Agriclimate: vers une agriculture plus résiliente face au changement climatique
De quelle manière accompagner les agriculteurs face au changement climatique ? Et comment transiter vers plus de résilience sans pour autant perdre en rentabilité ? C’est à ces questions que répond Agriclimate. D’une durée de quatre ans, ce projet européen permettra à la Wallonie, à la Flandre et aux régions Grand Est et Hauts-de-France d’avancer vers cet objectif commun, en partageant leurs connaissances.

L’agriculture est aujourd’hui souvent pointée du doigt pour son impact sur le réchauffement de la planète. Pourtant, plusieurs projets sont mis en place pour aider le secteur à s’intégrer dans une démarche de protection de notre climat. C’est le cas d’Agriclimate, soutenu par Interreg pour un budget de près de 6 millions d’euros.
Afin d’accompagner les agriculteurs belges mais aussi français vers plus de résilience, treize partenaires avanceront à leurs côtés. C’est le cas du Cra-w, de la Fwa et de Fwagestion, du Carah et du CIPF en Wallonie.
Agriclimate débutera par un état des lieux des pratiques agricoles dans chaque région. Afin d’objectiver les impacts du changement climatique, les informations du passé, comme le bilan hydrique, ainsi que les projections pour les années à venir seront passées au peigne fin.
Par ailleurs, durant ces quatre années de recherche, chercheurs, conseillers et agriculteurs travailleront main dans la main à travers différentes étapes. Une collaboration transfrontalière qui a d’ores et déjà pris forme. Ainsi, 35 exploitations pilotes, réparties en trois groupes (grandes cultures, élevages bovins lait et viande) ont accepté de prendre part à cette recherche. Dans ces fermes, des audits seront réalisés en début et en fin de projet. Objectif ? Étudier l’impact des émissions, leur capacité de résilience et leurs résultats technico-économiques. Ces données serviront à établir des plans d’action dont les résultats seront scrutés au terme du projet. Ce sera aussi l’opportunité de tester sur le terrain des solutions innovantes. Ces groupes se réuniront deux fois par an afin de favoriser les discussions et les échanges de connaissances.
Les agriculteurs auront également un rôle primordial à jouer dans la diffusion des résultats du projet. Pour ce faire, il est prévu de travailler avec 64 d’entre eux qui communiqueront vers leurs confrères au sein des trois régions concernées.

Évaluer les impacts sur le revenu
Enfin, si un accompagnement vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre sera proposé, encore faut-il que cette transition ne pénalise pas le revenu des exploitations. C’est pourquoi les coûts de ce changement et les dispositifs de financement adaptés aux besoins de chaque ferme seront examinés. « Nous allons créer un outil d’aide à la décision dédié à l’agriculteur et à son conseiller. Il permettra d’évaluer combien coûte un levier lorsqu’il est mis en place, les risques économiques liés à une nouvelle pratique, et l’impact social, en termes notamment de formation, de supplément de temps de travail et de pénibilité. Nous souhaitons une plateforme très simple à utiliser », explique Lucie Darms de la Fwa. Celle-ci sera testée au sein des 35 exploitations partenaires et avec un réseau d’acteurs transfrontaliers, comme des instances publiques et européennes ou encore des acteurs économiques.
Le bilan carbone, à la base de la transition
Toutefois, pour ces fermes, avant de se lancer dans ces nouvelles actions, il faut d’abord savoir où elles se situent. Concrètement, avec Agriclimate, des bilans carbone seront réalisés au début et à la fin du projet. Ces derniers permettront de comprendre concrètement d’où proviennent les émissions.
« Dans le cas de l’agriculture, les principaux gaz concernés sont le CO2, le méthane et le protoxyde d’azote. On s’intéresse aux émissions directes de la ferme. Par exemple, le méthane issu de la fermentation entérique des ruminants, les émissions dues à l’épandage et au stockage des effluents, aux cultures, à la consommation de carburant… », rappelle Aurélie Noriega du Cra-w.
Néanmoins, il est essentiel d’y ajouter les émissions indirectes, comme celles liées à la fabrication des intrants (engrais, aliments, carburant…) et à l’extraction des matières premières en découlant, comme la déforestation liée au tourteau de soja. Sans compter, bien entendu, le transport entre toutes ces étapes. Une approche globale permettant donc de connaître l’empreinte carbone des produits agricoles. « Outre l’objectivation de son impact, cette analyse permet à l’agriculteur de communiquer sur ses performances environnementales, mais aussi de bénéficier d’une reconnaissance de son travail et d’obtenir un prix plus juste », ajoute-t-elle.
L’opportunité, en outre, de se comparer à d’autres exploitations similaires, d’identifier les postes les plus émetteurs pour, au final, déterminer des leviers d’action réalistes et cohérents avec la vision de la ferme.
De plus, afin de réaliser ce bilan carbone, les meilleurs outils seront passés au crible. Et le moins que l’on puisse dire est que nombre d’entre eux ont vu le jour : environ 300 à travers le monde, dont 18 sur la zone. Évidemment, selon que l’on s’oriente vers tel ou tel modèle, les résultats peuvent varier. Le projet va comparer dans le but d’harmoniser les trois principaux : Klimrek, Cap’2ER et Decide. « Se comparer entre exploitations avec un outil est pertinent, mais ce n’est pas le cas si l’on en utilise plusieurs », souligne Aurélie Noriega.
Favoriser le travail du sol simplifié
De plus, cette recherche permettra de mettre en lumière et de proposer plusieurs bonnes pratiques. C’est notamment le cas du travail du sol simplifié.
« C’est très intéressant en termes de stockage et de réduction des émissions », souligne Gilles Manssen du CIPF. Il ajoute : « Le labour implique systématiquement un retournement du sol et une incorporation des végétaux en profondeur, tandis que le travail du sol simplifié ne retourne pas le sol et concentre la matière organique en surface ».
Cela regroupe plusieurs techniques : le pseudo-labour, le décompactage, le travail en bandes, le travail superficiel et enfin le semis direct. Au niveau des avantages de celles-ci, citons une amélioration de la structure du sol, une évolution de sa vie avec les populations de vers de terre et d’auxiliaires, sans oublier le stockage du carbone. Elles peuvent également avoir des impacts positifs sur la réduction du ruissellement et de l’érosion. Le tout conjugué à une moindre consommation de carburant et d’usure du matériel.
Toutefois, elles comportent des inconvénients comme des graines d’adventices restant davantage en surface et des résidus végétaux favorables au développement de certains ravageurs. C’est, par exemple, le cas de la chrysomèle du maïs, qui peut être favorisée dans un système sans labour.
« Ces pratiques ne sont pas systématiquement généralisables à tous les sols, les parcelles et les cultures. Selon moi, il ne faut pas exclure l’usage exceptionnel d’une charrue, comme en cas de cultures de type racines en mauvaises conditions et ayant induit un tassement profond. Il s’agit d’une approche exigeante et technique ».
Du côté des bovins laitiers avec le stress thermique
De manière concrète toujours, cette recherche étudiera l’impact du changement climatique en élevage laitier. Cela comprend la réduction du stress thermique chez les bovins, via la gestion de l’alimentation et le suivi des conditions d’ambiance en stabulation. « En France, le stress thermique est déjà bien connu. Ce projet permettra de mutualiser les connaissances », note à ce propos Eddy Decaesteker d’Inagro. Comme les autres experts, ce dernier était présent lors du lancement du projet ce 7 novembre à Leuze-en-Hainaut. Un premier rendez-vous suivi d’autres événements transfrontaliers afin de pouvoir suivre l’évolution d’Agriclimate.





