Les motifs d’opposition à la cession privilégiée : quels sont-ils?
S’opposer à une cession privilégiée n’est possible que dans certaines conditions limitativement prévues par la loi. La législation prévoit à cet égard six motifs précis.

Alors que la précédente parution était consacrée à détailler les facultés de contestation et d’opposition à une cession privilégiée, il sera ci-après question d’exposer, avec les détails et précisions utiles, les motifs d’opposition à cession privilégiée à proprement parler.
Ces motifs d’opposition sont visés à l’article 37 §1er de la loi sur le bail à ferme et sont au nombre de six. Ils sont donc énumérés de façon limitative, ce qui signifie qu’il n’est pas question de ‘sortir de la liste’ telle qu’énoncée par la loi. Abordons-les, l’un à la suite de l’autre.
La notification antérieure d’un congé
On sait, pour l’avoir vu par le passé, que certains congés sont soumis à des délais et des temps de notifications bien stricts et que, par ailleurs, une cession privilégiée a pour effet de provoquer le renouvellement du bail.
Le premier motif d’opposition visé par l’article 37 §1er tend à interdire qu’une cession privilégiée soit notifiée alors même qu’un congé a déjà été notifié au preneur par le bailleur. De fait, admettre le renouvellement en pareil cas aurait pour impact potentiel de rendre le congé antérieurement notifié hors délai.
Pensons à un congé pour le motif d’exploitation personnelle qui doit, en première période, être notifié entre 4 ans au plus et 2 ans au moins avant l’échéance de la période en cours. Si le renouvellement est admis, il faudra reporter l’échéance de notification du congé à bien des années. Aussi, la loi dit-elle que, si congé a été notifié, la cession privilégiée peut faire l’objet d’une opposition pour ce motif.
En général, en pareil cas, deux procédures se croisent : la contestation du congé et l’opposition à la cession privilégiée. Idéalement, ces deux procédures doivent être jointes parce qu’elles présentent une toile de fond commune : on appelle cela la connexité.
Le texte légal est le suivant : peut être admis comme motif sérieux d’opposition « 1° le fait qu’avant toute notification de la cession le bailleur a donné un congé valable ».
Le motif d’exploitation personnelle
Le second d’opposition ressemble bien au premier : peut être admis comme motif sérieux d’opposition « l’intention du bailleur d’exploiter lui-même, dans un délai inférieur à cinq ans, le bien loué ou d’en céder l’exploitation à son conjoint, à son cohabitant légal, ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint, de son cohabitant légal ou aux conjoints ou aux cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs ».
Traduction : le preneur notifie une cession privilégiée au bailleur lors même que celui-ci entendait notifier un congé pour le motif d’exploitation personnelle.
Si, par le jeu des délais et temps de notification, le bien loué peut être ‘récupéré’ pour exploitation personnelle endéans un délai inférieur à 5 ans, il sera alors possible de s’opposer valablement à la cession privilégiée et ainsi éviter le renouvellement qu’elle provoque.
De nouveau, en pareil cas, deux procédures se croisent souvent : la contestation du congé et l’opposition à la cession. Ces procédures sont souvent jointes pour un traitement commun.
Un comportement hostile ou une condamnation
Les troisièmes et quatrièmes motifs sont de nature différente, se rapportant au comportement généralisé du cessionnaire.
« Peuvent seuls être admis comme motifs sérieux d’opposition :
(3°) des injures graves ou des actes d’hostilité manifeste de la part du cessionnaire à l’égard du bailleur ou de membres de sa famille vivant sous son toit ;
(4°) la condamnation du cessionnaire du chef d’actes de nature à ébranler la confiance du bailleur ou à rendre impossible les rapports normaux entre le bailleur et son nouveau preneur ».
Il est ici question d’examiner la façon dont le cessionnaire se comporte vis-à-vis du bailleur et/ou de sa famille ou, encore, de faire cas d’une condamnation, quelle qu’en soit la nature, du cessionnaire de nature à priver le bailleur de la confiance légitime qu’il devrait pouvoir accorder au cessionnaire.
Ces deux motifs d’opposition ne sont pas de nature strictement identique mais concernent tous les deux le comportement du cessionnaire du bail.
Manque de capacité professionnelle et de moyen matériel
Viennent ensuite les carences du cessionnaire dans sa capacité à une bonne exploitation des lieux loués, qu’elles soient intellectuelles ou matérielles.
Il sera ici question d’examiner, pour faire simple, si le cessionnaire connaît son métier de fermier pour cultiver correctement ou, encore, si le cessionnaire a les ressources suffisantes, d’un point de vue matériel, pour exploiter correctement les biens loués.
Ce genre de motif d’opposition peut, à l’occasion, déboucher sur une mesure d’expertise que le tribunal prononcera de façon à se faire entourer de l’avis d’un connaisseur en la matière.
Le texte légal est le suivant : peut être admis comme motifs sérieux d’opposition : « 5° le fait que le cessionnaire n’a pas la capacité professionnelle requise ou qu’il ne dispose pas des moyens matériels nécessaires pour une bonne exploitation du bien loué ».
L’intérêt général d’abord
Enfin, et pour en terminer, l’intervention des organismes de droit public : peut être admis comme motifs sérieux d’opposition : « 6º l’intention des administrations publiques ou personnes juridiques de droit public qui ont loué le bien, d’affecter ce bien, dans un délai inférieur à cinq ans, à des fins d’intérêt général
Ce motif consacre la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt privé. Si l’organisme de droit public est en mesure d’affecter le bien loué à une fin d’intérêt général, le bailleur public pourra alors s’opposer au renouvellement.
Reste qu’en général, congé doit aussi être envoyé et qu’ainsi, deux procédures peuvent aussi, éventuellement, se croiser et être jointes. Mutatis mutandis, le raisonnement est un peu le même qu’en cas d’opposition à cession privilégiée si congé est notifié ou sera notifié.
On terminera ce cycle de parutions au sujet des sous-locations et cessions à la prochaine parution en exposant le cas d’une opposition à cession privilégiée qui triomphe sans toutefois que le motif invoqué ne soit réalisé dans le délai.
avocats au Barreau de Tournai





