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BFA: entre fierté, colère et interrogations

La Belgian Feed Association (BFA, anciennement Bemefa), l’organisation sectorielle des fabricants d’aliments composés, est particulièrement fière de la contribution du secteur des aliments pour animaux à la réduction de l’usage des antibiotiques. La BFA voit cependant le ciel s’assombrir avec le double coût évitable lié à l’enregistrement des antibiotiques, l’arrêt prématuré de l’usage d’oxyde de zinc et l’émergence d’un label sans OGM qui semble trompeur.

Temps de lecture : 7 min

La production totale des aliments pour animaux de tous les membres de la Belgian Feed association a légèrement augmenté pour atteindre les 7,36 millions de tonnes en 2017. Peu de changement en vue puisque la part de l’alimentation porcine par rapport à la production totale a diminué systématiquement ces dernières années en faveur des aliments pour volailles, bovins et prémélanges. Les membres de la BFA exportent également des aliments pour animaux et, en particulier, des concentrés riches en protéines. Parmi ces derniers, on retrouve des aliments pour poissons et autres animaux de compagnie.

Réduction de l’antibiothérapie

L’Association des fabricants d’aliments composés lutte depuis des années pour la réduction de l’usage des antibiotiques dans le secteur. Cette même association est d’ailleurs co-fondatrice du Centre de connaissance concernant l’utilisation et les résistances aux antibiotiques chez les animaux (Amcra), qui propose trois objectifs concrets, à savoir 50 % d’antibiotiques en moins à l’horizon 2020 ; 75 % d’antibiotiques critiques en moins d’ici 2020 et 50 % d’aliments médicamenteux en moins d’ici à 2017.

Et c’est bien de ce dernier objectif dont il a été question lors de l’assemblée. En effet celui-ci a été atteint l’année dernière. « Mais cela n’a pas été évident », insiste Yvan Dejaegher, directeur général de la BFA. « Nous avons dû faire de notre mieux pour motiver toutes les parties prenantes à atteindre cet objectif. »

Les fabricants d’aliments se sont encore engagés à n’accepter que les ordonnances électroniques, ne provenant que de vétérinaires de guidance, et d’éviter de produire des aliments médicamenteux avec antibiotiques pour les porcs d’engraissement de plus de 15 semaines.

La BFA conserve des données sur les aliments médicamenteux depuis 2009. Les fournisseurs d’aliments individuels ont été confrontés à leur utilisation par rapport à leurs collègues concurrents. « Tous les trois mois, nous revenions vers eux avec leurs données. C’est en proposant aux acteurs des objectifs concrets et en les confrontant tous avec un plan d’action commun que nous y sommes parvenus », poursuit M. Dejaegher.

Frank Decadt, président de la BFA : « Nous sommes fiers du travail accompli. A nous maintenant de maintenir les efforts consentis. »

«Nous avons réalisé un excellent travail en ce qui concerne la réduction de l’usage des antibiotiques», estime Frank Decadt.
«Nous avons réalisé un excellent travail en ce qui concerne la réduction de l’usage des antibiotiques», estime Frank Decadt.

Oxyde de zinc

L’oxyde de zinc est un outil important pour réduire l’utilisation de la colistine, un antibiotique, dans les aliments pour animaux. Mais comme le zinc est un métal lourd qui s’accumule dans l’environnement, la Commission européenne a décidé de cesser son utilisation en septembre 2022.

Mais les États membres ont la liberté de ne plus l’utiliser avant cette date. Si l’Amcra vise quant à elle la fin 2020, l’agence des médicaments et l’AFSCA veulent limiter la période de retrait progressif à la fin 2019. Ce qui est inacceptable pour M. Decadt. D’autant que l’utilisation de l’oxyde de zinc a déjà été réduite de 40 % par rapport à 2015. L’argument utilisé ? L’oxyde de zinc n’est pas la seule alternative pour la colistine… Pourtant les chiffres prouvent le contraire. Dans des pays comme les Pays-Bas et l’Allemagne, l’oxyde de zinc avait déjà été retiré de l’alimentation, mais l’Angleterre, l’Espagne et le Danemark prévoient de continuer à l’utiliser jusqu’en 2022.

Un double coût… évitable ?

En 2020, viendra le temps de faire le bilan sur les résultats obtenus par rapport au plan de réduction de l’usage des antibiotiques. Pour l’heure, l’un des trois principaux objectifs n’est pas encore atteint, à savoir, la réduction de moitié de l’usage des antibiotiques de 2011 à 2020.

« Nous avons fait ce que nous avons dit. Cependant, beaucoup d’efforts restent à faire dans le secteur », remarque M. Dejaegher. « Ce n’est pas seulement un défi pour le secteur de l’alimentation animale, mais aussi pour les agriculteurs, les vétérinaires et l’industrie pharmaceutique. Un effort commun en somme », souligne-t-il encore. « Nous devons arrêter de nous pointer du doigt les uns les autres, et simplement définir des objectifs et des actions concrètes pour avancer. »

Toutefois l’existence de deux registres, qui permettent de suivre l’usage des antibiotiques, n’aide pas le secteur à avancer. Le registre AB d’une part, et Sanitel-Med d’autre part. L’une est l’initiative du secteur, l’autre du gouvernement. « Sanitel-Med a pleinement adopté notre méthodologie, ce qui est merveilleux. Mais nous négocions avec l’agence pharmaceutique compétente pour la création d’une base de données unique, sans résultat. Il y a donc deux appareils côte à côte, tous deux payés avec l’argent du secteur. Nous aimerions rassembler ces ressources. Toutefois, nous nous heurtons à un mur. Mais nous continuons à construire des ponts avec Sanitel-med », poursuit M. Dejaegher.

Les OGM à l’étranger

Un autre thème abordé lors de l’Assemblée du secteur des aliments composés : les aliments OGM. La BFA a une histoire dans ce domaine. De 2001 à 2007, la Bemefa a édité un programme de commercialisation d’aliments sans OGM. L’Allemagne et la France y ont répondu.

En Allemagne, le Verband Lebensmittel ohne Gentechnik (VLOG) a mis en place le label VLOG « sans OGM ». Parmi les parties prenantes, la chaîne de magasins Lidl demande à ses fournisseurs de lait, d’œufs et de poulets de chair de ne plus les nourrir avec des aliments génétiquement modifiés. Un cahier des charges est lié au label.

En France, il existe la certification Oqualim qui permet d’étiqueter les produits « sans OGM ». Toutefois, la compatibilité est limitée entre les spécifications françaises et allemandes, ce qui rend difficile l’exportation de ces aliments.

«Nous négocions depuis deux mois avec l’agence pharmaceutique compétente pour la création d’une base de données unique... sans résultat», avoue M. Dejaegher.
«Nous négocions depuis deux mois avec l’agence pharmaceutique compétente pour la création d’une base de données unique... sans résultat», avoue M. Dejaegher.

Et leurs effets chez nous

Leur commercialisation n’est pas sans conséquence sur notre marché intérieur. Par exemple, le géant laitier Arla a déjà trouvé 100 producteurs laitiers dans la partie germanophone du pays qui se sont engagés à nourrir leur bétail avec des aliments uniquement non-OGM. Les agriculteurs recevraient 1 cent le litre de plus, Toutefois, M. Decadt, doute que ce coût supplémentaire soit rentable.

Autre problème, il est interdit en Belgique d’étiqueter les produits « sans OGM ». La raison ? La présence d’aliments génétiquement modifiés dans la ration des animaux d’élevage est impossible à détecter sur le produit qui en résulte. Toutefois, les produits d’Allemagne et de France portant le label « sans OGM » peuvent être vendus chez nous avec ladite étiquette. Il n’est pas non plus inconcevable que la grande distribution veuille également jouer cette carte.

Un marché hypocrite

M. Decadt, en a profité pour dénoncer l’hypocrisie et la possible tromperie envers les consommateurs, basée sur un label strict sans OGM. En 2007, le collectif Bemefa de l’époque a décidé d’arrêter la production d’aliments sans OGM. La contamination des aliments non-OGM est inévitable dans les usines d’aliments qui produisent également des aliments conventionnels. « Dans les échantillons que nous avons prélevés à l’époque, un tiers des aliments sans OGM étaient « contaminés ». En Allemagne, ils admettent que 20 % des échantillons prélevés aient des taux supérieurs à la norme. C’est pour eux un risque acceptable. De plus, un porc dit sans OGM peut encore manger des aliments OGM avant l’âge de 41 jours. C’est de l’hypocrisie. »

« Un aliment non-OGM authentique nécessite des lignes de production séparées. La contamination par transport de matières premières est d’ailleurs un risque bien réel. Dans notre pays, l’Afsca applique des normes plus strictes qu’à l’étranger. Le consommateur qui ne veut pas de produits génétiquement modifiés peut opter pour des produits issus de l’agriculture biologique car les OGM y sont interdits. Mais cela a un coût… »

LA BFA envisage une stratégie réfléchie et prudente dans ce domaine. « Les aliments non-OGM peuvent être un marché de niche pour laquelle certains sont prêts à mettre le prix. En tant que pays exportateur de viande de volailles et porcine, nous ne pouvons pas nous permettre de pratiquer le prix véritable d’un aliment non-OGM. Si la grande distribution vient à créer une « ligne de produits sans OGM », nous nous mettrons alors en relation, de sorte de les aiguiller au mieux dans leurs prises de décision », estime M. Dejaegher.

Une alternative simple serait que les fabricants d’aliments composés belges optent pour le soja cultivé dans l’UE, mais le potentiel n’est tout simplement pas là. L’UE produit actuellement 200.000 tonnes de soja ; le potentiel est de 3 millions de tonnes. Nous en importons toutefois 35 millions de tonnes. Si la subvention allemande pour le colza disparaît en tant que biodiesel, une alternative au tourteau de colza riche en protéines devrait également être trouvée, par exemple dans le soja. Produire soi-même n’est donc pas LA solution, mais une partie.

D’après IDC

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