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Un congé pour le motif d’exploitation personnelle : les critères de forme à vérifier pour la validité du congé

Pour poursuivre ce chapitre sur les critères à vérifier en cas de notification d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle, attardons-nous sur les critères de forme. Leur omission peut rendre nul le congé. Il faut donc être très prudent et n’oublier aucun détail.

Temps de lecture : 6 min

Traditionnellement, à l’occasion de la vérification des critères de validité d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle, on distingue les critères de fond, les critères de forme et les critères de délais.

Les précédentes parutions, vers lesquelles il est renvoyé, se sont penchées sur les critères de fond. Attelons-nous dès à présent aux critères de forme.

Les mentions du congé

En la matière, la première et essentielle chose à surveiller tient aux mentions à insérer dans le congé. C’est l’article 12 §1er de la loi qui indique les mentions dont il est sujet. Il est précisé que la question est d’une importante capitale puisque la loi prévoit qu’à défaut d’avoir indiqué toutes les mentions prescrites, le congé doit être considéré comme nul, autrement dit inexistant. Or, si la notification du congé est soumise à un délai et que le congé mal rédigé est considéré comme nul, il se peut bien qu’il ne soit pas / plus possible de corriger le tir… Prudence , donc, voire extrême prudence.

Il faut d’abord et évidemment (même si, sur ce point, la loi ne dit rien mais c’est une question de bon sens…) indiquer l’identité du ou des émetteurs(s) du congé : nom, prénom, adresse et, idéalement, numéro d’identification au registre national. Ces indications sont capitales pour identifier l’origine du congé, notamment lorsque le bénéficiaire du congé n’est pas l’émetteur du congé (voire explications ci-après à ce sujet).

Il faut ensuite indiquer l’identité du destinataire du congé, soit celui ou celle à qui le congé est envoyé : nom, prénom, adresse et, idéalement, numéro d’identification au registre national. Attention : il se peut parfois que le congé doive être notifié à plusieurs personnes, soit qu’il y a plus d’un preneur (exemple de la colocation) ou, plus simplement, que le congé doit être notifié à un couple marié (Monsieur et Madame, Monsieur et Monsieur, Madame et Madame…). Ainsi, même si les destinataires du congé sont au nombre de deux et domiciliés à la même adresse, il est très vivement recommandé de notifier le congé en autant d’exemplaires que de destinataires, donc autant d’enveloppes que de destinataires, en adaptant, sur la lettre de congé, l’identité du destinataire. La jurisprudence exige en effet, en cas de contestation, que l’émetteur du congé puisse prouver que chacun des destinataires a pu être touché par le congé.

Il faut ensuite dater le congé, ce qui va de soi.

Détailler et être le plus complet

Quant aux mentions à proprement parler, prescrites par la loi, elles sont les suivantes.

La loi impose premièrement d’indiquer le ou les motifs pour le(s)quel(s) le congé est donné. En l’occurrence, il s’agit du motif de l’exploitation personnelle. Il faut donc indiquer une phrase du type « le présent congé vous est notifié pour le motif de l’exploitation personnelle… ». Il convient ensuite de préciser, de façon détaillée, les informations suivantes relativement au(x) bénéficiaire(s) du congé (au pluriel le cas échéant car ils peuvent être plusieurs).

S’il s’agit de personnes physiques : nom, prénom, domicile, date et lieu de naissance, état civil, numéro d’identification dans le registre national ou dans le registre bis de la Banque-Carrefour de la sécurité sociale et, s’ils sont connus, le numéro de producteur et le numéro d’entreprise visé à l’article III.17 du Code de droit économique. S’il s’agit d’une personne morale (société), s’ils sont connus, la dénomination sociale, le siège social, le numéro de producteur et le numéro d’entreprise visé à l’article III.17 du Code de droit économique, ainsi que l’identité des personnes habilitées à la représenter. Quant à ces dernières personnes, la loi ne détaille pas l’intensité des informations à préciser mais disons qu’au plus il y a d’informations, au mieux c’est…

Conseil est donné d’indiquer les informations requises en cas de congé donné au profit d’une personne physique. Il faut ici préciser que les informations requises quant à l’identité du bénéficiaire du congé sont essentielles car elles permettent à celui qui reçoit le congé d’apprécier du caractère sincère et sérieux du congé, a fortiori lorsque le bénéficiaire du congé n’est pas l’émetteur du congé (rappelons, par exemple, qu’un congé pour un tel motif peut être notifié par des parents au profit de leur fils ou de leur fille…).

Informer le preneur de son droit de contester

La loi impose ensuite d’insérer une mention relative à la possibilité, pour le destinataire du congé, de le contester. Cette mention, en son état actuel, est le fruit de la réforme de 2020. De fait, et pour rappel, les congés notifiés postérieurement au 1er  janvier 2020 doivent être contestés judiciairement par le preneur s’il n’est pas d’accord. Tel n’était pas le cas auparavant si bien que la modification législative, inversion procédurale, est de taille. Dès lors, encore à l’heure actuelle, 5 ans après la réforme, l’absence de cette mention est sévèrement sanctionnée par les Cours et Tribunaux…

Une formule du type suivant est valable : « il vous est rappelé que le présent congé peut faire l’objet d’une contestation devant le Tribunal compétent, ce dans un délai de trois mois. L’article 12§4 de la loi sur le bail à ferme précise que ‘le congé donné par le bailleur dans les formes et délais prévus à la présente section et qui n’a pas été contesté par le preneur est valable. Le preneur peut contester le congé en ce compris les motifs invoqués en saisissant le juge de paix dans les trois mois de la notification du congé’ ». Au passage, il n’est pas inutile de rappeler que toute action en matière de bail à ferme est soumise à un préalable de conciliation (article 1345 du Code Judiciaire).

L’ajout de la base légale et du délai de préavis

Une précision, encore, au sujet des mentions. La loi n’impose pas d’insérer la base légale (= article de la loi qui fonde la légalité du congé) ni même le calcul / l’échéance du délai de préavis. Quant à la base légale, en cas de doute, il est préférable de s’abstenir mais il est, en tout état de cause, essentiel d’indiquer le motif du congé. Quant au calcul et à l’expiration du délai de préavis, les informations doivent être indiquées à notre estime, ne fût-ce que pour permettre au preneur de vérifier si le congé est notifié dans les délais et selon les délais de préavis légaux.

On aura donc compris que la rédaction d’un congé pour le motif d’exploitation personnelle n’est pas si évidente qu’il n’y paraît. Plus que jamais sur ce sujet, il est donc très vivement conseillé de se faire entourer d’un professionnel compétent : un mot de trop ou un mot oublié, une erreur de calcul dans le délai de préavis, une omission ou une inexactitude, etc. etc. peut coûter très cher.

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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