Au Sip, faire rimer pulvériser avec sûreté et efficacité
Trente ans ! C’est un cap que passe le Service d’inspection des pulvérisateurs qui, tous les trois ans, contrôle près de 6.000 engins en Région wallonne. L’occasion de dresser un bilan de ces trois décennies mais aussi de retracer l’historique de ce service qui s’assure, jour après jour, que le fonctionnement des outils de pulvérisation est sûr, tant pour l’utilisateur que pour l’environnement.

En Belgique, le contrôle technique des pulvérisateurs est une obligation depuis 1995, ce qui fait de notre pays le deuxième, après l’Allemagne, à avoir mis en place un tel système. Ce diagnostic complet de la machine est réalisé, en Wallonie, par le Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w), qui héberge le Service d’inspection des pulvérisateurs (Sip). Au nord du pays ainsi qu’en Région de Bruxelles-Capitale, c’est à l’Ilvo (Instituut voor landbouw –, visserij- en voedingsonderzoek) qu’incombe la responsabilité de tels contrôles ; ceux-ci devant répondre aux mêmes exigences de part et d’autre de la frontière linguistique.
Des premiers travaux dès la fin des années 1980
Si le Sip a officiellement débuté ses activités en septembre 1995, les recherches et études destinées à améliorer les techniques d’application des produits phytosanitaires étaient déjà en cours depuis quelque temps. Dès la fin des années 1980, tant la Faculté des sciences agronomiques (devenue, depuis, Gembloux Agro-Bio Tech) que le Cra-w se sont penchés sur la question. Réglages du pulvérisateur et analyse complète des nouveaux matériels disponibles étaient au centre de toutes les attentions. La volonté de développer davantage les actions relatives aux contrôles des pulvérisateurs était également déjà présente chez les deux partenaires.
Pour preuve, un travail de fin d’étude est mené sur le sujet en 1988. L’étudiant à la tête de ce projet n’était autre qu’Olivier Mostade, actuel responsable technique du Sip. « À l’époque, comme aujourd’hui encore, on s’intéressait à la pression de travail, au débit et éventuelles fuites… », se souvient-il.
Dans la foulée, des conventions de recherches ont vu le jour en 1990. Guy Lutgen, alors ministre wallon de l’Agriculture, souhaitait, d’une part, que soient présentés les éléments techniques à prendre en considération pour l’organisation d’un contrôle systématique des pulvérisateurs en Wallonie et, d’autre part, que soit élaborée une proposition détaillée d’organisation du contrôle de ces engins. « Ces initiatives, et d’autres, ont permis de mettre sur pied le protocole qui a finalement été adopté par la Belgique. »
De 1990 à 1993, les développements, constructions, tests, validations et autres expérimentations sur le terrain se sont enchaînés. « Des déplacements ont aussi été organisés afin de prendre connaissance des expériences, bien qu’encore peu nombreuses, menées à l’étranger », complète M. Mostade.
C’est dans ce cadre que la première unité pilote de contrôle des pulvérisateurs a vu le jour en 1990-1991. « Autonome en eau et électricité en vue de réaliser les contrôles le plus facilement possible, elle embarquait déjà de tout l’équipement que l’on retrouve encore aujourd’hui, dans une version plus moderne, dans nos camionnettes d’inspection. »
De la sensibilisation et des contrôles volontaires
Disposer de l’équipement était une chose, mais encore fallait-il faire adopter ce nouveau contrôle par les agriculteurs. « De nombreuses actions de sensibilisation ont été menées entre 1991 et 1995. Le but était de rassurer les agriculteurs sur ce qu’était le contrôle technique des pulvérisateurs, à savoir un outil leur permettant de cibler et faire réparer facilement les éventuels dysfonctionnements de leurs machines et non un outil de répression », commente Oliver Mostade. Des séances d’information à destination des concessionnaires ont également été organisées, en vue de prévoir la remise en état des engins nécessitant une réparation.
Le tout a été complété par une présence aux foires agricoles de Libramont et Bruxelles, par la publication de brochures d’information ou encore d’articles dans la presse agricole.
« En parallèle, des contrôles étaient réalisés sur base volontaire. Au printemps 1994, pas moins de 550 pulvérisateurs s’y étaient soumis. Seuls 11 % étaient en parfait état. La moitié des engins présentait un ou deux défaut(s) tandis que 39 % affichaient trois défectuosités ou plus ».
Ces défauts étaient de natures diverses : manomètre défectueux, fuite au niveau de la tuyauterie, usure des buses, rampes tordues voire incomplètes…
Les premiers contrôles officiels, en septembre 1995
En 1995, lorsque le contrôle des pulvérisateurs devint obligatoire, le Sip était fin prêt. « À travers une note politique, écrite en 1993, le ministre fédéral de l’Agriculture, André Bourgeois, indiquait sa volonté d’instaurer un contrôle obligatoire sur tout le territoire endéans les deux ans », éclaire Olivier Mostade. Le délai fixé a donc été respecté, afin de disposer d’un parc de pulvérisateurs dans le meilleur état de fonctionnement possible.
Les objectifs du contrôle avaient été clairement définis : fournir des informations claires et discutables à l’utilisateur concernant les réparations à effectuer sur son engin ; effectuer un contrôle objectif et identique sur l’ensemble du territoire ; réaliser des mesures fiables, précises et reproductibles ; limiter les contraintes liées au contrôle (déplacement, durée du test, période de contrôle, coût) ; et s’assurer que le contrôle soit capable de s’autofinancer.
Dans la foulée, les équipements nécessaires ont été construits, tant pour le Cra-w que pour l’Ilvo. Les contrôles ont ainsi débuté en septembre 1995, à Gembloux même.
S’adapter au matériel et à la législation
Depuis, les contrôles ont évolué. D’une part, car le matériel lui-même se modernise sans cesse ; d’autre part car la législation a connu diverses modifications et adaptations.
À titre d’exemple, la directive européenne 2009/128/CE « instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable », prise le 21 octobre 2009, obligeait les pays de l’Union européenne à inspecter chaque pulvérisateur au moins une fois avant le 14 décembre 2016. « Ce qui n’a posé aucun souci pour la Belgique, étant donné qu’à cette date, chaque engin avait déjà été contrôlé trois fois. » Tous les pays n’ont pas satisfait à cette disposition avec la même facilité…
Le Sip est également accrédité Iso 17020 depuis 2011, à la demande de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca). Il s’agit d’un gage de compétence, de cohérence, d’indépendance et d’impartialité pour les agriculteurs dont le matériel est inspecté tous les trois ans.
Moins de 6 % de refus !
Depuis sa naissance, les services du Sip se sont étendus. En 2023, les nébulisateurs ont été intégrés à la liste du matériel inspecté. « Ce qui a nécessité de communiquer auprès des utilisateurs, de recenser les machines, de développer un protocole de contrôle adapté ou encore de former les inspecteurs », enchaîne Louise Vanoost, responsable qualité du Sip.
Quant au nombre d’engins refusés, il ne cesse de reculer. Ainsi, 26,5 % des pulvérisateurs ont écopé d’un refus au premier passage durant le cycle 1. Ils n’étaient plus que 9,5 % lors du cycle 5 et 5,6 % durant ce dixième cycle. Les principaux défauts concernent le système de régulation (mauvais étalonnage des capteurs, défectuosité du bloc de distribution…), le manomètre ou des fuites importantes.
« Ces chiffres prouvent que les agriculteurs accordent de plus en plus d’attention à leurs pulvérisateurs. Le parc belge est donc en bon état ! » Avec un réel impact positif sur la santé publique, l’environnement et la qualité de la pulvérisation, tant en termes de quantités de produits utilisées que de leur répartition sur les parcelles traitées.
Faire face à de nouveaux défis
Afin de poursuivre sur cette voie, le Sip devra continuer à s’adapter pour relever les défis qui se présentent à lui. « L’évolution de l’arrêté royal relatif au contrôle des pulvérisateurs (lire
Le matériel d’application des produits de protection des plantes ne cesse d’évoluer, ce qui constitue un défi supplémentaire, de même que les continuelles avancées technologiques (buses PWM, pulvérisation à l’aide de l’intelligence artificielle…) ou encore l’apparition de nouveaux matériels d’application, comme, potentiellement, les drones.
Pour toujours mieux répondre aux services qu’on attend de lui, le Sip se dotera prochainement d’une nouvelle camionnette de contrôle, embarquant de nouveaux équipements de mesure dont une bonne partie est construite au sein même du Cra-w.