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Lettre ouverte à mes collègues betteraviers et à tous les agriculteurs: envoyons un signal fort aux industriels

La dernière ligne droite est en vue ! Je parle de la future sucrerie de Seneffe et de la souscription qui est en cours actuellement.

Temps de lecture : 5 min

Les chiffres financiers de la campagne betteravière 2018 sont connus depuis quelques mois et sont très utiles pour alimenter la réflexion. Ce qui m’a d’abord fait pleurer de « rire », c’est le courrier de la sucrerie daté du 26 mars 2019 concernant le bordereau d’achat « décompte mars 2019- campagne 2018 ». On commence par nous expliquer que la campagne 2018 a entraîné le secteur dans une crise profonde ! Ah ben tiens ! Quelle surprise !… Mais qui a initié le mouvement ? Les sucriers eux-mêmes en augmentant de manière tout à fait inconsidérée la production ! Dans quel but ? Diminuer leur prix de revient ! Qui en a profité ? Certainement pas nous… ni le consommateur ! Toujours dans ce courrier, quelles solutions proposent-ils pour remédier à la situation ? On va fermer 5 usines dans le groupe ! Qui saute en premier ? Les producteurs (et le personnel) ! Demandez aux agriculteurs français ce qu’ils en pensent ? Ensuite, on essaie de nous endormir avec une bonne nouvelle… pas de fermeture en Belgique vu les efforts réalisés ! Vous rendez-vous compte ! « Ils » nous font un cadeau ! On devrait peut-être les remercier…

Mais qu’en sera-t-il lors de la prochaine purge ? La seule manière de pérenniser la culture est d’avoir notre propre outil de transformation ! Que ceux qui hésitent réfléchissent… À quoi cela sert-il d’avoir des terres (et du matériel), s’il n’y a pas de cultures à mettre dessus ? C’est d’ailleurs la première question que nous nous posons chaque année en réfléchissant à nos rotations. Ne prenons pas le risque de voir un jour fermer les usines actuelles en Belgique et nous priver de cette tête de rotation qui peut encore être rentable si nous récupérons la marge de transformation.

En lisant l’enquête d’emblavement pour 2020 que nous venons de recevoir, on peut lire que rien ne change : campagne de 120 jours, proposition de 25 % de contrat additionnel par rapport à mon contrat de base (bonne manière de réguler le marché !) mais pour quel prix exactement ? On verra plus tard sans doute ! Semez et fournissez de la matière première au cours mondial ! Et croyez en la bonne parole : « On vous assure un prix minimum pour ceux qui construisent l’avenir avec nous ! ». Pour ma part : le contrat de base, éventuellement mais de l’additionnel : sûrement pas !

Avez-vous fait votre calcul de rentabilité 2018 ? Voici le mien : 89 tonnes par hectare à 17 de sucre… très correct pour l’année de sécheresse que fut 2018. Valeur de la production 2.129 euros/ha. Je retire semences, engrais, phytos, travaux d’entreprise et frais divers pour un montant de 1.194 euros/ha. Et je retire encore le fermage, la quote-part des frais et la traction pour un montant de 728 euros/ha. Que me reste-t-il : 207,04 euros/ha ! Tout ça pour ça ! 207.04euros/ ha ! Moins que le blé ! Avec des betteraves en tas jusque fin janvier, les bâches, le gel, des emplacements de tas impossibles à semer… Beaucoup de risques et d’ennuis pour des cacahuètes. Et le pire, c’est que dans ce calcul on n’a même pas abordé la question de la rétribution de la main-d’œuvre !

Vous êtes content avec ce résultat ? Oui ? Alors bonne chance pour l’avenir !

Et si vous ne l’êtes pas mais que vous ne suivez pas le projet, ne vous plaignez plus jamais ! On vous aura donné l’occasion de faire bouger les choses et vous n’aurez rien fait pour que ça change ! Vous êtes donc content avec ce qu’on vous donne, c’est-à-dire zéro ! De grâce ne vous plaignez plus ! Vous l’aurez voulu !

Je suis effaré de voir que nous ne réagissons même plus… Ils sont arrivés à leur fin. Laquelle ? Nous laisser prendre tous les risques et nous laisser juste de quoi survivre. Regardez dans le secteur des pommes de terre, malgré une année climatique 2018 exceptionnelle et reconnue comme telle par les autorités compétentes, aucune ou alors des adaptations très minimes sur les non livraisons de contrat sont faites. Et malgré cela, on continue ! Si cela ne vous plaît pas, on ira chez le voisin !

Ils doivent bien se foutre de notre tronche les industriels de la betterave, des patates ou des légumes de voir les risques que nous prenons pour quelques euros de l’hectare. Les braves petites fourmis. Car on nous laisse les miettes mais ce n’est pas avec la même grosseur de miettes que tous ces gens commencent à racheter nos propres terres ! Mais regardons l’argent que nous brassons sur nos fermes et ce qui reste à la fin ? Nous faisons vivre toute la filière : machines, engrais, phytos, semenciers qui nous imposent leurs prix ! Tout le monde a sa part du gâteau sauf nous!! Croyez-vous sincèrement que les industriels travailleraient avec des marges pareilles ? Regardez la vitesse avec laquelle certains grossissent ! (sur notre dos…)

Certains disent : c’est risqué ! Peut-être… mais de la même manière dès que nous construisons un hangar de stockage, une étable, en emblavant nos cultures saison après saison en ne connaissant pas le climat et le rendement que nous aurons, en élevant du bétail… Nous risquons chaque jour !

Pour toutes ces raisons, chaque planteur de betteraves ne devrait même pas se poser de question et devrait prendre ne fût-ce que le minimum requis pour rentrer dans la coopérative. 11.000 € pour 300 tonnes ! Finalement, que cette somme représente-t-elle par rapport au chiffre d’affaires d’une ferme ? Mais quel signal fort cela représenterait vis-à-vis de l’industriel ! C’est peut-être à mon avis ce qui est le plus important à retenir dans ce projet ! Si vous allez trop loin et c’est le cas, nous sommes capables de réagir et de dire stop, ça suffit !

Je suis certain que le projet leur fait peur. Cela pourrait leur donner d’autres idées à ces idiots d’agriculteurs…

N’oublions pas qu’ils ne sont rien sans nos terres et (ré)agissons !

Souscrivons ! C’est maintenant ou jamais ! Après, il sera trop tard !

Un agriculteur prêt à prendre

des risques et à investir… mais

pour sa poche et pas pour

celle de l’industriel !

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