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Allô, maman, bobo…

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Cette complainte d’Alain Souchon n’a rien à voir avec les bobos dont se moque par la suite le chanteur Renaud. Mais qu’est-ce qu’un bobo ? Cela signifierait « bourgeois bohème » et caractériserait cette nouvelle tranche de la population, plutôt citadine, vivant dans un certain confort mais avec des idées qui penchent à gauche, surtout dans sa version écologique. Pas vraiment la typologie du monde agricole traditionnel !

En fait, en agriculture, pour continuer à nourrir les gens en qualité, en quantité et au prix mondial, il faut sans cesse innover, se battre. En sociologie, c’est plus simple : cette science progresse en inventant de nouveaux mots pour caractériser de nouvelles catégories de gens.

Bref, le bobo des villes n’est pas une espèce en voie de disparition. C’est plutôt le contraire, en tout cas dans les médias. Ceci dit, Je n’ai aucune honte à dire que j’ai plein d’amis bobos super-sympas.

En principe, l’archétype du parfait bobo serait du style JL Mélenchon ou José Bové. Nuance : mes amis sont plutôt des « bobobos ». Bobobos ? Faisons comme les sociologues, inventons un nouveau mot pour différencier les bons bobos des autres bobos. Je pense que mes amis sont des bons bobos parce qu’ils ne sont pas bornés, juste mal informés.

Ils n’ont donc rien à voir n’ont plus avec les « bonobos », nos lointains cousins d’Afrique dont Darwin nous a révélé le lien de parenté et qui sont, eux, en danger d’extinction.

Mes « bobobos » n’ont pas besoin de diaboliser le monde agricole pour exister. Au contraire des vrais « bobos » qui s’accrochent à l’idée que l’agriculture n’aurait pas évolué en qualité. Si ceux-ci devaient admettre que l’agriculture intensive et polluante appartient à un passé révolu depuis un quart de siècle, ils perdraient leur raison de vivre. Que l’ensemble de la production agricole soit aujourd’hui raisonnée, écologiquement intensive, voire agroécologique ne les intéresse pas.

Les « bobobos », au contraire, se réjouissent quand on leur parle de tout cela, de ce défi qui consiste à allier la qualité à la quantité, en raisonnant lutte intégrée, réduction de dose, fumure minérale combinée à l’organique, etc.

Ils sont conscients que rien n’est facile et qu’à l’impossible nul n’est tenu. Quand ils s’essayent au potager, après avoir lu des tonnes de bouquins sur la question, ils découvrent que les parasites ont aussi leur place dans le monde de la biodiversité.

Souvent, le contact avec l’agriculture se limite à la production d’herbe, pas comme fourrage mais comme pelouse. Entre l’ombre des murs de clôture et l’absence de fertilisation, allô, maman, c’est la mousse qui pousse.

Que faire ? Si vous êtes militant de la cause agricole, à partir d’un exemple concret comme celui-là, vous avez une ouverture pour expliquer la complexité du métier.

Comment freiner la mousse et renforcer la graminée ?

Il faut être délicat et éviter les mots qui fâchent. Pour freiner la mousse, surtout ne pas parler de pesticides mais plutôt de biocides, ou mieux encore de produits de protection ou phytoprotecteurs. Comme le sulfate de fer existe dans la nature et qu’il est cousin germain du sulfate de cuivre, on joue sur du velours. On peut aussi se faire « mousser » en parlant savamment d’un inhibiteur de croissance des bryophytes.

Il faut ensuite mieux nourrir l’herbe ! Le piège serait de parler de l’azote comme d’un engrais chimique de synthèse industrielle. Parlons plutôt d’un stimulateur minéral de croissance qui vient de l’air que nous respirons. Il faut aussi rappeler que l’herbe, comme nous, a bien le droit de manger à sa faim selon ses besoins. C’est un être vivant avec les mêmes atomes et les mêmes constituants chromosomiques que nous. Faisons œuvre de pédagogie.

Du coup, tout le monde est content. Les amis à qui vous avez donné des solutions pour que leur pelouse ne leur fasse plus honte et le bon Dieu à qui vous avez donné un petit coup de pouce pour corriger les limites de la création.

N’hésitez-pas à glisser un petit cours de morale du style : « Vous savez, les agriculteurs, c’est comme vous. Quand ils rencontrent des problèmes, ils essayent de les résoudre raisonnablement. Sinon, ils disparaissent. Vous imaginez un monde sans agriculteurs ? Avec rien que des cargos qui ramènent la bouf la moins chère des pays les moins contrôlés ? » Ciel, non merci !

Le problème, c’est que fasse au rouleau compresseur de « l’agribashing » actuel, il n’y aura jamais assez de mousse dans les pelouses pour expliciter aux « bobobos » ce que les « bobos » ne comprendront de toute façon jamais.

JMP

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