Et Après?

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D’un coup de Covid magique, les erreurs d’hier seront réparées, et les grands problèmes mondiaux seront pris à bras-le-corps. Malnutrition, pillage des ressources naturelles, réchauffement climatique, injustices, discriminations et racisme, répartition inégale des richesses…, vont être objectivés et réduits autant que possible, dès que cette saleté aura disparu. Et bien dites donc, il y aura du boulot!! En fait, tempèrent dans leur for intérieur les bien-pensants, tout n’était pas si mauvais dans le monde « d’avant ». Ce serait tout de même idiot de jeter le bébé avec l’eau du Covid. Il faudra, en premier lieu, garder les métiers dits « essentiels », qui constituent le socle de notre société, et leur donner les moyens de fonctionner de manière optimale. Quant aux autres activités…

La crise sanitaire a eu pour effet de pointer du doigt les secteurs indispensables : soins de santé, alimentation, sécurité, énergie. Même les ministres n’exerceraient pas un métier vraiment essentiel… Une grande partie du secteur tertiaire a été priée de rester chez lui, de télé travailler, – les mauvaises langues disent « télé-glandouiller »- tandis que les agriculteurs, les médecins et infirmières, les policiers, les transporteurs, les électriciens…, sont restés sur le pont. Le secteur tertiaire occupe désormais le plus grand nombre de travailleurs : les administrations, les banques, les restaurateurs, les tenanciers de débits de boissons, les commerces… Tous ces métiers étaient très peu présents voici un siècle. Ils ont été créés pour gérer et absorber une impressionnante main-d’œuvre libérée par la mécanisation, la motorisation, la robotisation, la digitalisation, de l’industrie et de l’agriculture surtout.

Notre métier nourricier ne représente plus qu’une faible partie de la population, dans nos pays occidentaux. Son rôle essentiel ne repose plus que sur trop peu d’épaules. L’agriculture, chez nous et partout dans le monde, est trop souvent oubliée. Fondue dans le décor, elle fait partie du paysage éternel des activités humaines. Dans le « monde d’après », aura-t-elle droit à davantage d’égards, davantage d’attentions pour assurer la sécurité alimentaire de 8 milliards d’individus ? De toute évidence, le besoin est grand. Chaque jour, 21.000 (vingt et un mille !) personnes meurent de faim dans le monde. Une toutes les quatre secondes ! Et le compteur tourne : tic tac, tic tac, tic tac. Six cent mille chaque mois ! Plus de sept millions chaque année ! Pire ! Ces chiffres affolants pourraient bien doubler, suite aux bouleversements provoqués par la crise du Covid-19. La pandémie de faim sévit sur Terre de manière endémique, sans qu’aucune puissance politique ne décide d’y remédier sérieusement. Allez quoi ? À votre bon cœur, Messieurs les financiers ! Quelques milliards pour guérir les huit cents millions de malades de la faim, contaminés par la misère, confirmés aux besoins intensifs depuis des lustres, confinés dans le déni des nantis. Tandis que le coronavirus, éminemment moins meurtrier dans l’absolu, engendre tout un drame parce que ses conséquences économiques menacent la petite vie pépère des populations riches. C’est absolument scandaleux ! Honte sur nous…

Dans notre société « d’avant », et sans le moindre doute « d’après », l’argent doit circuler à toute vitesse : il faut consommer, dépenser sans compter, boire et manger à s’en faire sauter la sous-ventrière, voyager et tourner fou sur la planète entière. La crise de ces jours sombres a pointé du doigt le caractère dominant et envahissant de ces métiers futiles, moins essentiels, qui mangent la Terre méthodiquement et sans remords. Sapristi ! Dans le « monde d’après », va-t-on leur imposer une cure d’amaigrissement, pour sauver les affamés et leur rendre justice ? J’entends déjà ces gens hurler, ceux-là même qui fustigent aujourd’hui le monde d’avant, qui affirment vouloir le changer, assis confortablement dans leur fauteuil de confinés, une bière à la main, et un filet à papillons dans l’autre. Chassez le naturel, le temps d’un confinement de deux mois, il reviendra ensuite au grand galop, dès la libération. Et tant pis pour les métiers essentiels, tant pis pour les miséreux, pour la sécurité alimentaire de TOUTES les populations…

L’Après sera sans doute pire que « l’Avant ».

Le direct

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