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Fertilisation de la pomme de terre: les points d’attention pour raisonner les apports

Les besoins en minéraux d’une production de pommes de terre sont partiellement fournis par la richesse du sol et par la minéralisation des apports organiques et des effluents d’élevage. Les engrais minéraux sont appliqués en complément garantir la satisfaction des besoins totaux Un éclairage par le Carah.

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Les pluies de ces derniers mois ont fait énormément de bien aux sols. Parfois en excès. Certaines terres n’ont malheureusement pas la chance de se ressuyer aussi rapidement que d’autres.

Néanmoins, cette pluviométrie abondante en début de saison permettra aux cultures de démarrer dans de bonnes conditions hydriques. En comparant les pluviométries de janvier à mars pour 2019 et 2020, le nord de la Wallonie s’est vu recevoir des quantités d’eau supplémentaires non négligeables (Helchin et Ath). Pour le centre, l’est et le sud du pays (Floriffoux, Amberloup et Jevoumont), cette augmentation est moins marquée. Par ailleurs, les températures moyennes mesurées sur la même période sont supérieures de 1 à 2ºc par rapport à la normale.

La fertilisation sera raisonnée en considérant les objectifs de rendement en lien avec le potentiel des variétés et le sol.
La fertilisation sera raisonnée en considérant les objectifs de rendement en lien avec le potentiel des variétés et le sol. - M. de N.

Venons-en maintenant à la fertilisation, en commençant par les besoins totaux de la culture.

Cet apport d’engrais conditionne grandement le rendement et la qualité de la récolte. Mal maîtrisée, la fertilisation peut engendrer des nuisances tant économiques qu’environnementales. Elle doit donc tenir compte des besoins de la culture, mais également des apports de matières organiques, de la minéralisation du sol et des reliquats dans le profil.

Les besoins totaux de la culture (tableau 1) sont liés aux objectifs de rendement. Ceux-ci sont en corrélation avec la variété, les conditions climatiques, la structure du sol et les critères qualitatifs attendus. Il faut veiller à apporter tous les éléments minéraux nécessaires à la croissance et au développement de la culture.

tab 1

Attention, l’excès peut poser de nombreux problèmes pendant la saison ou sur la qualité finale des tubercules. L’objectif de rendement visé doit donc tenir compte du potentiel de la variété, mais également du sol. Le choix de variétés présentant un potentiel de rendement élevé ne doit pas aller de pair avec une exagération de la fumure

La fertilisation azotée

Notons d’emblée qu’un léger manque d’azote est nettement moins préjudiciable qu’un excès : tenons en compte lors du calcul. D’une saison à l’autre, les reliquats azotés seront variables. L’apport en fumure azotée peut être calculé par la méthode du bilan.

Les besoins sont fournis partiellement par la minéralisation de l’humus du sol et des résidus du précédent, par les reliquats disponibles au printemps, par les engrais verts et par les apports organiques (engrais de ferme). La fumure doit donc représenter l’écart entre les besoins de la culture et les fournitures d’azote par le sol. La richesse en azote des différentes matières organiques peut être fort variable et il est souvent risqué de se baser uniquement sur des valeurs moyennes d’équivalence minérale. Pour affiner ce calcul, il est très intéressant de procéder à l’analyse des matières organiques produites dans l’exploitation.

La méthode du bilan, si elle se base sur des données moyennes, ne sera pas le reflet exact de votre exploitation. Une analyse de sol et plus particulièrement du profil azoté sur les horizons 0-30 et 30-60 cm vous permettra d’obtenir des données précises sur la richesse du sol qui personnaliseront et optimiseront le conseil de fertilisation. Ces analyses seront indispensables pour les parcelles aux itinéraires techniques particuliers ou pour les terres de location. Les demandes d’analyses peuvent s’effectuer soit au laboratoire de pédologie du Carah pour la province de Hainaut (068/264.690) soit par internet sur le portail Requacarto à l’adresse http://requacarto.cra.wallonie.be/.

La fumure azotée de base s’applique généralement sous forme de solution azotée, d’engrais composé ou de nitrate d’ammoniaque sous forme solide. En cas d’utilisation d’engrais solide, on appliquera ceux-ci avant la plantation pour une bonne répartition dans la butte.

En apports fractionnés

Le fractionnement de la fumure azotée est également possible, avec une première fraction d’environ 70 % de l’apport minéral conseillé avant la plantation. La deuxième fraction sera appliquée en post-émergence. Cette technique a pour but d’éviter une surfertilisation et permet de fournir l’azote pendant la croissance de la culture, au moment où elle en a le plus besoin.

Généralement, la dose à appliquer lors du deuxième apport est déterminée par une analyse au chlorophyllomètre  ; cette technique nécessite de laisser une fenêtre sans azote dans une zone homogène de la parcelle. Pour information, ce service de suivi est accessible via le laboratoire de pédologie du Carah (068/264.690).

Pour éviter les zones non fertilisées indispensables à l’utilisation du chlorophyllomètre, une autre méthode est d’affiner le 2e apport sur la base d’un profil azoté après la levée des pommes de terre. Le fait d’effectuer le profil azoté en cours de végétation (peu après la levée) permet de tenir compte de la minéralisation du sol en début de saison de culture. Cette technique se justifie pleinement en cas d’apport de matière organique de printemps, car elle permet d’approcher les disponibilités réelles du sol pour la culture.

En ce qui concerne les critères de choix de l’engrais et de son mode d’application en végétation, il faut privilégier l’efficience et la rapidité d’absorption de l’azote par la plante.

Apport par le sol en conditions d’humidité

L’azote minéral solide (nitrate d’ammoniaque) peut être utilisé si les conditions d’humidité du sol sont suffisantes pour permettre la migration de l’azote vers les racines.

Apport foliaire en conditions sèches

La solution azotée sera déconseillée pour éviter tout risque de brûlure du feuillage ; on optera plutôt pour de l’urée perlée à diluer dans la cuve ou une formulation liquide d’urée prête à l’emploi, à appliquer par temps couvert et sur un feuillage sec. Ces formes liquides seront pulvérisées en plusieurs fois, à la dose de 15 à 20 N/ha/passage.

Une erreur souvent commise lors du fractionnement est d’apporter la seconde fraction trop tard en culture de sorte qu’elle n’est plus correctement valorisée par la plante. L’apport doit être réalisé au plus tard au début de la tubérisation. Lors du prélèvement de sol pour analyse du profil azoté, il est donc important de prendre en compte ce délai pour ne pas apporter le complément d’azote trop tard en culture.

L’azote potentiellement lessivable (APL)

Si au moins 20 % de la superficie de vos parcelles sont en zone vulnérable, vous êtes susceptibles de vous faire contrôler sur la teneur en nitrate de ces parcelles. L’Administration sélectionne chaque année 5 % des exploitations situées en zone vulnérable afin de contrôler la quantité d’APL contenu dans vos sols.

Les zones vulnérables sont les suivantes : les Sables Bruxelliens, le Crétacé de Hesbaye, le territoire de Comines, le Pays de Herve, le Sud Namurois et le Nord du Sillon Sambre et Meuse.

Si vous êtes contrôlés, vous devrez correspondre aux normes et ainsi être classés comme conformes. Dans le cas contraire (non-conforme), vous devrez vous inscrire dans un programme d’observation au cours duquel les résultats devront s’améliorer. Sans amélioration, des amendes sont prévues.

Pensez également aux besoins en phopshore et potasse

La pomme de terre est une culture exigeante en phosphore et en potassium, ces éléments ne sont pas à négliger !

Le raisonnement de la fumure potassique est essentiel pour toutes les variétés, mais revêt un caractère particulier pour celles dont les teneurs en matière sèche sont élevées. Une bonne alimentation en potasse améliore la qualité des tubercules (abaissement de la teneur en sucres réducteurs et de la sensibilité au brunissement enzymatique) et réduit leur sensibilité aux endommagements (noircissement interne en particulier).

De la potasse...

Il existe deux grandes formes d’apport en potasse:

la forme sulfate: bien que plus coûteuse, elle présente l’avantage d’également apporter l’élément soufre dont les carences sont de plus en plus souvent constatées en raison de la réduction significative des retombées atmosphériques. Le soufre peut également être apporté avec la fumure magnésienne (respecter un apport K/Mg d’environ 3/1). L’apport de potasse sous forme sulfate a tendance à afficher un PSE sensiblement plus élevé comparativement à la forme chlorure. Cette forme sera donc privilégiée pour les variétés avec des PSE souvent moyens ou pour la production de pommes de terre de transformation en chips, dont le PSE demandé est plus élevé.

L’apport de potasse sous la forme chlorure tend à réduire sensiblement la valeur du poids sous eau et à améliorer l’indice de brunissement pour les conservations de longue durée. Il est à privilégier sur les variétés à poids sous eau élevé.
L’apport de potasse sous la forme chlorure tend à réduire sensiblement la valeur du poids sous eau et à améliorer l’indice de brunissement pour les conservations de longue durée. Il est à privilégier sur les variétés à poids sous eau élevé. - M. de N.

la forme chlorure: elle a tendance à diminuer sensiblement le poids sous eau et à améliorer l’indice de brunissement lors de stockages de longue durée. L’apport de potasse sous cette forme ne devrait pas dépasser les 240 unités pour éviter des problèmes de salinité. Vu son impact, on privilégiera cette forme sur les variétés à haut PSE. Ce type d’apport a également tendance à acidifier le sol.

Il existe également d’autres types d’apports de potasse : engrais composés, vinasses, engrais organiques (fumier, lisier, compost, etc…).

... et du phosphore

Les besoins en phosphore sont importants, il joue en effet un rôle dans l’enracinement, la teneur en amidon et donc la matière sèche. Il est mis à disposition par le sol sous forme de phosphore assimilable, et ce en fonction du pH et de l’activité biologique du sol. Cet élément est d’autant plus important que la variété tubérise peu.

La fumure phosphorique doit prendre notamment en compte les apports via les engrais de ferme.
La fumure phosphorique doit prendre notamment en compte les apports via les engrais de ferme. - M. de N.

Les fumures phosphorique et potassique se calculent sur base d’une analyse pédologique classique. En l’absence d’analyse, vous pouvez évaluer vos apports sur la base des besoins de la culture en vous référant au tableau 1, et sur la teneur en P2O5 et K2O des engrais de ferme repris dans le tableau 2.

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Retenons également qu’un excès peut conduire la plante à une surconsommation.

Et aussi le magnésium, le zinc, le manganèse, le bore…

Les apports foliaires de magnésium sont souvent bénéfiques dans les sols faiblement pourvus ou dans le cas d’apports potassiques importants. Il est nécessaire de toujours respecter un rapport K/Mg d’environ 3/1.

Le magnésium, le zinc, le manganèse et le bore doivent être disponibles dès le début de la croissance pour jouer pleinement leur rôle dans l’élaboration de la masse foliaire. Ces éléments ont aussi un impact sur la qualité de la tubérisation.
Le magnésium, le zinc, le manganèse et le bore doivent être disponibles dès le début de la croissance pour jouer pleinement leur rôle dans l’élaboration de la masse foliaire. Ces éléments ont aussi un impact sur la qualité de la tubérisation. - M. de N.

Le zinc, le manganèse et le bore perdent de leur disponibilité lorsque le pH est élevé. Dans ce cas, les apports foliaires se justifient dès le début de la croissance.

Ces quatre éléments interviennent dans l’élaboration de la masse foliaire et ont un impact ultérieur sur la qualité de la tubérisation. Ils doivent être disponibles dès le début de la croissance foliaire pour jouer pleinement leur rôle.

En ce qui concerne les éléments peu mobiles (Mn, Zn, S, B), il faut veiller à ce qu’ils soient disponibles dès les premiers jours de la croissance foliaire, la translocation dans la plante étant faible à nulle.

Pensez aux avertissements mildiou et au nouvel outil VigiMAP du Carah

Pour les intéressé(e)s, il est temps de souscrire aux avertissements «mildiou» du Carah. A partir de cette année, tous les abonnés bénéficieront en plus d’un accès à la nouvelle plateforme interactive de gestion du mildiou sur leurs parcelles, www.vigimap.be, afin d’augmenter leurs compétences dans la lutte contre le mildiou.

Ce nouvel outil d’aide à la décision permet à l’utilisateur, après inscription, de suivre et gérer ses cultures au plus près simplement et visuellement. Il a en effet la possibilité d’y géo-référencer ses parcelles et d’accéder aux courbes d’incubation du mildiou et aux données météorologiques propres à chacune de ses terres. Un nouveau service de «discussion» avec expert est également opérationnel.

La nouvelle plateforme interactive de gestion du mildiou sur les parcelles, www.vigimap.be constitue une avancée dans la conduite responsable de la culture.
La nouvelle plateforme interactive de gestion du mildiou sur les parcelles, www.vigimap.be constitue une avancée dans la conduite responsable de la culture. - M. de N.

L’abonnement prévoit comme toujours, l’envoi des avertissements via le mode de réception souhaité (fax, mail, alerte sms), les conseils téléphoniques ou e-mail, des visites sur les parcelles à la demande, des analyses qualitatives et quantitatives des productions,...

A noter que des tutoriels sont disponibles sur www.vigimap.be, dans le menu « Aide » afin de vous aider à prendre l’outil en main.

Informations et inscriptions: Carah, 11, rue Paul Pastur, 7800 Ath, www.carah.be; mildiou@carah.be; fax.: 068/264.635.

D’après l’équipe du Carah à Ath

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