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NGT : accord sans la traçabilité mais avec des brevets

Très attendu, ou craint selon les points de vue, un accord interinstitutionnel a été trouvé sur la libéralisation de la réglementation encadrant les nouvelles techniques de sélection génomiques.

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Le compromis reprend les grandes lignes de la position des États membres écartant la plupart des demandes portées par le Parlement européen : étiquetage tout au long de la chaîne alimentaire et interdiction des brevets. Les eurodéputés impliqués dans les pourparlers ont seulement réussi à imposer des critères de définition plus stricts. Le vote du Parlement, prévu autour du mois de mars, promet d’être serré, les groupes politiques étant très divisés sur le dossier.

Deux ans et demi après la proposition de la Commission européenne, Parlement et Conseil sont parvenus à un accord sur les nouvelles techniques génomiques (NGT). Le compromis reprend presque intégralement la position des États membres : les exigences du Parlement, traçabilité renforcée, limites sur les brevets ont été largement écartées, confirmant son faible poids dans les dernières phases des négociations.

Catégorie 1 : pas d’étiquetage pour les produits, brevets autorisés

Les plantes NGT de catégorie 1, considérées comme équivalentes à des variétés issues de la sélection conventionnelle, ne seront étiquetées qu’au stade des semences et échapperont à tout suivi post-autorisation. Elles pourront en outre être brevetées, un point hautement sensible qui a finalement tourné à l’avantage des États.

Pour être classée en catégorie 1, une plante devra respecter des critères stricts : modifications limitées à 20 nucléotides, absence de protéines nouvelles et impossibilité d’interrompre un gène endogène. S’ajoute une « liste négative » excluant automatiquement les variétés résistantes aux herbicides ou produisant une substance insecticide. La descendance des plantes contrôlées n’aura plus à être vérifiée.

Catégorie 2 : régime OGM complet

Les plantes ne répondant pas à ces critères seront classées en catégorie 2 et soumises aux obligations applicables aux OGM : autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance, et possibilité pour les États de refuser leur culture sur leur territoire. Un étiquetage volontaire pourra signaler la finalité de la modification génétique.

Comme demandé par le secteur, les NGT resteront interdites en agriculture bio. Toutefois, l’absence de traçabilité des NGT-1 dans les produits finaux laisse craindre des contaminations au champ, sans solution réglementaire pour les éviter. La Commission devra réexaminer d’ici deux à trois ans l’adéquation du règlement bio, notamment pour les transformateurs autorisés à utiliser ponctuellement des ingrédients conventionnels.

Malgré l’opposition initiale du Parlement, les variétés de catégorie 1 pourront être brevetées. Les obtenteurs seront tenus de divulguer les brevets associés, et un code de bonne conduite encadrera les accords de licence. Une étude de la Commission, un an après l’entrée en vigueur du texte, évaluera les effets de cette protection sur la concentration du secteur, l’accès aux semences et l’innovation. Des mesures correctives pourraient suivre si des dérives apparaissent.

Un vote final incertain au parlement

Le vote de mars s’annonce serré : groupes divisés, critiques virulentes des sociaux-démocrates et des Verts, qui dénoncent un mandat trahi, un manque de transparence pour les consommateurs et un risque accru de dépendance vis-à-vis des grands semenciers. Les négociateurs du PPE, eux, assument un choix de libéralisation encadrée.

Le Copa-Cogeca et les semenciers (Euroseeds) saluent un accord « historique », tout en appelant à juguler les futures charges administratives et les risques de distorsion de concurrence. Farm Europe redoute un déploiement trop tardif pour que les agriculteurs européens restent compétitifs. À l’opposé, les organisations du bio et plusieurs ONG appellent les eurodéputés à rejeter le texte, estimant que la santé, l’environnement et la liberté de choix des consommateurs sont insuffisamment protégés.

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