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Go veaux: quand les éleveurs et chercheurs s’unissent pour valoriser les veaux laitiers

En Wallonie, la valorisation des veaux demeure un véritable enjeu en élevage laitier. Souvent vendus à de faibles prix, ces animaux sont exportés à plus de 90 % vers des centres d’engraissement hors de notre territoire. Pour répondre à cette problématique, différents projets ont vu le jour. C’est notamment le cas de Go Veaux, soit un groupe constitué de chercheurs du Centre wallon de recherches agronomiques et d’éleveurs. Une recherche sur le terrain, donc, avec des agriculteurs, comme Harry Raven, qui a fait du veau sous la mère l’une de ses spécialités.

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Réunir les chercheurs et les éleveurs autour d’un projet commun : c’est l’objectif de Go Veaux, une recherche visant à mieux valoriser les veaux laitiers. Lancée en avril, elle se poursuivra jusqu’à fin 2028. Et pour celle-ci, on quitte les centres de recherche… En effet, le but est de mener des actions qui répondent directement aux problématiques rencontrées sur le terrain par ces professionnels, tout en tenant compte des spécificités de leur ferme respective.

Composée d’une quinzaine d’agriculteurs, cette équipe aura l’opportunité de collaborer avec des scientifiques afin de co-construire différentes thématiques, mais également de mener des essais directement au sein de leurs exploitations.

Toujours dans cette optique, est aussi né SpoT. Dans le cadre de ce projet européen, des essais expérimentaux seront menés sur des veaux croisés Holstein et Blanc Bleu Belge à la station de Libramont. Par ailleurs, d’autres pays se sont joints à cette recherche, comme la France ou encore l’Irlande. « Sur cette île, certains éleveurs sont déjà pionniers en la matière. Plusieurs se sont d’ailleurs spécialisés dans l’engraissement de ces veaux croisés en privilégiant un maximum l’herbe. Lors de nos recherches, nous partagerons aussi ces bonnes pratiques au niveau national et international », indique Caroline Battheu-Noirfalise, chercheuse au Cra-w.

Le glissement d’un troupeau allaitant à laitier

Parmi ce groupe d’éleveurs, nous retrouvons Harry Raven, installé dans le village d’Exbomont sur la commune de Stoumont. Parti de rien, cet ancien électromécanicien s’est lancé dans l’agriculture en activité complémentaire en 2009. Quatre ans plus tard, il construit son étable et démarre les colis de viande, d’abord à petite échelle et ensuite en plus grands volumes. « J’élevais des Limousines, car cette race correspondait à mon système d’agriculture biologique. J’avais sélectionné une souche bien adaptée à l’alimentation à l’herbe et facile d’entretien », se souvient-il.

En 2017, il se lance dans les veaux sous la mère afin de finir des animaux gras. « Je trouvais que les broutards, élevés classiquement en pâture, n’étaient pas assez valorisés au niveau de leur prix. Quant aux taurillons, ils coûtent cher à l’engraissement. Il faut de la place dans l’étable, des concentrés bio, tout cela pour obtenir, finalement, un produit qui ne se démarque pas spécialement ».

Avec cette technique à part, donc, des tantes nourrices sont ajoutées en complément de la mère. De cette façon, les jeunes peuvent boire davantage de lait. En général, une laitière supplémentaire est mise en plus de la mère pour quatre veaux, voire même deux lorsque cela est nécessaire. Résultat ? Une viande tendre et savoureuse. Cette spécialité lui permet de se faire un nom et de collaborer avec quatre boucheries. Et pour remplir cette fonction nourricière, il se tourne vers d’autres bovins, les Simmental. Des vaches adaptées à cette tâche, lors de laquelle elles sont fortement sollicitées par les jeunes bovins. Avec elles, il propose du veau croisé. « Néanmoins, il y avait une difficulté : pour les clients, la couleur du veau doit être blanche. Du coup, quand les bouchers ont proposé ma viande rosée, voire presque rouge, cela posait un problème. En fonction du croisement, comme Limousin et Simmental, et du sexe la couleur change. Plusieurs fois, je n’ai plus pu vendre ma production avec un gras plus important, alors que la qualité gustative y était… », déplore-t-il.

Si les affaires tournaient bien durant cette période, la guerre en Ukraine redistribue les cartes de l’exploitation. Beaucoup de clients tournent le dos à la viande de qualité pour d’autres produits afin de ne pas mettre trop la main au portefeuille. Parallèlement, Harry Raven débute également une transition du troupeau allaitant vers le laitier, ne garde que quelques Limousine et débute la traite en 2023. Pour compléter son cheptel, il y ajoute des Jersiaise.

Pas encore de méthode « idéale »

L’éleveur, qui compte alors une quarantaine de vêlages par an, une trentaine de vaches en production avec dix tantes nourricières, continue à valoriser au mieux les veaux de sa ferme. De plus, il se forme au métier de boucher, ambitionne de continuer à vendre sa viande aux restaurateurs de la région et d’ouvrir un magasin à la ferme avec un atelier de découpe.

Néanmoins, celui qui privilégie une alimentation à l’herbe pour ses animaux, avec un pâturage tournant, cherche encore la conduite d’élevage idéale. D’où son intérêt pour le projet Go Veaux.

« Ce projet m’intéressait. Cela permet un partage de connaissances avec les autres éleveurs, car la bonne méthode pour finir ses veaux, on la cherche toujours… Dans notre groupe, nous sommes des passionnés. Nous ne voulons pas tout le temps sortir notre calculette. Néanmoins, il faut que ce soit rentable. Mais cette rentabilité est compliquée à évaluer. Afin de l’objectiver, il faut peser les veaux, savoir combien ils tètent, et du coup ce qu’on ne trait pas… ».

Dans son exploitation, ce dernier a testé différentes manières de travailler. Tout d’abord, séparer les veaux du troupeau laitier et les mettre uniquement avec des nourrices non traites, tandis que la mère continue, elle, à passer en salle de traite. Si, dans les faits, cela peut sembler simple, ce n’est pas toujours le cas. Certains jeunes, plus dominants que d’autres, vont davantage en profiter. « J’ai déjà abattu des veaux à 4, 5 mois, alors qu’en moyenne c’est 7 mois. Il y a une grosse différence dans les croissances. Il faut travailler avec des plus petits lots et repenser l’étable. Par contre, cela permet d’étaler les colis dans le temps, ce qui peut être intéressant en vente directe ».

En outre, laisser les nourrices pâturer de manière autonome, sans intervention de l’éleveur, peut mener à de mauvaises surprises. Des étés plus secs, avec moins d’herbe, plus de mouches… peuvent entraîner des retards de croissance, avec des bêtes qui « trinquent » davantage. « Je les appelle les veaux qui sont passés, je n’arriverais pas à les tuer en tant que tels… ».

Objectiver la rentabilité de la ferme

Une autre manière de fonctionner : laisser les veaux avec leur propre mère dans le troupeau laitier, avec les vaches qui sont traites, donc. La meilleure solution, d’après lui... Avec cette méthode, contrairement à la précédente, les vaches continuent à passer en salle de traite. Cela permet de conserver une surveillance quotidienne. Notons aussi que lors de la traite, les jeunes se déplacent dans leur logette, et les vaches sont tranquilles, sans une once de dérangement.

« Puis, je suis certain que je finirai une viande de qualité exceptionnelle, à un âge précoce. Quant à la lactation, elle n’est pas gâchée, car le premier mois, la vache a plus de lait que ce que le veau consomme, et généralement j’arrive encore à traire deux mois après l’abattage du jeune ». Seulement voilà : comment savoir si l’éleveur en sort vraiment gagnant ? Placé dans le troupeau, le jeune bovin va, bien entendu, aller se servir auprès des autres femelles... Dès lors, une perte pourrait être constatée au niveau de la production. Mais de combien ? C’est la grande inconnue… « Je travaille en monotraite. Avec une traite par jour, on sait que l’on perd 30 % du lait. Cependant, on diminue les coûts de l’énergie, du matériel… pour gagner en temps et en confort de vie. Puis, ces 30 %, on peut penser qu’ils vont profiter à la bonne croissance du veau », explique ce papa.

De son côté, la chercheuse acquiesce, avant de compléter : « Peu d’éleveurs font du veau sous la mère en Wallonie, et la grande inconnue reste combien le jeune boit. On remarque que, si classiquement on donne en élevage classique 3 litres le matin et 3 le soir, en réalité ils boivent beaucoup plus lorsqu’ils ne sont pas restreints ».

Alors, comment tirer au mieux son épingle du jeu ? Quelle méthode privilégier si l’on veut être rentable sur sa ferme ? Résultats dans trois ans…

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