi sur le bail à ferme : l’article 57. Il est ainsi rédigé :

« Les congés, oppositions ou notifications prévus aux articles 6, 8, § 4, 11, 12, 14, alinéa 1er, 24, 30, 33, 34bis, 35, 36, 36bis, 37, 38, 39, 40, 42, 44, 48, 49 et 55 sont, à peine d’inexistence, signifiés par exploit d’huissier de justice ou par un envoi. »

Il faut donc un exploit d’huissier, donc l’intervention d’un huissier qui vient chez le destinataire du congé pour le présenter à sa connaissance, ce qui permet notamment d’en certifier la date. En substance, et pour faire simple, l’huissier toque à la porte du preneur et lui remet le congé : en droit, il le lui ‘signifie ’… Signifier à quelqu’un quelque chose veut dire qu’on lui fait passer un message.

Un envoi qui doit être certifié

L’article 57 parle aussi d’un envoi. Fort bien mais, en pratique, qu’est-ce qu’un envoi ? C’est là qu’intervient le second article de la loi à ce sujet, l’article 3ter , qui vient compléter l’article 57 en ce sens qu’il liste les modes « d’envoi   ».

L’article 3ter est ainsi rédigé :

« Tout envoi en vertu d’une des dispositions de la présente section est considéré avoir date certaine lorsque la date de sa réception peut être prouvée et lorsqu’il revêt une des formes suivantes :

1° le courriel daté et signé ;

2° le recommandé postal ;

3° les envois par des sociétés privées contre accusé de réception ;

4° le dépôt d’un acte contre récépissé.

L’envoi se fait au plus tard le jour de l’échéance du délai ».

Cet article 3ter est une disposition légale nouvelle, issue de la réforme wallonne de la loi de 2020. Ceci est tellement vrai que l’article 57, ancienne version, parlait d’exploit d’huissier ou de recommandé alors que l’article 57, nouvelle version, parle d’exploit d’huissier ou d’envoi. On observe qu’il s’agit là d’une adaptation légale aux nouvelles technologies et méthodes de notification. Pensons aux courriels datés et signés ou aux sociétés privées contre accusé de réception. Il faut cependant être prudent. Un « courriel daté et signé » n’est en règle pas le simple courriel qu’on envoie au quotidien. Il apparaît que la date, l’heure et la signature électroniques doivent pouvoir être certifiées en cas de contestation. On sait à quel point certains peuvent se jouer des données informatiques. Quant aux sociétés de dépôt, il nous est, à ce stade, assez difficile de nous prononcer puisqu’à notre connaissance, il n’y a pas ou peu de jurisprudence.

Aussi, il apparaît que « le bon vieux courrier recommandé » reste à privilégier, idéalement avec accusé de réception. Il est sûr et peu coûteux. L’exploit d’huissier est sûr aussi mais nettement plus coûteux. Il peut cependant s’avérer utile au bailleur imprudent sur le respect des délais et qui se trouve dans une situation où le congé doit idéalement être entre les mains du preneur le jour même !

Répétons-le : prudence donc…

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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