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Sous-location et cession de bail : le bailleur peut-il s’y opposer?

Pour répondre à cette question, il convient de distinguer les deux types de cession et d’agir avec prudence puisque la loi ne prévoit pas expressément le désaccord du bailleur.

Temps de lecture : 5 min

Poursuivons ce tour d’horizon par l’examen des contestations et oppositions possibles en matière de cession de bail. On a vu, à l’occasion de la précédente parution, les ressemblances et similitudes des cessions de bail ordinaires et des cessions de bail privilégiées. La question des contestations et oppositions n’a toutefois pas été abordée. Mais les quelques lignes de la précédente parution constituent une base d’information utile aux développements relatifs aux contestations et oppositions.

« Pareille action n’est pas organisée par la loi »

On a vu, en effet, qu’il existait des critères de régularités à proprement parler des cessions : le délai de notification, le contenu des notifications, les conditions d’aptitudes, etc. etc. Si ces critères ou conditions ne sont pas remplis, ou pas respectés, le bailleur, à qui la lettre de cession est notifiée, a la qualité et l’intérêt pour s’y opposer chez le juge de paix.

En tant que tel, pareille action n’est pas organisée par la loi, en ce sens que la loi ne précise pas expressément que, dans ce cas, le bailleur peut ne pas être d’accord bien que ça aille de soi.

Si la loi n’organise pas le recours, elle ne prévoit donc aucun délai non plus. Mais il est prudent d’utiliser, a minima, un délai de réaction raisonnable et utile, pour ne pas dire qu’il est prudent de se conformer au délai d’opposition organisé par la loi en matière d’opposition à cession privilégiée (voire développements ci-après) : le délai est de 3 mois.

Ainsi, dans l’hypothèse d’une contestation sur la régularité de la cession, il sera prudent de faire part au juge de paix de ses reproches, et ce dans un délai de 3 mois à dater de la notification.

Exemples : le cessionnaire ne dispose pas des conditions d’aptitude, la cession n’a pas été notifiée dans le délai légal de 3 mois à dater de l’entrée en jouissance, la notification de cession privilégiée ne contient pas les mentions d’identité et d’adresse utiles, etc. etc.

Un recours organisé mais seulement pour la cession privilégiée

À côté de tels recours non organisés, il existe, à l’inverse, un recours organisé, exclusivement en matière de cession privilégiée.

La loi prévoit en effet, en son article 36, que « le bailleur auquel une cession a été notifiée dans le délai prévu à l’article 35, peut faire opposition au renouvellement du bail en citant l’ancien et le nouveau preneur devant le juge de paix, dans les trois mois de la notification de la cession, à peine de déchéance, en vue d’entendre valider son opposition. Le juge apprécie si les motifs de l’opposition sont sérieux et fondés et notamment s’il appert des circonstances de la cause que le bailleur mettra à exécution les intentions énoncées comme motifs de l’opposition. Si l’opposition est admise, la cession est nulle et non avenue ».

Concrètement, cela signifie que, dans un délai de 3 mois à dater de la notification de la lettre de cession, le bailleur peut former une opposition contre le cédant et le cessionnaire devant le juge de paix compétent.

On rappellera utilement, à ce stade-ci, que toute action en matière de bail à ferme est soumise à un préalable de conciliation : c’est la démarche tendant à obtenir une audience des conciliations qui doit être opérée dans le délai de 3 mois, sachant que, la citation à comparaître doit en règle être délivrée dans un délai d’un mois à dater du PV de non-conciliation (à défaut de conciliation, évidemment ; au sujet des délais, voyez l’article 1345 du Code Judiciaire et soyez extrêmement prudent).

Quand l’opposition triomphe

Quant aux effets du succès d’une opposition à cession privilégiée, la loi précise, de façon curieuse nous semble-t-il, que la cession est nulle et non avenue, ce qui signifie, à peu de chose près, qu’elle doit être considérée comme n’ayant jamais existé.

Mais, si elle doit être considérée comme n’ayant jamais existé, cela supposerait que le bail retourne dans les mains du cédant qui, souvent, n’est plus cultivateur puisqu’il a cédé son activité agricole (et, ainsi, le bail).

À aller plus loin dans le raisonnement, il s’en suivrait la possibilité pour le bailleur de solliciter la rupture du bail aux torts et griefs du preneur qui serait titulaire d’un bail sans plus être cultivateur. Cette sanction est ainsi curieuse puisque difficile à cerner quant à ses tenants et aboutissants.

Dans ce contexte, une certaine jurisprudence s’est développée, depuis le 1er  janvier 2020, pour considérer que, lorsque l’opposition à la cession privilégiée triomphe, la sanction ne doit pas être qu’elle soit nulle et non avenue mais qu’elle se transforme en cession ordinaire, le cessionnaire continuant ainsi le bail du cédant là où il se trouvait au moment de la cession, sans plus aucun renouvellement.

En effet, avant la réforme législative de 2020, la sanction est cette continuité, et il n’avait jamais été question de nullité. Cette sanction semble plus cohérente, en ce compris avec le texte de l’article 36 lui-même, rédigé, pour rappel, de la façon suivante : « Le bailleur auquel une cession a été notifiée dans le délai prévu à l’article 35, peut faire opposition au renouvellement du bail… ». L’attention est attirée sur le fait qu’il s’agit d’une opposition au renouvellement du bail, et non à la cession elle-même.

Nous verrons, au cours de la prochaine et dernière parution en la matière, les motifs admis par l’article 36 de la loi et, sur un autre plan, la possibilité de geler la cession privilégiée en cas de velléité de vente du bailleur.

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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