Accueil Elevage

Investir dans de nouvelles technologies: comment être sûr de faire le bon choix?

Nous en parlons régulièrement dans ce journal : en élevage, et en agriculture en général, de nouvelles technologies fleurissent sans cesse sur le marché. Robots, intelligence artificielle, imagerie 3D… il y a parfois de quoi en perdre la tête ! Dès lors, face à ces outils souvent décrits comme « innovants », comment être sûr de faire le bon choix et d’en tirer un réel bénéfice ? Béatrice Eon de Chezelles, du Crédit agricole, et Yannick Péchuzal, de l’Institut de l’élevage français, ont apporté des pistes de réponse à l’occasion du Sommet de l’élevage.

Temps de lecture : 6 min

« Les nouvelles technologies en élevage » : pour la deuxième fois, cette conférence était présentée lors d’un salon. Après le Space, à Rennes, c’est donc au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand que cette thématique était proposée aux visiteurs. Un sujet plus que d’actualité puisque, comme l’a rappelé Béatrice Eon de Chezelles, le maintien de l’élevage passe par son attractivité. « De nombreux freins sont identifiés dans ce secteur. Et souvent, des approches innovantes peuvent aider à les lever. C’est notamment le cas pour la qualité de vie des agriculteurs. Il faut montrer que ce métier n’est pas uniquement fait d’astreintes, il comporte aussi de nombreux atouts ».

En effet, en France comme chez nous, les départs sont nombreux, avec des remplacements qui ne suffisent pas à combler les manques. Néanmoins, plusieurs outils peuvent servir de leviers. Par exemple, lorsqu’il n’y a pas de successeur pour une ferme, se pose la question de sa reprise par une autre exploitation. Cette reprise s’accompagne souvent de contraintes administratives. À terme, l’innovation, avec notamment l’intelligence artificielle, pourrait faciliter ces démarches. « Le sujet managérial et salarial est également au cœur de notre problématique. Être un bon manager passe par des conditions de travail intéressantes pour les futurs salariés. Ces solutions ont là un rôle à jouer. Il en est de même pour le bien-être animal et l’environnement ».

Plusieurs outils passés au crible

Afin d’analyser au mieux la pertinence de ces outils, 135 d’entre eux ont été étudiés dans le cadre d’une recherche.

L’objectif ? Savoir s’ils permettaient de diminuer les intrants, d’avoir un impact positif sur l’environnement, d’améliorer le bien-être animal et les performances.

Par ailleurs, chaque filière comporte ses spécificités. Par exemple, en bovin laitier, ces équipements ont réussi à se faire une véritable place dans les fermes, au profit du bien-être et de la qualité de vie des éleveurs, ainsi que de la diminution de la charge de travail. « Tous ceux qui en ont installé disent que ça a changé leur vie. On le voit avec la pailleuse automatique, le distributeur automatique de concentrés et, évidemment, le robot de traite ».

Calculer le temps économisé grâce à ces équipements

Dès lors, comment être certain de « bien » investir ? Tout d’abord, chaque éleveur souhaitant acquérir un nouvel équipement doit se poser la question de sa rentabilité économique. À l’Institut de l’élevage français, Yannick Péchuzal, économiste et spécialiste en élevage bovin laitier, a proposé de calculer le retour sur investissement. Un concept utilisé dans l’industrie et l’agroalimentaire, mais encore peu en élevage. En le mesurant, il est possible de savoir en combien de temps le capital investi est compensé par l’augmentation des résultats. Dans ce calcul, il faut aussi prendre en compte le temps que ces outils peuvent faire gagner à l’éleveur.

En effet, comme le dit l’adage : le temps, c’est de l’argent ! Et les heures précieuses gagnées grâce à ce type de matériel peuvent être réinjectées dans une autre tâche. « Par exemple, je suis allé visiter un élevage qui a automatisé la distribution du lait aux veaux. Le temps économisé a été redistribué à la fromagerie de la ferme ». Sans oublier celui qui peut servir à améliorer la qualité de vie, en s’accordant, pourquoi pas, quelques jours de congé et en sortant la tête du guidon. L’opportunité de prendre du recul et de réfléchir à l’avenir de son exploitation.

« De plus, les gains de retour sur investissement peuvent s’additionner sur l’exploitation ». Prenons le cas d’une ferme laitière. Cette dernière compte 130 vaches, avec une production de 9.000 litres par animal. Les agriculteurs ont décidé d’acquérir un robot de traite et un robot d’alimentation. Grâce à eux, c’est environ 970 heures de travail économisées par an, soit 50 à 60 % d’un temps plein salarié. « Puis, pour l’éleveur, il s’agit d’une astreinte très structurante en moins », souligne l’économiste. Une automatisation des tâches plus que bienvenue.

Anticiper en innovant sans une rentabilité à la clé

Le retour sur investissement peut également passer par une économie d’intrants, comme c’est le cas avec le distributeur automatique de concentrés qui permet la mise en place d’une alimentation de précision. Le tout sans oublier, évidemment, le gain au niveau de la performance de la ferme. « Il existe également des investissements peu onéreux avec des retours sur investissement très rapides et un impact important. À ce propos, on pourrait citer les détecteurs de chaleurs et de mises bas ».

Enfin, certaines technologies ne permettent pas de réaliser de réelles économies… Néanmoins, leur intérêt est réel. À ce propos, l’économiste cite les nouvelles maternités modulables pour les truies. D’abord conventionnelles, elles peuvent ensuite se transformer pour donner plus de liberté à la femelle. En Belgique, nous vous présentions d’ailleurs, dans l’édition du 9 octobre, Johan De Wilde, à Jodoigne, dont le choix s’était porté sur ce matériel pour son nouveau bâtiment.

Évidemment, mettre en place ces cages engendre un coût, tandis qu’il n’y a pas vraiment de profit financier direct à en tirer. Cependant, les éleveurs porcins en sont majoritairement convaincus. Avec elles, ils anticipent l’arrivée de nouvelles normes et font un pas de plus vers davantage de bien-être animal.

Des clôtures virtuelles aux robots pour poulets…

En France, 20 % des éleveurs de bovins laitiers interrogés lors d’une enquête envisagent de s’équiper d’un robot d’alimentation. Et pas de jaloux… des robots, il y en a un peu partout !

« E-Doggy Agri », c’est le nom du chien d’un nouveau genre conçu pour l’élevage avicole. Primé lors du salon Space, ce robot quadrupède aide les agriculteurs à faire rentrer les poulets à la tombée de la nuit dans les élevages en plein air. Doté d’intelligence artificielle, il détecte les volailles autour des cabanes, se déplace aisément entre les arbres et les obstacles, et déclenche automatiquement la fermeture des trappes des bâtiments en fonction de la luminosité et de l’heure du coucher du soleil.

Il y a également les drones capables d’aider à surveiller les bovins, sans obliger le propriétaire à se rendre dans les prairies. Des prés bientôt sans fil ? Cela se pourrait avec la clôture virtuelle. « C’est typiquement le genre d’innovation sur laquelle nous portons notre attention et que nous promouvons au Crédit agricole », souligne Béatrice Eon de Chezelles. Pour ce dispositif, l’animal porte un collier équipé d’un capteur GPS. S’il sort de la limite, il reçoit un léger choc électrique. Cette technologie a d’ores et déjà fait ses preuves. Attention cependant puisqu’elle n’est pas adaptée aux zones où la prédation est présente. Un loup, par exemple, ne sera pas arrêté par ce type d’équipement.

Quant à l’intelligence artificielle, elle peut assister l’agriculteur par exemple en surveillant la pousse de l’herbe ou en lui proposant des conseils agronomiques personnalisés. Néanmoins, l’IA a ses limites… Pour être performante, elle doit être nourrie par de nombreuses données, ce qui demande aussi du temps. Ainsi, pour elle comme pour tout autre investissement, mieux vaut bien réfléchir avant de se lancer dans une technologie parfois séduisante sur le papier, mais peut-être peu ou pas encore adaptée au terrain.

Le robot-chien qui aide l’éleveur à rentrer les poules, une technologie saluée lors du salon Space.
Le robot-chien qui aide l’éleveur à rentrer les poules, une technologie saluée lors du salon Space.

A lire aussi en Elevage

Un centre de tri et d’exportation qui fait voyager 50.000 bovins par an

Bovins Sicarev est une coopérative qui compte plus de 8.000 éleveurs bovins et ovins. Créée en 1962, son objectif est de maîtriser l’ensemble de la filière, depuis l’élevage jusqu’à la transformation des produits et leur commercialisation. Dans ce cadre, elle détient un centre de tri et d’exportation qui brasse environ 50.000 bêtes chaque année.
Voir plus d'articles