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VigiMAP, un nouvel OAD pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre:

Fort de son expertise, le Carah a mis au point la plateforme internet VigiMAP, un nouvel outil d’aide à la décision complémentaire aux avertissements « mildiou ».

Temps de lecture : 9 min

Depuis plus de 30 ans, le Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province de Hainaut (Carah asbl) accompagne les producteurs de pomme de terre, d’abord hennuyers, puis wallons. Pour mener à bien cette culture, il est en effet essentiel de posséder une connaissance pointue de ses pathogènes et ravageurs. L’ennemi principal : le mildiou.

C’est en 1986 que Christian Ducattillon, alors agronome au service d’économie du Carah, s’est penché sur cette question. En s’inspirant d’un modèle épidémiologique de prévision du mildiou (Guntz & Divoux), il mit en place les premiers avertissements du Centre, d’abord pour un petit groupe de quelques producteurs. À force d’observations du pathogène et de ses paramètres de développement, ce modèle de base a vite évolué afin de fournir des prévisions toujours plus proches de la réalité. De même, la communication a été perfectionnée, passant du courrier postal au fax, puis à la messagerie électronique.

Au départ réalisés manuellement, les calculs de développement du mildiou, basés principalement sur l’humidité relative et la température, ont été informatisés en 2009. Un partenariat a vu le jour entre l’asbl Pameseb – faisant maintenant partie du Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w) –, en charge de la fourniture des données météorologiques, et le Carah chargé de l’amélioration, l’interprétation et la vulgarisation du modèle. Cette collaboration permet une plus grande vitesse de calcul ainsi qu’une actualisation plus fréquente (3 fois par jour), ce qui constitue une grande avancée dans la qualité des avertissements.

Le modèle de l’asbl est aujourd’hui validé en Belgique et même en Chine, de loin premier pays producteur à l’échelle mondiale, où environ 500.000 agriculteurs en bénéficient au quotidien grâce à un réseau de plus de 650 stations météo réparties dans 14 provinces !

Faisant suite à l’évolution technologique et à la demande des agriculteurs, grâce à l’expérience acquise durant de nombreuses années, le Carah a mis au point la plateforme internet VigiMAP (www.vigimap.be), un nouvel outil d’aide à la décision (OAD) complémentaire aux avertissements. Depuis septembre 2019, celui-ci offre la possibilité aux agriculteurs, aux conseillers techniques et aux amateurs abonnés aux avertissements mildiou de l’asbl, de suivre leurs parcelles et d’anticiper l’arrivée de la maladie.

L’équipe en charge des expérimentations et avertissements en culture de pommes de terre. De gauche à droite : Benjamin Abrassart, Olivier Mahieu, Benjamin Couvreur, Cyrille Vryghem, Olivier Barbieux, Maxime Bonnave, Hélène Rasmont et Vicky Meunier
L’équipe en charge des expérimentations et avertissements en culture de pommes de terre. De gauche à droite : Benjamin Abrassart, Olivier Mahieu, Benjamin Couvreur, Cyrille Vryghem, Olivier Barbieux, Maxime Bonnave, Hélène Rasmont et Vicky Meunier

Un outil complémentaire aux avertissements !

Sous la forme d’une plateforme interactive et intuitive, Vigimap offre à l’utilisateur une personnalisation du conseil de lutte contre le mildiou. Outil complémentaire aux avertissements qu’ils reçoivent, les abonnés peuvent prendre en compte les conseils généraux qui y sont proposés, tout en adaptant ceux-ci à la modélisation de la situation sur chacune de leurs propres parcelles, facilement consultable sur la plateforme. En effet, une fois leurs parcelles dessinées sur la plateforme, plusieurs options sont proposées :

– une modélisation du mildiou à la parcelle : de manière automatisée, Vigimap modélise le développement du mildiou sur une parcelle selon les données météo des trois stations météorologiques les plus proches parmi les 38 stations réparties sur l’ensemble du territoire wallon. Il est également possible de connecter sa propre station météo (voir ci-après) ;

– une modélisation de la durée d’action des fongicides appliqués : lors de l’application d’un fongicide, le niveau de protection qu’il engendre et sa dégradation progressive sont automatiquement modélisés, ce qui permet de visualiser directement si la parcelle est toujours suffisamment protégée contre de futures infections. La résistance au lessivage des produits étant très importante dans leur durée d’efficacité, l’outil modélise également l’impact de la pluviométrie sur leur rémanence ;

– une personnalisation de la lutte contre le mildiou : il n’est pas toujours possible pour l’agriculteur de respecter un conseil de traitement à une date précisée dans un avertissement. Cela crée alors un décalage du calendrier de traitement par rapport à celui conseillé par le Carah. Grâce à la visualisation des dates d’applications des produits, de leur durée d’action propre, de la situation météorologique de la parcelle et de la modélisation du développement de la maladie sur celle-ci, il est possible de suivre une cadence de traitement propre à la situation de chaque parcelle.

Tous ces avantages (et bien d’autres, voir ci-après) rassemblés dans une plateforme interactive et intuitive permettent un suivi particulièrement précis de chacune des situations que rencontre l’agriculteur.

Comment interpréter le modèle ?

L’élément principal du modèle est constitué des courbes d’infection théoriques du mildiou ( figure ci-dessous). Elles débutent (infection) en bas du graphique et se terminent (sporulation) en haut de celui-ci. Chaque passage d’une sporulation à une infection correspond à une nouvelle génération de mildiou (numérotation dans la partie supérieure du graphe). La génération à laquelle il est conseillé de commencer à protéger les pommes de terre dépend de la sensibilité variétale au mildiou. Celle-ci est évaluée tous les ans par le Carah et par le Cra-w, en collaboration avec la Fiwap. Il est possible de trouver les résultats de cette sensibilité variétale dans la bibliothèque de Vigimap.

Figure 1: graphique de développement des courbes mildiou propre à la parcelle enregistrée avec en abscisse (axe horizontal) les dates de développement du graphique et en ordonnée (axe vertical) les niveau d’incubation du pathogène. Les courbes obliques (bleu ciel) représentent le développement du mildiou, avec la date d’infection en début de courbe et la date de sporulation en fin de courbe. L’application d’un fongicide étant représentée par la courbe grise et rose, elle permet de contrôler l’état de protection de la culture (en gris, la culture est protégée et en rose il est nécessaire de traiter à nouveau si un courbe redémarre dans cette zone).
Figure 1: graphique de développement des courbes mildiou propre à la parcelle enregistrée avec en abscisse (axe horizontal) les dates de développement du graphique et en ordonnée (axe vertical) les niveau d’incubation du pathogène. Les courbes obliques (bleu ciel) représentent le développement du mildiou, avec la date d’infection en début de courbe et la date de sporulation en fin de courbe. L’application d’un fongicide étant représentée par la courbe grise et rose, elle permet de contrôler l’état de protection de la culture (en gris, la culture est protégée et en rose il est nécessaire de traiter à nouveau si un courbe redémarre dans cette zone).

Le second élément important est la protection par les fongicides. Lorsque la surface sous la courbe est grise, le fongicide (attention au type de produit employé selon le stade de la culture) protège les plantes. Lorsque la surface sous la courbe est rose, la protection n’est plus efficace.

Pour réaliser une bonne maîtrise de la maladie, la grande majorité des fongicides agréés étant préventifs, il faut que les plantes soient protégées avant le début de toute nouvelle infection et donc que la surface grise de la protection fongicide couvre bien le début de la courbe de toute nouvelle infection. Cependant, il est parfois difficile de prévoir le début d’une infection, car les données de prévision météo ne sont pas toujours 100 % fiables. Il est parfois donc conseillé de pulvériser préventivement un peu avant la sporulation (fin de courbe), particulièrement lorsque la pression est forte.

Pour plus d’informations sur l’interprétation du modèle, des tutoriels sont disponibles dans le menu aide de Vigimap.

Suis-je pour autant livré à moi-même ?

L’équipe « pomme de terre » du Carah est toujours à la disposition des agriculteurs via les moyens classiques de communication (tél, e-mail, fax) pour toutes questions relatives à la culture des pommes de terre. Vigimap offre cependant de nouvelles possibilités via une messagerie intégrée à la plateforme, qui permet de consulter les agronomes en quelques clics et de joindre des photos pour mieux décrire le problème.

Il est également beaucoup plus facile pour un agronome de diagnostiquer le problème car celui-ci a accès aux données encodées par l’utilisateur dans Vigimap. Dans le cas où une visite de parcelle est nécessaire (gratuite pour les abonnés), le technicien aura également accès à la position de ladite parcelle via cet outil.

Toutes les opérations culturales que vous entrez dans l’outil sont également exportables sous format pdf pour que vous puissiez les communiquer facilement à vos collaborateurs.

Comment choisir mon fongicide ?

Les fongicides ne sont pas tous adaptés à toutes les situations. Même si la liste des produits agréés s’appauvrit petit à petit, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver parmi les caractéristiques de ceux-ci. La liste phyto publiée par le Carah et la Fiwap est un très bon guide. Elle contient tous les détails de la législation pour chaque fongicide et est mise à jour 4 fois par an. Son équivalent électronique est disponible dans Vigimap, avec une barre de recherche pratique pour facilement obtenir l’information nécessaire. Les fongicides y sont également classés selon 4 grands types :

– contact sans protection des tubercules : à utiliser en début de saison, lorsque le feuillage n’est pas en croissance active ;

– contact avec protection des tubercules : à utiliser en fin de saison, à partir de la tubérisation, afin de protéger les tubercules ;

– pénétrants ou translaminaires avec ou sans rétroaction : à utiliser pendant les périodes de forte croissance du feuillage ou/et en cas de forte pression mildiou ;

– systémiques, peu employés car sensibles à l’apparition de résistances. À utiliser en dernier recours et en combinaison avec d’autres fongicides.

Puis-je utiliser mes propres données météo ?

Il est désormais possible de connecter sa station météo personnelle Sencrop au modèle afin de mettre à profit ses propres données météo. Il suffit de se rendre sur l’application Sencrop et d’activer l’AOD Vigimap. D’autres modèles de stations seront également disponibles dans le futur.

La pluviométrie, relevée par les stations météo les plus proches, est également modifiable manuellement. Géographiquement, la pluviométrie est l’élément le plus variable mesuré par les stations et il est donc possible, surtout lors d’épisodes orageux avec de fortes précipitations locales, que la station météo la plus proche d’une parcelle n’enregistre pas la même quantité de pluie que celle tombée sur cette parcelle.

Connection avec un smartphone

Une version Android de Vigimap est disponible sur Google Play. La version iOS n’existe pas actuellement, mais il est possible de se connecter sur la plateforme grâce à la version mobile du site web : www.vigimap/mobile. Sur smartphone, les options sont volontairement réduites au strict nécessaire afin de ne pas compliquer l’outil. Il est donc ainsi possible d’encoder les opérations culturales, consulter le modèle, consulter les caractéristiques des fongicides et de dialoguer avec les experts du Carah.

Le service de « Chat avec expert » permet à l’utilisateur d’entrer en contact avec un expert, en tout lieu, via l’application VigiMAP sur smartphone.
Le service de « Chat avec expert » permet à l’utilisateur d’entrer en contact avec un expert, en tout lieu, via l’application VigiMAP sur smartphone.

Les développements futurs ?

Vigimap, dans ses versions web et smartphone, est un outil en perpétuelle amélioration et se veut résolument au service des agriculteurs. De nombreuses options de la plateforme sont actuellement le fruit de suggestions faites par ceux-ci. « Nous vous invitons donc à nous communiquer vos suggestions de développement afin que l’outil vous soit le plus pratique possible. »

Le Carah collabore avec des experts du Cra-w qui travaillent sans relâche à l’améliorer des données météo qui sont incorporées dans le modèle. C’est ainsi que la saison prochaine, les utilisateurs de Vigimap auront accès à des données météo spatialisées (précision au km2) issues du projet Agromet.

Le Carah collabore également avec les différents acteurs locaux de la recherche et du soutien aux producteurs de pomme de terre (Cra-w, Fiwap, Ucl…) pour l’ajout de nouvelles fonctionnalités. Dans le futur, le modèle pourra donc mieux prendre en compte la résistance variétale, l’évolution des souches de mildiou, la pression du pathogène en début de saison…

Abonnement 2020

Il est encore temps de s’abonner pour la saison 2020. Le service étant subsidié par le Service public de wallonie – DGO3, les tarifs d’abonnement se veulent économiques. Les tarifs ainsi que le bulletin d’inscription sont disponibles sur www.vigimap.be. Ils sont à nous faire parvenir par email à mildiou@carah.be, par courrier au 301, rue de l’Agriculture, 7800 Ath ou par fax au 068/264.635. Pour toute question, notre équipe est disponible par tél. au 068/264.632.

D’après Benjamin Couvreur, Maxime Bonnave, Cyrille Vryghem, Hélène Rasmont, Vicky Meunier, François Serneels et Olivier Mahieu

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