Pac : Christophe Hansen face à un front uni de critiques
Le commissaire européen à l’Agriculture, Christophe Hansen, a présenté le 24 septembre dernier devant les eurodéputés, sa proposition de réforme de la Pac pour l’après-2027. Promis comme un exercice de simplification et de modernisation, le texte est dénoncé de toutes parts pour ses coupes budgétaires et son risque de renationalisation.

La scène, bien rodée, n’avait rien de surprenant : devant la commission de l’Agriculture du parlement européen (Comagri), un commissaire défend sa réforme, les députés multiplient les objections. Mais la semaine passée, les critiques adressées à Christophe Hansen ont pris une telle ampleur qu’elles ont tourné au désaveu collectif.
Un commissaire dans la tempête
Quelques jours plus tôt, les ministres de l’Agriculture des Vingts-Sept s’étaient montrés tout aussi réservés. Les mêmes inquiétudes se sont exprimées, presque mot pour mot : coupes budgétaires jugées drastiques, fusion des programmes dans un fonds unique et surtout risque de renationalisation d’une politique historiquement au cœur de l’intégration européenne.
Une réforme perçue comme une « dissolution »
De gauche à droite, les mots employés ont dessiné un front rare de convergence. « Une dissolution », a accusé le socialiste italien Dario Nardella. « Une désintégration », a renchéri, à la droite de la droite, l’Espagnole Mireia Borras Pabon. La démocrate-chrétienne espagnole Carmen Crespo-Diaz a résumé la perplexité générale : « Pourquoi changer à ce point un système qui fonctionnait ? »
Le commissaire a répliqué en mettant en cause une vision « romantique » de la Pac actuelle. « Est-ce qu’elle marche si bien que cela ? Lorsque je vais rencontrer les agriculteurs dans les États membres, ce n’est pas ce qu’ils me disent », a-t-il répondu, rappelant que la précédente réforme avait déjà introduit une forme de renationalisation avec les plans stratégiques nationaux.
Un budget plancher, mais en recul
Le cœur du débat reste budgétaire. Le commissaire luxembourgeois insiste sur un plancher de 300 milliards € garantis pour les agriculteurs européens entre 2028 et 2034, auxquels pourraient s’ajouter 453 milliards via des partenariats nationaux et régionaux, mobilisables selon les priorités des États membres.
Mais la comparaison avec le cadre actuel est sévère. Pour de nombreux parlementaires, il s’agit bien d’un recul historique : une baisse de 24 % pour les Pays-Bas, 22 % pour l’Espagne, plus de 10 % pour la France et le Portugal.
La charge de Benoît Cassart
La nouvelle proposition de la commission inquiète vivement Benoît Cassart. « La Pac, la seule politique vraiment commune et européenne, n’est manifestement plus une priorité de la commission. C’est une erreur politique majeure », déplore l’élu wallon.
S’il reconnaît certaines avancées, il les juge largement insuffisantes. M. Cassart salue la volonté de simplifier les procédures administratives et le maintien des aides couplées au revenu pour des productions fragiles, en particulier la viande bovine.
Il se félicite également de l’engagement de la commission à rendre obligatoire l’étiquetage d’origine de la viande, y compris dans les plats préparés, « afin de permettre aux consommateurs de choisir européen et de protéger nos producteurs ».
Mais, pour lui, le cœur du problème reste budgétaire. « Le plafonnement des aides ne me choque pas par principe, mais combiné à une réduction du budget de la Pac, bien sûr ça préoccupe. Pour la Belgique, on parle d’une enveloppe réduite de 23 % par rapport à la période précédente et, sans tenir compte de l’inflation, cela ressemble à des coupes radicales, plus qu’à du ciblage ! ».
Le fonds NRPP vivement décrié
L’élu pointe aussi le danger d’une Pac renationalisée par l’intégration des financements dans un fonds national et régional unique (National and Regional Partnership Programmes, ou NRPP), une orientation vivement contestée par le conseil comme par le parlement. Benoît Cassart partage l’avis du ministre belge de l’Agriculture, David Clarinval : « Il est crucial que la Pac reste distincte des autres fonds ».
Enfin, il dénonce des incohérences flagrantes entre les ambitions affichées et les choix concrets : « On décide d’investir une grande partie des fonds Pac dans le renouvellement générationnel, et bien sûr je suis d’accord car sans les jeunes pas de souveraineté alimentaire.
Mais comment attirer les jeunes vers l’agriculture si, en parallèle, on signe des accords de libre-échange sans clauses miroirs, comme le Mercosur, qui fragilisent nos producteurs avec une concurrence déloyale ? Où est la cohérence ? » conclut-il.
Des avancées saluées, mais jugées insuffisantes
De son côté, le commissaire met en avant une réserve de crise doublée (6,3 milliards €), un mécanisme d’indexation sur l’inflation et un triplement du budget de promotion des produits européens. La réforme prévoit aussi de fusionner les écorégimes et les mesures agro-environnementales, d’élargir les paiements forfaitaires et de réduire les contrôles pour les petites exploitations.
Mais, aux yeux de nombreux eurodéputés, ces ajustements techniques ne suffisent pas à compenser la perte de lisibilité et l’affaiblissement du cadre commun.
La crainte d’une Pac renationalisée
L’intégration de la Pac dans un fonds unique, les NRPP, cristallise les inquiétudes. Plusieurs élus redoutent de voir chaque gouvernement négocier sa propre politique agricole, avec des soutiens variables selon les priorités nationales.
Le démocrate-chrétien italien Herbert Dorfmann résume le malaise : « Le problème est qu’on ne sait pas avec quels amendements il serait possible d’améliorer cette proposition ».
Les jeunes, le bio et les accords commerciaux
La commission entend séduire les nouvelles générations en obligeant chaque État membre à définir une stratégie de renouvellement générationnel, mobilisant à la fois la Pac et d’autres fonds européens. Le bio, lui, bénéficierait d’un budget obligatoire, assorti d’une campagne de promotion destinée à stimuler la demande.
Mais ces annonces se heurtent au scepticisme. « Comment attirer les jeunes vers l’agriculture si, en parallèle, on signe des accords de libre-échange sans clauses miroirs, comme le Mercosur, qui fragilisent nos producteurs avec une concurrence déloyale ? », s’interroge Benoît Cassart.
Cette contradiction illustre un malaise plus large : l’UE dit vouloir défendre la souveraineté alimentaire tout en multipliant les concessions commerciales. L’ouverture accrue aux importations sud-américaines ou ukrainiennes nourrit la peur d’un abandon silencieux du modèle agricole européen.
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