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Avec le comice agricole de Soignies: à la découverte des énergies renouvelables en agriculture

Il y a quelque temps, le comice agricole de Soignies invité ses membres à visiter plusieurs exploitations et une entreprise au sein desquelles l’énergie renouvelable participe à l’activité de tous les jours. Panneaux photovoltaïques, méthanisation à la ferme, éolienne, et centrale de biométhanisation étaient à l’ordre du jour.

Temps de lecture : 8 min

Une bonne trentaine de participants se sont ainsi retrouvés à Soignies pour une première « double » visite : la ferme du Bailli et la villa d’Hubert et Martine Devroede-Degrève à Soignies.

Panneaux photovoltaïques pour une ferme…

L’exploitation agricole et la fromagerie de la ferme du Bailli sont alimentées depuis octobre 2018 par 215 panneaux de 270 Wc disposés sur un hangar, côté sud, pour une puissance de 58 kWc. Au 30 mai dernier, la production atteignait déjà 25.000 kWh. Le coût total de l’investissement s’élève à 61.000 euros, qu’Hubert Devroede espère rentabiliser en 8 ans, grâce, notamment à 81 certificats verts par an.

La production des panneaux photovoltaïques est, pour ainsi dire, complètement absorbée par la ferme et la fromagerie car elle représente environ un tiers de la consommation totale. L’exploitation laitière et la fromagerie consomment environ 200.000 kWh par an. Cette consommation a requis l’installation d’une cabine électrique de 10.000 Volts tout près de la ferme. « Bien qu’il y ait peu d’injection électrique sur le réseau, il faut allonger un peu plus de 50 euros par mois », dit Hubert. Hélène Muylle, secrétaire du comice agricole de Soignies, ajoute qu’on est ici dans une très bonne configuration, c’est-à-dire avec une auto-consommation très élevée. Dans certains cas, une aide ADISA serait possible.

A Soignies, environ un tiers de la consommation électrique de la ferme du Bailli provient de 215 panneaux photovoltaïques.
A Soignies, environ un tiers de la consommation électrique de la ferme du Bailli provient de 215 panneaux photovoltaïques.

Hubert signale qu’il avait espéré pouvoir méthaniser le lactosérum venant de la fromagerie, ce qui aurait augmenté encore l’autarcie de la fromagerie. Mais l’installation est à l’arrêt, la qualité du biogaz n’était pas excellente. « Et pourtant, c’était possible en laboratoire. Le lactosérum est acide, et la méthanisation se passe surtout en milieu basique. Il fallait donc corriger ce défaut en permanence. »

Cette piste est donc mise entre parenthèses, mais comment faire pour augmenter la production d’électricité à destination de l’exploitation ? Hubert ne pense pas augmenter la production photovoltaïque. Une voie possible resterait l’installation d’une éolienne à axe horizontal, de moyenne puissance. Tout cela demande réflexion…

… et une maison à Soignies

La nouvelle génération ayant pris place dans l’exploitation, Hubert et Martine ont construit une villa, il y a 5 ans. Bien isolée thermiquement, celle-ci a été « garnie » pour l’éclairage et le chauffage, de 42 panneaux photovoltaïques, très légèrement sous la puissance des 10 kWc, seuil maximum pour éviter de devoir changer le compteur d’électricité, et ainsi rester petit producteur. Une pompe à chaleur assure le chauffage de la maison.

Au final, il demeure une petite facture annuelle, de l’ordre de 200 euros pour l’électricité et le chauffage. « Certes, il y a eu des investissements, mais avec l’obtention des certificats verts, le chauffage et l’éclairage sont peu onéreux », poursuit Hubert. Hélène Muylle souligne que les certificats verts ne sont plus octroyés au petit producteur qui dispose d’une installation d’une puissance inférieure à 10 kWc.

Biométhanisation à la ferme de Warelles, à Petit-Enghien

Le deuxième rendez-vous du jour est fixé à la ferme de Warelles, tenue par Etienne et Catherine Allard-Stenuit à Petit-Enghien. L’exploitation compte environ 60 vaches laitières, traites par un robot depuis 12 ans. Avant d’entrer dans le vif du sujet, Etienne explique combien les années déprimantes, comme 2009 notamment, les ont fait réfléchir. C’est ainsi qu’il a fait appel à des spécialistes de Gembloux pour un audit énergétique de la ferme.

A Petit-Enghien, le lisier des vaches laitières est pompé vers le digesteur.
A Petit-Enghien, le lisier des vaches laitières est pompé vers le digesteur. - J.F.

À son étonnement, ceux-ci ont pu lui démontrer qu’il était possible de diminuer les dépenses, sans pertes de revenu, au contraire. C’est ainsi que des luzernières ont remplacé les prairies temporaires de ray-grass, avec à la clé une diminution des achats d’azote minéral. Les coûts de la protection phytosanitaire ont également pu être réduits. Restait à alléger la facture d’électricité. Le moyen le plus simple semblait être l’installation de panneaux photovoltaïques. Mais pour que l’investissement soit intéressant, il aurait fallu scinder les installations électriques de la maison et de la ferme. C’était un peu compliqué. La biométhanisation constituait l’autre piste possible, même si cette solution entraînait un travail supplémentaire. Le couple avait cependant décidé de ne pas augmenter la taille de cheptel laitier.

Les installations fonctionnent bien depuis deux ans

À Petit-Enghien, le lisier tombe dans la fosse à travers les caillebotis et l’analyse montrait son aptitude à produire du biogaz. La production de biogaz devrait être supérieure avec du lisier frais, mais Etienne a pu constater que le lisier plus vieux produisait également du biogaz. Peut-être un peu moins, mais il aurait été un peu idiot de modifier l’étable à logettes. Les débuts ont été difficiles, car la température idéale de 42ºC ne pouvait pas être atteinte. En cause, une fuite d’eau qui diluait le lisier.

Parmi les éléments délicats du système à Petit-Enghien, la pompe.
Parmi les éléments délicats du système à Petit-Enghien, la pompe.

Un autre point à tenir à l’œil : les vaches produisent beaucoup de lait, il faut du maïs dans leur ration pour que la méthanisation fonctionne correctement. Etienne Allard : « le moyen le plus facile pour faire des économies, c’est d’abord de produire de bons fourrages, pour acheter le moins possible ».

L’installation tourne bien depuis deux ans. Le digesteur est alimenté 4 fois par jour. Il est surveillé en permanence par un ordinateur qui avertit dès qu’il y a un souci, comme le blocage de la pompe d’alimentation : il suffit parfois d’un bout d’onglon… Les impuretés du biogaz, dont le soufre, sont neutralisées par un filtre au charbon actif, à renouveler périodiquement.

La puissance s’élève à 9,7 kWc, et la production annuelle est de l’ordre de 55.000 kWh. Le compteur électrique peut tourner à l’envers. Le biogaz épuré alimente un moteur Kubota de 35 kW. L’huile moteur est vidangée toutes les 3 semaines, car le moteur tourne quasiment en permanence. L’installation est en 380 Volts alors que la ferme est en 220 Volts. Il a donc fallu ajouter un transformateur.

Outre la production d’électricité, le moteur fournit de la chaleur via son système de refroidissement. Celle-ci permet de chauffer le digesteur, fournir l’eau chaude pour le robot de traite et un ballon d’eau chaude, et il y a même de la réserve !

Le digesteur ne tourne pas tout à fait à son meilleur rythme parce que la matière en digestion forme de la mousse. Si la mousse dépasse un certain niveau, l’ordinateur détecte une anomalie et arrête le processus, qu’il faut ensuite relancer. De l’huile de colza a été injectée pour tenter de casser la mousse, sans succès. « On finira bien un jour par trouver la solution », estime Etienne. Interrogé sur le temps consacré à la biométhanisation, il avoue que n’est pas évident à estimer. « On peut parfois en perdre beaucoup en cas de panne, mais autrement, ce n’est pas tellement élevé car l’installation est simple et bien surveillée par les capteurs et l’ordinateur. C’est un peu comme pour le robot de traite. On ne sait ni le jour ni l’heure d’une intervention. »

Le digestat est envoyé dans une lagune bâchée en attendant l’épandage sur les champs. « Le passage dans le digesteur ne change rien au taux de liaison su sol (LS) ; l’azote est minéralisé et c’est tant mieux pour les cultures. »

Sur le plan financier, la biométhanisation a coûté 100.000 euros ; le stockage du digestat, 50.000 euros. Il y a eu 32 % d’aide, et la production d’électricité assure l’octroi de certificats verts.

Troisième halte : une éolienne à axe vertical

Gérée par la famille Vercruysse-Calers, la ferme de Bois-le-Comte à Buvrinnes s’est modifiée au fil des années. Aujourd’hui, les vaches laitières ont quitté l’exploitation mais il reste encore quelques bovins. Les exploitants se sont orientés presque complètement vers les productions végétales, ils font des locations saisonnières pour cultiver des pommes de terre et ils réalisent aussi des travaux d’entreprise et de travaux publics. Alain Vercruysse tient à son statut d’indépendant : « Je ne veux pas être à la merci d’une usine. »

A Buvrinnes, l’ancienne écurie a été convertie en salle de réception
A Buvrinnes, l’ancienne écurie a été convertie en salle de réception - J.F.

L’ancienne étable de vaches laitières accueille désormais les tracteurs et les machines. L’ensemble est impeccablement nettoyé et entretenu après usage. C’est le meilleur moyen de les faire durer, confie Alain, avant de faire la présentation de son éolienne à axe vertical. « L’idée de base était de faire baisser une facture d’électricité alourdie par le stockage de grandes quantités de pommes de terre à la ferme. »

Alain reconnaît que la patience est une grande vertu. Le dossier de cette éolienne a été introduit en 2008. Il a fallu attendre 5 ans pour obtenir les autorisations nécessaires à sa construction. L’équipement à axe vertical démarre plus rapidement qu’une éolienne à axe horizontal. Son entretien doit être plus facile. On pouvait espérer qu’elle produise autant sinon davantage. L’expérience a montré que ce n’était, hélas, pas le cas.

Alain Vercruysse a été pressé de questions durant toute la visite de la ferme à Buvrinnes.
Alain Vercruysse a été pressé de questions durant toute la visite de la ferme à Buvrinnes. - J.F.

Le modèle qui a été monté dans l’exploitation était un prototype, d’une puissance de 10 kWc. La hauteur autorisée était fixée à 12 m. La production électrique maximale atteinte a été de 12.000 kWh par an. Pour augmenter celle-ci, l’éolienne a été rehaussée jusqu’à 18 m, l’élément supérieur culminant ainsi à 25 m de haut. Mais la production a à peine augmenté. Alain Vercruysse se console comme il peut : comme il s’agissait d’un prototype, la firme n’a pas compté les frais occasionnés par les diverses modifications apportées.

Hubert Devroede remercie Etienne Allard pour son accueil, en lui offrant, notamment, des fromages du Bailli que la secrétaire du comice Hélène Muylle avait gardés au frais.
Hubert Devroede remercie Etienne Allard pour son accueil, en lui offrant, notamment, des fromages du Bailli que la secrétaire du comice Hélène Muylle avait gardés au frais.

Il est évident que la production de l’éolienne est loin de couvrir la consommation électrique nécessaire à la conservation des pommes de terre. Les hangars de stockage offrent de grandes surfaces de toitures. Le prochain investissement dans l’énergie renouvelable se fera-t-il dans des panneaux photovoltaïques ?

J.F.

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