Accueil Voix de la terre

Promesses sexennales et réalités peu sexy

Six ans, c’est long et court à la fois. Dimanche 14 octobre, nous reviennent déjà les élections communales, le seul scrutin dans nos campagnes où les électeurs connaissent au plus près les prétendants, puisqu’ils font partie de leur entité, de leur village, de leur famille. D’un candidat aux élections, on dit qu’il « se présente », qu’il se fait connaître sous son meilleur jour, afin de séduire un maximum de votants en faveur de sa liste et de lui-même. Maquillages, babillages, déballages, abordages et sabordages font partie du folklore électoral local, constellé d’un million de promesses, trop belles et parfois trop naïves pour être tenues.

Temps de lecture : 3 min

Dans le monde paysan, une promesse entre hommes est une dette, une obligation de résultat, un engagement indéfectible. On donne sa parole, tope-là camarade, et le marché est conclu. Pas besoin de contrat ni de signatures. Une promesse est un socle, une assurance, une garantie de résultat, une réalité qui sera accomplie dans un futur proche

Mais tout n’est pas si simple dans le monde qui nous entoure. Les relations entre personnes sont complexes et tortueuses. Il suffit parfois de jouer sur les mots, d’ajouter des « si », lorsqu’on formule sa promesse ; d’accuser un fait imprévu ou l’ingérence d’autrui si le résultat escompté n’est pas au rendez-vous. Un jour, la promesse engendre une réalité parfois bien différente, souvent décevante. Et cette réalité va engendrer de nouvelles promesses, qui à leur tour entraîneront d’autres réalités, et ainsi de suite. Ce petit jeu de saute-mouton peut être fatigant, à la longue. Les politiques agricoles -régionale, européenne et mondiale- nous l’imposent lors de chaque crise. Promesses de ceci, de cela, pour gérer la PPA des sangliers, pour soutenir les exploitations impactées par les sécheresses 2017 et 2018… Comme tout être humain normalement constitué, chaque agriculteur vit de promesses, qu’il embellit et module à sa guise, afin de garder le moral et d’avancer. Comme la rosée au petit matin, nos désirs miroitent au soleil des promesses, lesquelles nous exaltent, nous consument, puis s’évaporent sans rien laisser de nos rêves. Mais sans nous lasser, nous y croyons, et nous courons de la ferme aux champs, des labours aux moissons, dans la frénésie du labeur, vers le fracas des orages…

Nous courons de promesses en réalités, sans désemparer, depuis la nuit des temps. Promesse de récoltes, quand nous confions nos semences à la terre durement travaillée ; promesse de vies nouvelles, quand nous introduisons un géniteur dans un troupeau. La nature, contrairement à nos congénères humains, joue franc-jeu avec nous. Nous connaissons ses sautes d’humeur, ses manies détestables, ses gels tardifs, ses sécheresses, ses périodes de pluie, les maladies des plantes et des animaux… Ses promesses aboutissent le plus souvent à des réalités réconfortantes, épanouissantes. Les hommes viennent tout gâcher : les marchés, nos instances agricoles, les administrations, les politiciens.

Ceux-ci nous arrosent généreusement de promesses, qui seront tenues disent-ils, si nous suivons le cheminement qu’ils nous imposent, ce chemin sans issue qui nous conduit d’une promesse à l’autre, d’une triste réalité à l’autre. En 1962, la PAC nous promettait monts et merveilles ; la réalité 2018 n’est que remord sans pareil : une paysannerie européenne anéantie, une agro-industrie hypernantie. Pourtant, rien de nouveau sous le soleil : de nombreuses promesses -encore et encore- édulcorent sans vergogne, de manière insipide, les programmes électoraux de nos communes : amélioration des voiries, hall relais pour des marchés du terroir, opérations agricharmes auprès des écoles, etc. Vers quelles réalités vont-elles nous conduire ? Combien d’exploitations agricoles vont-elles encore disparaître au cours de la prochaine mandature sexennale ?

Promesses « sexennales » -pour « six ans », nous sommes bien d’accord- qui vont sans doute engendrer des réalités bien peu sexy…

A lire aussi en Voix de la terre

Une occasion ratée d’encourager les jeunes

Voix de la terre Vous le savez, il n’est pas simple d’être agriculteur aujourd’hui, et le défi est encore plus grand si vous êtes un jeune agriculteur. Or, nous entendons partout que l’état offre des aides, du soutien… ; cela particulièrement destiné à ces jeunes fermiers. Magnifique, pensez-vous. La réalité sur le terrain est bien différente.
Voir plus d'articles