Accueil Bovins

Quand élevages Blanc-bleu et limousin cohabitent dans la même exploitation!

Alors qu’il élève des limousines depuis une trentaine d’années, Jean Luc Goedert, éleveur de Schandel (Grand-Duché de Luxembourg) s’est récemment lancé, en parallèlle, dans le Blanc-bleu. Une « diversification » peu surprenante pour l’Aredb, les comices et la Fja de Bastogne qui y a invité le 8 février les éleveurs de la région pour une visite d’exploitation.

Temps de lecture : 6 min

Jean-Luc Goedert est un personnage atypique, au ton bien tranché. Ce Luxembourgeois est ceux qui ne conçoivent pas rester cloîtré dans leur exploitation et travailler le nez dans le guidon ! Outre son métier d’éleveur, il fait de l’entreprise et traverse les frontières pour faire affaire (de pailles notamment)… pour « s’occuper » comme il aime le rappeler. Mais, ne nous y trompons pas, l’homme sait toujours où il va…

Jean-Luc a depuis toujours travaillé sur l’exploitation familiale, qui en plus de la spéculation viandeuse disposait d’un quota laitier de 230.000 l de lait. « J’ai arrêté de traire lors de la crise laitière de 2009, le jour où la paie de la laiterie était inférieure à ce que j’estimais être une rémunération juste. J’ai tout mis à la vente du jour au lendemain ! » Et d’ajouter : « Dans la vie, il faut savoir prendre des décisions ! »

Aujourd’hui à la tête d’une centaine de limousines, Jean-Luc les engraisse et les vend dans la filière grand-ducale. Il les soigne avec du maïs et de l’ensilage d’herbe qu’il produit sur les 130 ha à sa disposition – 100 ha de prairie, 30 ha de cultures (maïs et céréales). « La ration est peu complémentée, les animaux reçoivent donc maïs et herbe ensilée de novembre à mars et du maïs et foin dès qu’elles retournent en prairie car il fait relativement sec en été.

À l’heure de la visite, l’exploitant compte une cinquantaine de vaches vêlées, 48 veaux dont une partie déjà sevrée. Dès que la pâture sera suffisamment portante, il laissera partir les bêtes et ne gardera près de la ferme que celles qui doivent encore vêler.

Une année problématique

Les années passent et ne se ressemblent pas. S’il ne rencontre généralement pas trop de problèmes au niveau des vêlages, cette année fut plus problématique. Sur les 60 vêlages, le taux de mortalité a voisiné les 12 % et 12 césariennes durent être pratiquées. « C’est une mauvaise année, c’est la première fois que nous avons autant de naissances difficiles… Mais même au vu du coût engendré par la césarienne, le veau en vaut toujours la peine.

La faute à la sélection ? « On a toujours eu l’habitude de choisir des taureaux culards. Je fais confiance à un ami éleveur qui m’en envoie de France. La sélection est donc vite faite ! », sourit-il.

Et question naissance, les vaches vêlent régulièrement ! Et pour preuve, l’intervalle vêlage est de 11 mois ! Les 2 taureaux sont en permanence avec les vaches. « Je ne veux pas rater la première ou la deuxième chaleur. Si on les rate, c’est plus compliqué de les avoir pleines par la suite. »

Et de commencer à regarder à la docilité des animaux ! Certaines mères sont trop maternelles, voire difficiles à aller chercher… Avec les jeunes, ça devient plus facile ! »

Investir moins en aliments

Après trente ans d’élevage limousin, l’éleveur a vu le marché au Grand-Duché se rétrécir ! Pour lui, ce type d’élevage s’est « industrialisé » : « Tout le monde s’y met et, comme le marché reste restreint, les prix sont à la baisse ! La moitié du cheptel bio doit d’ailleurs être écoulé dans la filière conventionnelle. » Et ce pour la simple raison que ledit marché n’y est pas organisé.

Dans son élevage, les animaux ont un gabarit relativement grand. Ils ont une très bonne croissance et cela peut poser problème au niveau de la filière : « Le poids carcasse maximum autorisé par la grande surface est de 470 kg, or mes veaux le dépassent à 15-16 mois… »

À l’automne, une vingtaine de bêtes quittent l’étable. « J’engraisse tous les veaux mâles durant une centaine de jours, sauf s’ils n’en valent pas la peine. Mais il m’arrive de vendre des bêtes pour un besoin d’argent ou de place… et ce, même s’ils ne sont pas finis. Je préfère toujours des vaches qui vêlent que d’engraisser des taureaux, pour qui la marge est beaucoup plus limitée. » D’autant que la limousine valorise moins bien le tourteau : « Elle mange autant qu’un animal Blanc-bleu, et on en retire un euro de moins par kg carcasse. Raison pour laquelle Jean-Luc investit moins en termes d’aliments. Il préfère donc vendre une vache en bon état aux alentours de 1.800 euros. « Si les animaux sont vraiment bons, je les finis avec des aliments. Mais point de vue prix, j’en attends davantage. »

Des coûts différents d’un pays à l’autre

Si les prix du marché ne sont pas en faveur de la limousine, le foncier non plus ! « Quand je vois les Français engraisser leurs vaches six mois, je deviens fou ! Ils peuvent les laisser en pâture et la paille ne leur coûte rien. Ici, je dois tout acheter et au vu du prix du terrain (environ 130.000 euros/ha)… c’est impossible ! »

Et de poursuivre « Aucun terrain ne m’appartient, les 130 ha sont en location. Et vu que le prix de la location avoisine les 500 euros de l’hectare. Ce n’est pas évident ! »

Il fait le calcul « Que tu engraisses une limousine par rapport à une Blanc-bleu, tu touches 1euros du kilo en moins par kg carcasse, ce qui représente une perte de 500 euros. Si on enlève le coût de la césarienne et quand on sait que l’on met deux bêtes à l’hectare, cela représente un manque à gagner de 600 euros par hectare. »

Un calcul qui l’a décidé à reprendre sur le côté un cheptel Blanc bleu, ce qui lui permet de s’essayer à la race, de « chipoter un peu ». L’absence de repreneur, et de gros investissements à rembourser lui laisse tout le loisir de le faire.

Là où le Blanc-bleu l’emmène…

Et quand un éleveur lui demande qu’elle race il préfère, il ne tarde pas à choisir le Blanc-bleu. « Les vaches B-BB sont plus faciles à attraper, surtout à mon âge », sourit-il.

« J’ai toujours eu envie de travailler avec la race mais je n’avais encore jamais vraiment trouvé de bon vendeur. Après un premier essai infructueux, j’ai trouvé, il y a 3 ans, un beau lot de génisses chez un éleveur du pays de Bastogne. Pour le taureau, Starter, il vient de chez Guillaume à Ochamps. »

Et depuis tout suit son cours. Tout ce que Jean-Luc produit part vers la Belgique. « Je peux y vendre plus facilement mes femelles, d’autant qu’il n’y a guère de marché pour les taureaux au Grand-Duché de Luxembourg »

Le cheptel, aujourd’hui composé d’une trentaine de mères, va encore grandir mais l’éleveur n’a pas vraiment d’objectifs définis à long terme. « Je suis un amoureux de la race. Je le fais pour mon plaisir car dans 10 ans je serai à la retraite ! » Le temps pour lui de « chipoter encore un petit peu » tant qu’il a encore tous les terrains à sa disposition.

A lire aussi en Bovins

Viande bovine: stabilité des prix et hausse de la demande

Bovins En Europe, la proximité entre le Ramadan et Pâques a permis de soutenir la demande de viande. Même si les abattages ont diminué, les prix sont ainsi restés stables, et ont même augmenté dans certains pays, pour les différentes catégories de bovins. Pour les vaches réformées, là aussi le marché se maintient, alors qu’on assiste à une diminution du cheptel dans l’Union et à une faiblesse de l’offre.
Voir plus d'articles