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Fraude dans l’industrie alimentaire: affaire Veviba, les solutions à tout prix, bonnes ou mauvaises?

Temps de lecture : 4 min

Que le consommateur a la mémoire courte !

En tant que professionnels de la santé publique et de la santé animale, les membres de l’Union professionnelle vétérinaire gardent tous à l’esprit les scandales qui secouent l’agro-alimentaire depuis des centaines d’années.

C’est de notre responsabilité de les rappeler de temps en temps à la mémoire collective.

Et nous nous souvenons…

Au 19e siècle, les carcasses d’animaux morts de maladies contagieuses étaient déterrées par des empoisonneurs pour les revendre comme « viande de deuxième choix ».

En 1995, notre Confrère Van Noppen a payé de sa vie sa lutte contre la mafia des hormones.

De 1996 à 2006, la maladie de la vache folle a fait 160 morts en Grande-Bretagne, 17 en France et combien évités grâce à la vigilance du réseau vétérinaire, praticiens, chercheurs et inspecteurs confondus ?

En 1999, la crise de la dioxine n’a provoqué aucun cas humain avéré, mais un ravage dans les écloseries, et toute une chaîne de production a été contaminée jusqu’à créer une panique chez les consommateurs et faire chuter un gouvernement.

En 2011, des graines germées, contaminées par une variante agressive d’E. coli, provenant d’une ferme bio de Basse-Saxe ont provoqué la mort de 33 personnes en Europe. L’Allemagne a été bien embarrassée de devoir l’avouer après avoir incriminé des légumes espagnols, ce qui a entraîné une perte de 200 millions d’Euros par semaine pendant tout l’été 2011 pour ces producteurs innocents.

En 2017, des œufs contaminés au Fipronil ont été découverts partout en Europe.

Etc. … jusqu’à l’affaire Veviba, et quoi dans l’avenir ?

Alors, que pouvons-nous en dire, en tant que professionnels ?

D’abord, félicitons-nous de l’efficacité des succès de la traçabilité en Belgique, qui a coupé court cette fois à des rumeurs alarmistes et a permis de récupérer les produits contaminés.

... puis constatons

La cupidité des trafiquants, qui changent de visage à chaque génération.

La concurrence malsaine entre les grands groupes, qui étrangle les producteurs dans des filières intégrées par la fourniture des intrants dans leurs fermes et ensuite, par l’achat de leurs produits, et dont le seul objectif est la satisfaction de leurs actionnaires.

Des exemples ?

Les poulaillers bios sont obligés de s’adresser à des pays éloignés pour l’achat de maïs bio…

Bonjour la transparence, quand on sait que certains de ces pays « ignorent » même où opèrent leurs soldats. Et quid de la consommation d’énergie pendant le transport ? Pourquoi tant de producteurs bios ou de terroir limitent volontairement leur production ?

Parce qu’ils préfèrent vendre moins à la ferme et sur les marchés locaux que plus par les hypermarchés.

Tous le savent, travailler avec les hypermarchés, c’est travailler au prix des hypermarchés.

Donc, écraser, écraser, écraser… comme la « grosse bête qui écrase les prix » et maximise les profits ! Le procès Van Noppen, a révélé des quantités de pressions sur le milieu. Nous recommandons à tout un chacun le film « Rundskop » (traduit en français par « tête de bœuf »). Effrayant !

Lors de l’enterrement de Karel Van Noppen, les journaux ont titré « Toute la Belgique végétarienne pendant un jour »… et cela n’a rien empêché par la suite.

Les végétaliens, avec tout le respect que nous avons pour leurs convictions, ne nous apportent pas de solution. L’affaire des graines germées bios de Gärtnerhof en 2011 démontre que dès qu’un secteur draine des gros sous, il est corruptible. D’ailleurs, les cas de non-conformité de produits bios, voulue ou involontaire, démontrent la fragilité des résolutions les plus louables.

Les producteurs vivent une double pression. D’une part, les intrants (aliments, pesticides, engrais…) proviennent de grands groupes agrochimiques. D’autre part, les productions de masse sont vendues par quelques dizaines d’opérateurs (dont nous avons aussi besoin, tant qu’ils jouent fair-play).

Des dizaines de millions de producteurs et 8 milliards de consommateurs sont à présent à la merci des actionnaires de groupes financiers multinationaux.

Tant que les consommateurs ne saisiront pas que :

– consommer est un acte politique ;

– les bonnes intentions émotionnelles à court terme coulent les fermiers ;

– le poulet promo à 2.50€ n’est pas le même produit que le poulet terroir vendu à la ferme ;

– plus les distances et les intermédiaires se multiplient, plus la traçabilité et la responsabilité se diluent ;

nous courrons les mêmes risques alimentaires, que ce soit par le végétal ou l’animal.

En conclusion, plus les consommateurs s’éloigneront des producteurs, plus des intermédiaires en profiteront. Aux dépens de notre santé et de notre économie.

De la considération!

L’initiative en faveur du « juste prix » lancée par le Collège des producteurs est un pas dans la bonne direction. La rigueur de l’Afsca en ces circonstances en est un autre.

Tous les vétérinaires, indépendants ou dans l’administration, rêvent d’un monde où le bien-être animal, la traçabilité, l’environnement et le consommateur sont respectés.

Leur expertise, leur dévouement s’offrent aux autorités et à leurs concitoyens, à eux de saisir cette main.

L’Union professionnelle vétérinaire

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