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Tant d’angélus...

Décidément, la télévision nous aime ! Mardi 7 novembre, dans « L’Amour est dans le pré », RTL jouait la marieuse, l’entremetteuse ou la maquerelle – appelez-la comme il vous plaira… – et présentait de joyeux agriculteurs tout propres sur eux à la recherche de l’âme-sœur. Mercredi 8 novembre, dans « Question à la Une », la RTBF menait une enquête beaucoup moins glamour, et donnait la parole à des fermiers désabusés, en proie à mille difficultés : financières, administratives, existentielles. Tous les goûts sont dans la nature : Barbara Cartland sur RTL, Émile Zola sur la RTBF…

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Dans les deux émissions, les agriculteurs jouaient des rôles de gentils, pas de pollueurs ni d’empoisonneurs, une fois n’est pas coutume. « Jouaient », enfin, façon de parler ! Dans « Question à la Une », nos quatre confrères déploraient justement être les jouets d’un détestable jeu de dupe, écrasés par les panzers aveugles de la Pac et des administrations, vampirisés sans vergogne par les autres acteurs de la filière alimentaire. J’ai beaucoup apprécié leur franchise, leur pudeur, leur pondération, comme tous les téléspectateurs d’ailleurs, sans aucun doute !

Pour une fois, Dieu merci, la parole a été laissée uniquement aux agriculteurs. On n’a pas dû se farcir le prêchi-prêcha ronronnant d’un ministre bavard, la harangue d’un syndicaliste « Che Guevara » à la petite semaine, ou la leçon d’un spécialiste aux mains douces, donneur de leçon, tout propret et tout coquet. Nous n’avons pas subi l’habituel remix de « Paroles, paroles » de nos Dalida : « des mots magiques, des mots tactiques enrobés de promesses qui sonnent faux ; encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots ». Ici, rien de tout cela. Pas de discours convenu, avec des chiffres à chaque coin de phrase. Les quatre exploitants ont exposé leur situation sans se plaindre, brute de décoffrage, sans s’épancher en plaintes déchirantes. Il s’agissait de fermes classiques à taille humaine, pas des usines darwinistes « top-modèles », comme on nous en présente trop souvent dans les journaux et les émissions télévisées. Des gens qui se débrouillent avec les moyens du bord, mécanisés sans excès et amoureux de leur métier.

Petit bémol, l’Ardennais pur et dur que je suis aurait beaucoup aimé voir un agriculteur de nos hauts plateaux exposer le drame actuel des élevages de bovins viandeux. L’émission s’est focalisée sur des élevages laitiers et de polyculture-élevage, des spéculations qui connaissent des difficultés extrêmes, elles aussi… Le mal-être majeur de la profession trouve sa source avant tout dans le manque de reconnaissance. Nos vaches ne valent plus rien, notre lait et nos céréales non plus ! Dès lors, nos animaux, nos produits, notre travail, notre savoir-faire et nous-mêmes ne valons plus rien : le constat est simple et est absolument destructeur pour notre métier. Chaque année, disait l’émission, mille exploitations agricoles disparaissent en Belgique ! Et pourtant, personne ne bronche dans le monde politique et syndical, si ce n’est par des discours pharisiens toussotés mille fois à gauche et à droite, des mesures et des promesses fallacieuses comme on en fait aux petits garçons et aux petites filles.

C’est idiot ! Quand on voit le nombre de personnes qui vivent (très bien) dans les métiers qui tournent autour de l’agriculture (quatre emplois générés en amont et en aval par chaque UTH agricole), il est tout à fait aberrant de laisser les campagnes se vider de leurs agriculteurs. Le Titanic (comme disait un des fermiers) de l’agriculture, sur lequel tous ces gens naviguent confortablement, est mortellement touché et donne de la gîte à tribord, côté ultralibéral, mais l’orchestre politique continue à chanter ses angélus !

Tant d’angélus ! Il y a tant de torpeurs, de musiques antalgiques, tant d’antidouleurs dans leurs jolis cantiques. Il y a tant de questions et tant de mystères, tant de compassion et tant de revolvers. Tant d’angélus qui résonnent ! Hélas en plus, pour nous défendre, il n’y a personne…

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