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En Bretagne : entre croisement et âge d’abattage idéal, trouver la recette d’une viande de qualité pour les veaux laitiers

Produire une bonne viande rouge avec des bovins laitiers : c’est possible ! Pour le prouver, le Cirbeef, en Bretagne, scrute ces animaux dans les moindres détails pour réussir à obtenir un produit qui correspond aux attentes culinaires de nos voisins français. Et l’enjeu est de taille lorsqu’on sait que 55 % de la viande consommée dans leur restauration provient d’autres pays.

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À une heure de route de Rennes se trouve une ferme plutôt atypique. Après avoir traversé les campagnes bretonnes, Marc-Antoine Brasseur, chargé du suivi des essais zootechniques, a accepté de dévoiler à quelques visiteurs du salon Space les coulisses du Cirbeef. Il s’agit d’un centre d’innovation et de recherche situé à Mauron, précisément. C’est ici que l’Idele (l’Institut de l’élevage français) réalise des essais sur la production de viande à partir de veaux de race laitière. Castrés ou non, mâles ou femelles, en race pure ou croisés… l’ensemble de ces jeunes bovins est passé au peigne fin afin d’analyser leur rendement, et ce uniquement pour la viande rouge, avec des bêtes abattues après l’âge d’un an.

Cette infrastructure hors du commun a vu le jour pour deux raisons. D’une part, il existe un potentiel de veaux laitiers français à valoriser. En effet, depuis 2014, le nombre d’exportations pour ces bêtes a été multiplié par 2,5 pour atteindre 370.000 têtes en 2023. Quant à l’exportation en vif de nourrissons, elle a quadruplé entre 2008 et 2019, au détriment de la production de jeunes bovins et de bœufs. Le principal pays où sont envoyés ces animaux ? L’Espagne, devant l’Italie, les Pays-Bas ou encore la Belgique.

D’autre part, ce produit hexagonal a une place à prendre dans le secteur de la restauration hors domicile. Ainsi, si l’Hexagone importe environ 22 % de sa consommation, on passe à 55 % pour la viande consommée à l’extérieur de la maison.

Dès lors, l’objectif était de valoriser les veaux issus des troupeaux laitiers en vue d’atteindre une production qui corresponde aux importations. À savoir, des petites carcasses de vaches laitières. Et il fallait qu’elles puissent avoir un goût à la hauteur des attentes françaises : une viande rouge foncée et bien grasse. « Les femelles vont plutôt produire une viande qui correspond à ces normes, tandis que celle des mâles, des jeunes bovins, sera plus claire et moins grasse que les bœufs. Enfin, les animaux vieux auront également de la viande plus grasse et rouge que les jeunes », rappelle le spécialiste.

Marc-Antoine Brasseur est chargé du suivi des essais zootechniques dans ce centre d’innovation et de recherche.
Marc-Antoine Brasseur est chargé du suivi des essais zootechniques dans ce centre d’innovation et de recherche. - D.T.

60 veaux de 60 origines différentes

Lorsque les jeunes bêtes arrivent sur site, la première étape est la nurserie, avec la phase lactée. Au départ, les animaux y ont un poids moyen de 55 kg « mais selon le croisement et le sexe, cela peut, bien entendu, varier ». Directement, ils prennent deux buvées de réhydratant : le soir et le lendemain. Ils sont vaccinés contre les maladies respiratoires, reçoivent du fer et des vitamines. « Nous les achetons à des marchands de bovins qui se fournissent principalement dans des centres d’allaitement. Nous avons 60 veaux provenant de 60 élevages différents. Les 15 premiers jours, beaucoup souffrent de diarrhée. De la prévention est réalisée en distribuant de l’argile dans le lait et dans les seaux. Globalement, le taux de mortalité peut varier de 0 à 10-12 %, soit équivalent à celui des veaux de boucherie », explique Marc-Antoine Brasseur.

Le plan lacté dure 56 jours, bref 8 semaines, avec deux buvées par jour la première semaine (2 fois 2 l), passant à une buvée pour les 7 semaines suivantes (3 l). « C’est également pour la simplification du travail. En outre, il s’agit d’un plan étudié et recommandé en élevage laitier ». Durant cette phase, les veaux ont accès à un mélange réalisé au sein de la ferme, et composé à 70 % de blé et 30 % de colza, sans compter le foin et la paille également distribués.

À 49 jours, ils peuvent avoir de l’ensilage de maïs à volonté. Au sevrage, ils passent à 2,4 kg de concentrés et du fourrage. « Entre l’arrivée et 101 jours de présence, ils consomment environ 260 kg de matière sèche. En termes de coût de la ration, le concentré est moins important que la poudre de lait ». C’est lorsqu’ils ont atteint 150 kg qu’ils peuvent quitter la nurserie.

Objectif ? Obtenir des carcasses de 300 kg

Au Cirbeef, l’objectif est d’inclure dans la ration un maximum d’herbe, fraîche ou conservée. Pour ce faire, une des phases de conduite consiste en une arrivée des veaux en automne. Durant le printemps et l’été, les bovins sont en pâture, pour être finis à l’auge, en bâtiment, à l’automne et l’hiver.

Après cette finition, les animaux sont abattus à 19 ou 24 mois. « L’enjeu est de mesurer selon les croisements, le type d’animaux, etc., à quel âge il faut abattre pour obtenir un produit en adéquation avec les attentes du marché, et savoir si l’efficience alimentaire diminue ou non durant cette différence temporelle, sachant que l’hypothèse est qu’elle baisse après 24 mois ».

Ainsi, en Holstein pure, en 4 mois, 100 kg supplémentaires de carcasse ont été obtenus. Autre résultat : les génisses, abattues 1,2 mois plus tard que les bœufs, ont été moins performantes.

« Nous avons également constaté qu’à âge égal, un bovin laitier aura une viande plus rouge, foncée et grasse qu’une race à viande. À l’exception de l’Angus, qui est plus précoce ».

De plus, il est important de signaler que dans ce centre, l’objectif est d’obtenir des carcasses de 300 kg, soit plus petites que la moyenne française, qui se situe entre 350 et 400 kg.

Les croisées plus performantes que les pures

Dans le bâtiment où se déroule l’engraissement, il y a deux côtés. L’un avec des bovins de 18 mois, purs Holstein. L’autre avec des bêtes d’environ 1 an, d’autres races. Pour les premiers, le but était de mettre à jour les dernières données sur la production de viande Holstein datant d’une vingtaine d’années. Des chiffres qui pourraient avoir changé suite notamment aux évolutions génétiques de la race. Pourtant, c’est presque statu quo… Les mêmes poids carcasses ont été obtenus dans un temps similaire de production par rapport à l’époque.

Si l’infrastructure travaille en race pure, avec les Holstein, mais aussi les Charolais et Montbéliard, on y trouve également des croisés : Holstein-Angus, Blanc Bleu Belge, Parthenaise, tandis que le point de référence reste la Holstein-Limousin. Finalement, en termes de performances, il se trouve que les races pures sont un peu moins fortes.

Néanmoins, surprise : globalement, la qualité de la viande a été la même pour tous les types génétiques. Peu importe la race, le jury de goûteurs n’y a vu que du feu et a pu savourer cette viande goûteuse, qui plus est, 100 % nationale.

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