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Le ministre américain de l’Agriculture met en garde l’UE: «Trump est déterminé à obtenir les meilleures conditions commerciales»

Le ministre américain de l’Agriculture, Sonny Perdue, est convaincu que l’Union européenne et les États-Unis se rapprochent dans le domaine de l’agriculture. Dans une interview qu’il nous a accordé, ce fils d’agricultreur souligne que les États-Unis considèrent également la durabilité comme importante et que ses produits agricoles méritent une meilleure réputation que celle des « poulets chlorés » ou de la « viande aux hormones ». D’autant que Trump est déterminé à ce que l’Europe en accepte davantage.

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L e ministre américain de l’agriculture, Sonny Perdue, s’est rendu en Belgique au début de semaine. S’il a voulu faire connaissance avec la nouvelle Commission européenne, il a également pris la liberté de visiter l’exploitation d’Eric et Julien Coheur à Fooz (lire p.5). Il n’a pas choisi une entreprise familiale hasard. L’homme a lui-même grandi dans la ferme parentale dans l’État de Géorgie.

Perdue n’est pas de la race des politiciens. « Je suis tombé dans la marmite étant petit », s’amuse-t-il. L’authenticité que Sonny Perdue tire de ses origines paysannes l’aide énormément dans sa position actuelle. Il le dit lui-même : « Je connais la sensation d’obtenir une bonne récolte, un bon prix et l’effet dévastateur d’une sécheresse… ces montagnes russes émotionnelles ! »

À Fooz, Perdue a admis que les agriculteurs américains et européens ont beaucoup en commun. « J’ai vu la même chose que lorsque j’ai visité les différents États américains. Les gens sont fiers de leur production. Ce que j’ai également entendu, c’est une réelle inquiétude pour l’avenir, non seulement des éleveurs de bovins mais aussi du secteur agricole dans son ensemble, que l’UE leur rend la vie plus difficile. »

Selon lui, la durabilité des exploitations repose sur trois piliers. Si les deux premiers sont l’environnement, la responsabilité sociale de garantir l’accès à une nourriture abordable à tous, ils ne peuvent être atteint que si la durabilité économique des exploitations est atteinte.

Une Europe peu favorable aux technologies

M. Perdue n’est pas favorable à une intervention gouvernementale à grande échelle, même s’il note qu’un meilleur filet de sécurité a été mis en place il y a quelques années pour les produits laitiers, par exemple. Ce n’est pas une sinécure car le secteur laitier américain a connu une traversée du désert longue de 2 ans, avec la faillite de deux grands transformateurs (Dean Foods et Borden).

Selon lui, les agriculteurs pourraient également faire face à la volatilité d’une manière différente. « Si les prix sont bas, vous savez ce qu’on dit ? Qu’il faut augmenter le cheptel pour garder plus de vaches et pouvoir suivre cette évolution en termes de coût. Si les prix sont élevés… Il faut agrandir le troupeau pour en tirer profit ! »

Accord commercial ou pas ?

Perdue s’est entretenu avec des membres de la Commission européenne. En 2013, Donald Trump a écarté les négociations visant à conclure un accord commercial global avec l’UE. Du côté américain, il semble que l’UE l’avait déjà fait auparavant, mais n’a pas osé exprimer ses hésitations. Des discussions sont actuellement en cours sur un accord commercial limité. Si pour l’Europe, l’agriculture doit reste en dehors des négociations, elle s’avère être la question centrale pour les Américains.

Le sécrétaire américain n’est pas directement favorable à la possibilité de relancer les négociations sur un accord de libre-échange majeur avec l’UE. Lors de négociations précédentes, les deux parties ont en tout cas établi conjointement le principe selon lequel la science doit compter.Il fait référence à une idée ambitieuse qui rendait les ONG nerveuses à l’époque : la coopération des institutions de régulation européennes et américaines. L’idée était qu’avant même l’élaboration d’un nouveau règlement, le chien de garde de la sécurité alimentaire, l’EFSA, s’assoirait avec son homologue américain pour examiner la meilleure façon d’atteindre un objectif tel qu’une viande bovine saine, par exemple.

Avec ou sans accord de libre-échange, la balance commerciale agricole devrait s’améliorer en ce qui concerne Trump. L’UE a désormais un excédent commercial annuel de 10 à 12 milliards de dollars avec les États-Unis. « Trump estime qu’avec une population qui compte environ deux fois plus de consommateurs que les États-Unis et deux tiers des terres agricoles, il ne devrait pas y avoir de déficit commercial. Nous voulons travailler pour combler ce fossé et résoudre les problèmes qui subsistent ». La partie européenne souligne qu’une partie de la différence réside dans le fait que l’UE exporte principalement des produits transformés et les États-Unis principalement des matières premières agricoles. Perdue peut « en partie » s’en accommoder.

Les droits de douane à l’importation sont un problème, selon lui, mais les barrières non tarifaires entravent également les échanges. L’homme de passage chez nous ne veut pas mentionner des thématiques délicates comme L’acceptation des produits issus de cultures OGM, des « poulets chlorés » américains, ou du bœuf produit avec des hormones de croissance…

Soutien à la politique de Trump

Notre interlocuteur avertit l’Europe. « Les agriculteurs américains soutiennent Trump – malgré les milliards de dommages causés par la guerre commerciale qu’il a provoquée. » Les accords commerciaux que les États-Unis ont conclus la semaine dernière avec le Canada et le Mexique, d’une part, et avec la Chine, d’autre part, lui prouvent que le style de négociation de Trump – jamais trop mauvais pour utiliser le poids de sa position ou de celle de son pays – fonctionne. « Négocions dans une atmosphère amicale. Ne le poussez pas à bout… N’essayez pas le surprendre en train de bluffer, en supposant qu’il n’agira pas de la sorte »

La réputation américaine ternie

Selon le secrétaire à l’Agriculture, la population européenne se fait une idée fausse de la façon dont les Américains pratiquent l’agriculture. Des «fake news» qui sont également relayées par les politiciens européens. Perdue évoque les termes calomnieux utilisés pour décrire les produits américains. « Prenez les termes poulet chloré, utilisés dans toute l’Europe. Nous n’utilisons plus le chlore contre les agents pathogènes depuis un certain temps déjà. Nous utilisons de l’acide parasite. Vous comprenez ce qu’est l’acide parasite ? C’est essentiellement du vinaigre ! Cette solution n’est qu’une protection supplémentaire contre la salmonelle et l’E-coli. »

Préoccupations sur la PAC

Sur la question de savoir comment les États-Unis envisagent les plans d’une nouvelle politique agricole commune, dans laquelle les paiements sont liés aux services verts, M. Perdue fait profil bas. L’ancien système d’aide au revenu a été violemment critiqué par les Américains. Le nouveau système est accusé d’être conçu pour continuer à subventionner les agriculteurs. « C’est la politique européenne, mais ce que je vois, c’est que les agriculteurs veulent prospérer en produisant, et non grâce à un système de protection sociale qui paie les agriculteurs pour qu’ils fassent les choses différemment. »

L’Américain fait la comparaison avec le différend commercial entre les États-Unis et la Chine, qui, pour les agriculteurs américains, s’est traduit par des exportations nettement moins importantes, par exemple de maïs et de soja. «Trump a voulu limiter leurs pertes commerciales par des paiements de « facilitation du marché » (compensation pour les prélèvements étrangers injustifiés, ndlr). Il s’est demandé pourquoi l’argent disponible n’était pas utilisé. J’ai dit, Monsieur le Président, ils veulent se développer, ils veulent le gagner, ils veulent du commerce au lieu d’un soutien. Ils se sentent moins satisfaits lorsqu’ils reçoivent ce chèque dans leur boîte aux lettres. »

D’après Jan-Cees Bron

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